Bien que l’environnement ait été un grand absent de la campagne électorale, le climat préoccupe et inquiète de plus en plus d’expert.es et de citoyen.nes. Face à l’urgence, comment sensibiliser les politiques en les formant aux enjeux du réchauffement ?
- François Gemenne Spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège, enseignant à Sciences-Po et à la Sorbonne
- Anne-Sophie Novel Journaliste et blogueuse spécialisée dans l'écologie, les alternatives durables et la consommation locale
Lundi prochain, les parlementaires suisses dialogueront avec des spécialistes du climat dont des membres du GIEC pour mieux comprendre les processus qui accélèrent le réchauffement climatique et mieux y répondre.
Une initiative qui fait suite à la grève de la faim d’un informaticien de 47 ans qui s’était lancé en novembre dernier dans ce combat "pour le climat de nos enfants".
De façon moins spectaculaire, des élus français se sont déjà formés à ces questions mais une grande majorité d’entre eux ne semblent pas, comme les médiateurs que nous sommes, maîtriser l’ensemble des données et perspectives nécessaires à des prises de décision de plus en plus urgentes.
Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit François Gemenne, professeur à Sciences Po et directeur de l'Observatoire Hugo dédié aux migrations environnementales à l'Université de Liège en Belgique, Anne-Sophie Novel, journaliste spécialisée dans les questions écologiques au site vert.eco, enseignante en journalisme environnemental et Cédric Ringenbach, enseignant et conférencier sur les questions climatiques, ancien direct de The Shift Project et président fondateur de la "Fresque du climat".
François Gemenne souligne le manque de volonté d'action des politiques du fait de la mise au premier plan d'intérêts individuels, au détriment de l'intérêt général, et note que le changement viendra probablement davantage d'une minorité déterminée : "La plupart des hommes et des femmes politiques sont conscients de l'urgence de la situation. On a fait beaucoup d'efforts de pédagogie. Ce n'est pas qu'ils ne savent pas, c'est qu'ils ne veulent pas. (...) Sur les douze programmes présidentiels proposés aux électeurs, seuls deux étaient plus ou moins compatibles avec l'urgence climatique. (...) Nous faisons collectivement le choix de civilisation de ne pas lutter contre le changement climatique, en conscience. Nous transférons le coût humain et financier de cette lutte à nos enfants et petits enfants. Je ne crois plus aujourd'hui que le changement pourra venir d'une majorité conscientisée, il viendra plutôt d'une minorité déterminée. (...) Les forces politiques vont chacune représenter les intérêts particuliers de ceux qui les ont élu, et non pas les questions d'intérêt général. Il n'y a aucun groupe politique qui va les défendre, c'est pour ça que l'écologie politique est condamnée à échouer en permanence."
Anne-Sophie Novel met en lumière la nécessité d'informer mieux au sujet des questions climatiques, afin de questionner le monde avec ces données en tête : "Il faut faire monter la culture générale sur cette question du climat. La majorité des responsables n'ont pas en tête les grands enjeux, les échelles de temps. (...) Au-delà de la formation de nos responsables politiques, il est important de concevoir autrement la façon dont on associe les scientifiques et les experts en politiques publiques aujourd'hui. (...) Pourquoi a-t-on a su mettre en place un Conseil scientifique pour gérer l'urgence d'une crise sanitaire, et pas un sur les questions d'extinction de vivant ? (...) La majorité des grands médias ne parle pas de cette question. (...) Il faut former celles et ceux qui informent pour qu'eux-mêmes apprennent à déformer nos représentations. (...) Il faut que ce soit intégré dans la façon de questionner le monde."
Cédric Ringenbach insiste sur le possible changement qui va s'opérer, et sur les intérêts des outils pédagogiques pour former les politiques aux questions liées à l'environnement, que ce soit auprès des citoyens ordinaires ou des personnalités politiques : "Les politiques écoutent les citoyens, les représentants du secteur économique, ce qui est normal. (...) Je n'ai pas le sentiment que les politiques soient au courant. On voit des gens qui ont le niveau de connaissance du grand public, un niveau très bas. (...) Les groupes de pression qui s'adressent aux politiques n'ont pas le sujet du climat en tête maintenant. Mais cela peut bouger. (...) Il y a une envie croissante des grands patrons pour aller sur le terrain du politique. (...) Les jeunes générations ne vont pas vivre ce qu'on vit aujourd'hui, ils seront en mode survie."
Bibliographie
- Anne-Sophie Novel, L'enquête sauvage, pourquoi et comment renouer avec le vivant ?, Editions de la Salamandre, 2022
- Lionel Astruc, Anne-Sophie Novel, Tanguy Descamps, Julie Pasquet, Sophie Marinopoulos, William Suerinck, Lionel Bordeaux, Aude Massiot, Agir pour le climat, Actes Sud, 2021
- François Gemenne, Géopolitique du climat, troisième édition : Les relations internationales dans un monde en surchauffe, Armand Collin, 2021
- Anne-Sophie Novel, Les médias, le monde et nous, Actes Sud, 2019
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