

Pour contenir l’épizootie de grippe aviaire, quasiment 3 millions d’animaux ont été abattus dans les élevages en France et 18 millions en Italie. L’abattage est, depuis des années, la réponse systématique. Quelles conséquences ? D’autres solutions sont-elles envisageables ?
- Frédéric Keck Anthropologue, directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale au CNRS
En trois mois, en France, deux millions neuf cents mille volailles ont été abattues tandis qu’en Italie, plus particulièrement dans la plaine du Pô, ce sont dix-huit millions d’animaux que les éleveurs ont fait disparaître pour contenir la propagation de la grippe aviaire H5N1.
Ces abattages massifs, répétés pour la quatrième fois en six ans, seraient la seule solution pour enrayer le développement de ces épidémies à répétition, transmises par les migrateurs venus d’Asie aux animaux d’élevage. Or, le secteur de l’élevage est varié, tiraillé entre l’intensif et l’élevage familial à l’ancienne, qui n'ont pas les mêmes réactions face à cette crise.
Depuis 2006 en France, l’abattage massif est préconisé mais choque jusqu’au milieu agricole qui est contraint de le mettre en œuvre : est-il la seule solution ? Pourquoi ne pas avoir recours à la vaccination pour les palmipèdes, comme on le fait pour les poulets ?
Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Frédéric Keck, anthropologue, directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale au CNRS, Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la chambre d’agriculture des Landes et productrice éleveur-engraisseur et Gilles Salvat, docteur vétérinaire, docteur en microbiologie, directeur délégué au pôle recherche de l’Anses.
Marie-Hélène Cazaubon fait un point sur la situation douloureuse des éleveurs et éleveuses aujourd'hui : "Cette année, on est totalement démunis. On a l’impression de ne pas avoir de solution. Nous avons amélioré les pratiques en élevage, nous avons mis en place la biosécurité, nous avons mis en place cet hiver quelque chose qui est contre notre nature du plein air, c’est-à-dire la mise à l’abri des animaux (…) Nous pensions vraiment être à l’abri cette année, on a besoin d’avoir des réponses à nos questions. Qu’est-ce qui fait que nos exploitations sont aussi fragiles face à la diffusion du virus ?".
Frédéric Keck, propose de s'interroger sur le terme de "dépeuplement" : "Le terme de "dépeuplement" est intéressant, car ça suppose qu’il y ait un "repeuplement". On est dans une gestion des populations qui implique une sélection des espèces qui vont être les plus résistances à ces mesures de biosécurité, à ces mises à l’abri de plus en plus fréquentes. (…) Un des enjeux pour les éleveurs est de savoir quelles races vont être privilégiées, et si on va perdre en termes de diversité et de formes d’habitation du territoire par les oiseaux.".
Quant à lui, Gilles Salvat, défend l'idée qu'aujourd'hui, l'abattage est la seule solution, en attendant que d'autres soient testées au niveau international : "Malheureusement, à l’heure actuelle, on a que cette solution. (…) On n’a pas de vaccin sur le marché qui est efficace contre ces virus. Il ne s’agit pas simplement de prévenir les symptômes chez les animaux, mais d’éviter la propagation entre élevages.".
Bibliographie :
- Frédéric Keck, Les Sentinelles des pandémies : Chasseurs de virus et observateurs d'oiseaux aux frontières de la Chine, Zones sensibles, 2020.
- Frédéric Keck, Signaux d'alerte : contagion virale, justice sociale, crises environnementales : comment se préparer aux prochaines pandémies, Desclée De Brouwer, 2020.
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