Guerre en Ukraine : pourquoi la diplomatie a-t-elle échoué ?

De la fumée noire s'élève d'un aéroport militaire à Chuguyev près de Kharkiv le 24 février 2022.
De la fumée noire s'élève d'un aéroport militaire à Chuguyev près de Kharkiv le 24 février 2022. ©AFP - Aris Messinis
De la fumée noire s'élève d'un aéroport militaire à Chuguyev près de Kharkiv le 24 février 2022. ©AFP - Aris Messinis
De la fumée noire s'élève d'un aéroport militaire à Chuguyev près de Kharkiv le 24 février 2022. ©AFP - Aris Messinis
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Dans la nuit du 23 au 24 février, Vladimir Poutine a annoncé le début d’une “opération militaire” en Ukraine. Malgré de nombreuses réunions, sommets, discussions entre dirigeants ces dernières semaines, la guerre n’a pas pu être évitée.

Avec
  • François Heisbourg Conseiller spécial à l’ISS (International Institute for Strategic Studies), conseiller spécial du président de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)
  • Jean Lopez Historien, journaliste, écrivain
  • Sylvie Bermann Diplomate française

Jusqu’à la nuit dernière, de nombreux observateurs voulaient donner une chance à la diplomatie, affirmant que Vladimir Poutine ne prendrait pas le risque de déclencher un conflit mais voulait contraindre les États-Unis à négocier. Maintenant que la guerre est lancée, le temps n’est plus à la diplomatie. Pourra-t-elle revenir et comment ? 

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice en Chine, Royaume-Uni et Russie, présidente du conseil d'administration de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN), François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, Jean Lopez, journaliste, historien, directeur de la rédaction du bimestriel Guerres & Histoire.

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Sylvie Bermann explique la nécessité de "tenter la diplomatie jusqu'au bout" et met en lumière les difficultés qui seront rencontrées lors du retour de celle-ci, du fait d'un manque de confiance en Vladimir Poutine : “Il fallait tenter la diplomatie jusqu'au bout, le Président de la République est dans son rôle, tout le monde a essayé. Dans le passé, ça a pu fonctionner (...) C’est la raison pour laquelle le Président de la République a pu y croire et essayé jusqu’au bout. Poutine, qui l’a reçu plusieurs heures, a discuté de manière précise de la mise en œuvre des accords de Minsk. Pendant ce temps, il préparait cette intervention, mais ce n’était pas possible de le savoir. Aujourd’hui, ce n’est plus le temps de la diplomatie, mais ça reviendra un jour, même si ce sera difficile car il y aura une perte de confiance dans la parole de Vladimir Poutine. (...) En diplomatie, on a toujours des positions de départ, qui sont des positions maximalistes, et ensuite une négociation et des compromis. Or, Vladimir Poutine ne s’est jamais démarqué de ces positions maximalistes, alors que les Américains étaient prêts à les écouter."

François Heisbourg souligne les impasses diplomatiques rencontrées déjà depuis décembre dernier, et la volonté de Vladimir Poutine de retourner en arrière : "Dès décembre dernier, les chances de la réussite de la diplomatie, même sur la base de la lecture du Vladimir Poutine du passé, étaient extrêmement minces. Mais il fallait tenter, le Président de la République était dans son rôle. (...) Mais la diplomatie était condamnée à l’avance, à cause de quelque chose qui est peut-être plus grave même que l’occupation du territoire ukrainien, ce sont les deux traités russes qui ont été déposés entre les mains des médias puis des Américains en décembre dernier. Ces projets prévoient le retour à la situation stratégique d’il y a trente ans. (...) L’échec de la diplomatie est dicté d’abord par ça, et l’affaire ukrainienne c’est l'explosion qui détruit toute idée de diplomatie jusqu’à ce qu’un jour ça revienne." 

Jean Lopez, lui, fait plusieurs parallèles avec des situations passées : "Vladimir Poutine a évoqué la possibilité pour l’Ukraine de se doter d’armes nucléaires à toute vitesse, l’Ukraine n’ayant plus d’armes nucléaires, et pas la possibilité d’en fabriquer. Il a voulu réactiver chez les Russes le syndrôme du 22 juin 1941. (...) Poutine a cherché un effet de choc psychologique en disant que la supériorité des russes est d'être prêts à mourir, de pouvoir faire la guerre du jour au lendemain. " 

Bibliographie :

  • François Heisbourg, Retour de la guerre, Odile Jacob, 2021
  • Jean Lopez, Kharkov 1942 : le dernier désastre de l’Armée rouge, Perrin, 2022 
Journal de 12h30
26 min

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