Corruption : la crédibilité du Parlement européen est-elle atteinte ?

La Présidente du Parlement Européen, Roberta Metsola, lors d’une conférence de presse au cours du Conseil Européen du 15 décembre 2022, s’exprime à propos des enquêtes de la police belge concernant la corruption d’élus et de collaborateurs par le Qatar
La Présidente du Parlement Européen, Roberta Metsola, lors d’une conférence de presse au cours du Conseil Européen du 15 décembre 2022, s’exprime à propos des enquêtes de la police belge concernant la corruption d’élus et de collaborateurs par le Qatar ©AFP
La Présidente du Parlement Européen, Roberta Metsola, lors d’une conférence de presse au cours du Conseil Européen du 15 décembre 2022, s’exprime à propos des enquêtes de la police belge concernant la corruption d’élus et de collaborateurs par le Qatar ©AFP
La Présidente du Parlement Européen, Roberta Metsola, lors d’une conférence de presse au cours du Conseil Européen du 15 décembre 2022, s’exprime à propos des enquêtes de la police belge concernant la corruption d’élus et de collaborateurs par le Qatar ©AFP
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Alors que deux députés européens pourraient voir leur immunité parlementaire levée dans le cadre des enquêtes sur la corruption au Parlement, l’institution est fragilisée depuis le scandale révélé par la justice belge début décembre. L’affaire ébranle la confiance des Européens.

Avec
  • Daniel Freund Eurodéputé allemand du Groupe des Verts/Alliance libre européenne
  • Cécile Robert professeure de science politique, spécialiste des institutions et politiques européennes, enseignante à Sciences Po Lyon
  • Dominique Riquet Député européen Groupe Alliance des démocrates et libéraux pour l'Europe

Des valises de billets, un million et demi d’euros détournés, des parlementaires d’aujourd’hui corrompus par des parlementaires d’hier, une ONG combattant la corruption devenue corruptrice elle-même… L’affaire qui s’est déclenchée quinze jours avant Noël et qui met en cause une vice-présidente du Parlement européen actuellement incarcérée touche une institution qui se voulait transparente et dont les rapports avec les puissances d’argent semblaient réglées par des protocoles stricts. Nous savons désormais que ces protocoles doivent être durcis.

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Daniel Freund, eurodéputé allemand Groupe des Verts/Alliance libre européenne ; Cécile Robert, professeure de science politique à Sciences Po Lyon, spécialiste des institutions et politiques européennes ; Dominique Riquet, eurodéputé, Mouvement Radical Social-Libéral.

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Le Parlement Européen, une cible peu surprenante

« Des formes de corruption, de conflits d’intérêts sont déjà intervenus par le passé » explique Cécile Robert, « le dernier date de 2011, lorsque des députés se sont déclarés prêts à accepter des sommes d’argent contre des amendements ». L’institution n’est pas fragile en soi selon elle, « il y a, en son sein, des défenseurs de plus de transparence ». Dominique Riquet voit, lui, une preuve de la montée en puissance du Parlement : « pourquoi quelqu’un dépenserait des centaines de milliers d’euros pour l’influencer s’il importe peu ? ». Pour Daniel Freund, si dans l’hémicycle ne règne pas non plus une « atmosphère fébrile », il s’interroge tout de même sur l’ampleur du scandale alors que les révélations s’accumulent : « combien de députés, combien de nationalités, combien de corrupteurs ? ».

La nécessité de règles, mais surtout de leur application

Pour Daniel Freund, « l’affaire Cahuzac et la création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique en France devraient être un exemple pour l’Union Européenne ». Il faut combattre la « culture d’impunité » qui sévit dans les institutions européennes : « les bonnes règles qui existent déjà ne sont pas vraiment appliquées, et ne sont pas contrôlées de manière indépendante ». C’est ce que préconisait le groupe Renew dès 2019, rappelle Dominique Riquet : « instaurer des organismes extérieurs au parlement qui puissent assumer la surveillance des règles ». Cécile Robert énumère quelques autres mesures qu’elle juge intéressantes, « souvent mises de côté par les Etats-membres » : la surveillance de l’activité des groupes d’amitié des parlementaires, l’enregistrement obligatoire des lobbyistes, la règlementation des relations entre députés et groupes d’intérêt.

Le risque d’une perte de confiance en l’institution

« Je crains que cette affaire ne pèse sur les prochaines élections au Parlement » regrette Dominique Riquet, « mais c’est le propre de la démocratie que d’afficher ses faiblesses ». D’ici là, ce sont les critiques des institutions qui en ressortent renforcées : « cette affaire tombe dans une semaine où l’on gèle des fonds à la Hongrie, maintenant Orban peut critiquer le parlement ouvertement sur la corruption » observe Daniel Freund. Cécile Robert appelle à voir plus loin : « le groupe de Monsieur Orban est celui qui pratique le moins la transparence : la lutte contre la corruption est une question de choix politique ». Pour atteindre la démocratie vivante qu’elle appelle de ses vœux, une solution : « cesser de penser que seuls les lobbies peuvent nous dire quels sont les choix à faire ».

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