Israël devient-il une démocratie illibérale ?

Un Israélien manifeste à Tel Aviv, le 28 janvier 2023, contre une réforme du gouvernement visant à permettre au législateur de contourner les décisions de la Cour Suprême
Un Israélien manifeste à Tel Aviv, le 28 janvier 2023, contre une réforme du gouvernement visant à permettre au législateur de contourner les décisions de la Cour Suprême ©AFP - JACK GUEZ
Un Israélien manifeste à Tel Aviv, le 28 janvier 2023, contre une réforme du gouvernement visant à permettre au législateur de contourner les décisions de la Cour Suprême ©AFP - JACK GUEZ
Un Israélien manifeste à Tel Aviv, le 28 janvier 2023, contre une réforme du gouvernement visant à permettre au législateur de contourner les décisions de la Cour Suprême ©AFP - JACK GUEZ
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Avec des violences qui ont déjà fait 37 morts pour le seul mois de janvier, les débuts du gouvernement de Benyamin Netanyahou, le plus à droite de l’histoire d’Israël, inquiètent les défenseurs de la démocratie. Ils manifestent notamment contre un projet de loi de contournement de la Cour Suprême.

Avec
  • Laly Derai Membre du comité central du Likoud
  • Charles Enderlin écrivain, journaliste, ancien correspondant de France 2 à Jérusalem
  • Nitzan Perelman Doctorante en sociologie politique à l’université Paris Cité, ingénieure en sociologie au CNRS

L’expression démocratie illibérale s’est développée pour qualifier des gouvernements qui, une fois élus, s’attachent à remettre en cause certaines libertés publiques.

C’est ainsi que, depuis le retour de Benjamin Netanyahu et le vote de la confiance en son gouvernement fin décembre, des manifestations fournies l’accusent de mettre en œuvre un programme de mise au pas de la justice. En s’attaquant d’abord à la Cour suprême à propos de laquelle un projet de loi cherche à limiter ses pouvoirs au nom du peuple.

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Mais, dans un contexte de tensions accrues entre Autorité palestinienne et gouvernement israélien, d’opération militaire en Cisjordanie et de retour des attentats, la question sécuritaire ne va-t-elle pas reprendre le dessus sur le débat constitutionnel et juridique ?

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Laly Derai, membre du comité central du Likoud ; Charles Enderlin, écrivain, journaliste et ancien reporter de France 2 à Jérusalem ; Nitzan Perelman, doctorante en sociologie politique à l'Université Paris Cité.

Pour Nitzan Perelman, « le Likoud bascule de plus en plus à droite, depuis 2009 et le retour de Netanyahou au pouvoir » : selon elle, la réforme de la cour suprême en est un symptôme. La loi proposée par le gouvernement « permettrait d’annuler une décision de la cour avec une majorité simple et de modifier le comité qui nomme les juges, pour contrôler tout le processus, du début à la fin ». Israël n’ayant pas de constitution, la cour s’appuie sur un corpus de lois fondamentales depuis 1992. Aujourd’hui et dans un contexte de défiance des Israéliens vis-à-vis de la justice et du monde politique, cette réforme génère une forte opposition, qui se manifeste même sous la forme d’un départ de grandes entreprises, un « tournant dans les protestations » selon elle.

« Il y a une grande inquiétude au sein du Congrès américain » explique Charles Enderlin au sujet de la première visite du Secrétaire d’Etat américain depuis la prise de fonctions du nouveau gouvernement israélien, « de nombreux démocrates sont inquiets de la manière avec laquelle Benyamin Netanyahou développe sa politique ». Il dénonce la dérive vers « un nouveau régime qui va à l’encontre des valeurs démocratiques de l’Etat », comme celles du sionisme de Theodore Herzl, d’un Etat avec des communautés à égalité. Pour lui, « on avance vers la dictature » : la fin du « contrepouvoir » qu’est la cour suprême pourrait permettre la légalisation de mesures « concernant les Palestiniens, les colonies […], le système éducatif israélien, qui pourrait passer sous la responsabilité du sionisme religieux ». Le journaliste comprend donc les mobilisations : « tout cela amène la population israélienne libérale, mais aussi de droite, à descendre dans la rue ».

Laly Derai, qui est membre du Likoud, estime que « la réforme de la cour va renforcer le système juridique israélien ». Elle s’insurge conte un travail de la cour qu’elle qualifie « d’interprétation de la loi selon une vision complètement subjective […] : dans les années 1990, le président de la cour suprême a décidé tout seul qu’Israël avait une constitution, alors que la Knesset n’en a jamais approuvé ». Le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne fait donc que restaurer « la séparation des pouvoirs », selon elle. « La cour suprême est aussi extrêmement monolithique » ajoute-t-elle, « depuis 1988, seulement 7 juges ont été issus du monde séfarade, quasiment aucun arabe, aucun religieux ». Cette réforme, pour elle, remet de l’ordre dans la démocratie israélienne, contre une Cour qui « ne représente pas le peuple, mais une élite particulière de gauche ».

L'Invité(e) des Matins
40 min

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