Europe centrale : comment vit-on une guerre dans la durée ?

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (à droite), et le premier ministre tchèque, Petr Fiala (à gauche), donne une conférence de presse conjointe au palais Mariinskyi à Kiev, le 31 octobre 2022.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (à droite), et le premier ministre tchèque, Petr Fiala (à gauche), donne une conférence de presse conjointe au palais Mariinskyi à Kiev, le 31 octobre 2022. ©AFP - GENYA SAVILOV
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (à droite), et le premier ministre tchèque, Petr Fiala (à gauche), donne une conférence de presse conjointe au palais Mariinskyi à Kiev, le 31 octobre 2022. ©AFP - GENYA SAVILOV
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (à droite), et le premier ministre tchèque, Petr Fiala (à gauche), donne une conférence de presse conjointe au palais Mariinskyi à Kiev, le 31 octobre 2022. ©AFP - GENYA SAVILOV
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A l'Est du nouveau : entre accueil des réfugiés, fourniture d’armes, soutien matériel et stratégique à l’Ukraine, la guerre fait bouger les lignes dans la partie orientale du continent européen. Comment la Pologne, la République tchèque et la Hongrie vivent-elles cette guerre dans la durée ?

Avec
  • Paul Gradvohl Historien, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la Hongrie
  • Andrzej Leder Philosophe et psychanalyste
  • Jérôme Heurtaux politiste, ancien directeur du CEFRES à Prague, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Dauphine

Dix mois après l’invasion russe en Ukraine, le président Volodymyr Zelensky est sorti pour la première fois de son pays, pour une visite à Washington la semaine dernière. Au retour il a fait UNE escale, et une seule : en Pologne.

Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, les 4 pays du groupe de Visegrad, occupent une place centrale dans ce conflit. D’abord parce que trois d’entre eux partagent une frontière avec l’Ukraine, avec les risques que cela comporte. Parce qu’ils ont reçu des millions de réfugiés ukrainiens et soutiennent Kiev militairement. Et parce que cette guerre oblige l’Union européenne à regarder sur son flanc est. Comment les équilibres ont-ils changé ces derniers mois ? Quelle influence la Russie garde-t-elle en Europe centrale ? Le centre de gravité européen est-il en train de bouger ? Quelles conséquences sur les politiques intérieures ?

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Comment vit-on une guerre dans la durée ?

Pour en débattre, Cécile Bidault reçoit Paul Gradvohl, historien, maître de conférences à l'université de Lorraine, spécialiste de l'Europe centrale ; Jérôme Heurtaux, politiste, ancien directeur du CEFRES - Centre français de recherche en sciences sociales - à Prague, Maître de conférences à l'Université Paris-Dauphine ; Andrzej Leder, philosophe et psychanalyste de l'Institut de la Philosophie et Sociologie de l'Académie des Sciences polonaise.

La Russie, un ennemi commun ?

Alors que les pays du groupe de Visegrad sont très unis depuis leurs indépendances, ils ne semblent pas traverser la guerre en Ukraine de la même façon, explique Jérome Heurtaux : "je crois qu’il faut vraiment être attentif à au moins trois choses : le rapport à la Russie, les effets économiques sur le pouvoir d’achat de la guerre en Ukraine dont la migration n’est que l’un des aspects, et puis le réflexe anti-migrationiste. Et c’est cette combinaison des trois qui diffère d’un pays à l’autre. Aujourd’hui, on ne peut pas, à l’échelle de cette région, dire qu’il y a eu depuis le début de la guerre un renversement de l’opinion publique : il n’y a pas une majorité de personnes favorables à la Russie". Néanmoins, la position des populations ne fait pas toujours celles de leurs gouvernants, comme on le voit en Hongrie. Andrzej Leder explique cela par le fait que "Viktor Orbàn, le premier ministre hongrois, ne voit pas l’aspect décolonisant de cette guerre. La Russie reste le dernier empire colonial de la sphère européenne. Depuis la fin de l’URSS, elle mène des guerres coloniales dans différents pays. Il y a eu la guerre en Tchétchénie, la guerre en Géorgie, et maintenant elle fait la guerre à un grand pays européen qu’est l’Ukraine, pour le recoloniser. Et c’est cela la différence entre 2014, quand les Russes ont repris la Crimée, et aujourd’hui. Quand ils attaquent Kiev directement, c’est à la souveraineté de l’Ukraine qu’ils s’en prennent. Ce qu’Orbàn ne veut pas voir", tandis que les autres chefs de gouvernements de la région ont bien saisi cet enjeu.

Pour Paul Gradvohl, "l’un des défis que pose cette guerre en Ukraine à l’Europe centrale et à l’Europe entière, est le défi démocratique. Puisque cette guerre est une guerre coloniale, c’est aussi une guerre contre l’espoir démocratique et l’idée qu’il est possible de quitter un monde autoritaire et d’instaurer des institutions qui ne soient pas fondées sur la corruption et la soumission au plus fort. Là, l’Ukraine pose un vrai défi intérieur à Monsieur Poutine".

Affaires étrangères
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