La BD est-elle le nouveau lieu du débat ?

La BD est-elle le nouveau lieu du débat ?
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Le 26 janvier s’ouvre la 50e édition du Festival International de la bande dessinée d’Angoulême, quelques semaines après l’affaire Vivès. Pendant longtemps déconsidérée avant d’être qualifiée de 9e art, la BD occupe-t-elle désormais une place singulière dans le débat public ?

Avec
  • Mirion Malle Autrice et illustratrice
  • Amélie Mougey Journaliste, rédactrice en chef de la Revue Dessinée
  • Didier Pasamonik Journaliste et commissaire d'exposition, spécialiste de la bande dessinée, directeur de la rédaction du site ActuaBD.com

Le succès public des mangas, des romans graphiques et des documentaires dessinés, bref de ce qu’on appelait autrefois la BD, a accompagné la croissance continue du festival international d’Angoulême, né en 1974. C’est d’ailleurs une bande dessinée, Un monde sans fin, écrit par l’ingénieur Jean Marc Janvovici et l’auteur Christophe Blain qui a été l’œuvre la plus vendue en librairie l’an dernier avec ses 600.000 exemplaires.

Parallèlement, le festival d’Angoulême qui s’ouvrait aujourd’hui est devenu tellement central pour le public et les professionnels qu’il s’accompagne chaque année ou presque de polémiques : en 2016, quand aucune autrice n’avait été sélectionnée parmi les trente auteurs pouvant emporter le Grand Prix ; l’an dernier, quand cinq jurés démissionnaient du prix Éco Fauve, destiné à saluer une œuvre sur l’urgence écologique, parce qu’il était sponsorisé par une entreprise de carton. Et cette année avec l’affaire Bastien Vivès, auquel une exposition devait être consacrée à Angoulême.

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Alors même que la BD vient d’entrer au Collège de France avec Benoit Peeters et à l’académie des Beaux Arts avec Catherine Meurisse, cette institutionnalisation change-t-elle la nature de cet art et lui donne-t-elle de nouvelles responsabilités ?

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Mirion Malle, dessinatrice et autrice de bande dessinée ; Amélie Mougey, journaliste, éditrice et rédactrice en chef de La Revue Dessinée ; Didier Pasamonik, journaliste et commissaire d'exposition, spécialiste de la bande dessinée, directeur de la rédaction du site ActuaBD.com.

Reconnaître la place de la bande-dessinée

« J’aimerais que la BD soit reconnue comme un art à part entière » explique Mirion Malle, « c’est un medium merveilleux, très riche, avec une production très diverse depuis le début ». Or, cette légitimité n’est pas évidente pour tous : « quand je dis qu’on fait de l’enquête et du journalisme en Bandes dessinées, on me demande ‘pour les enfants ?’ » témoigne Amélie Mougey, « je réponds ‘non, on traite de l’affaire Sarkozy-Kadhafi, de l’agro-industrie, des déchets nucléaires…’ et j’installe comme ça cette légitimité de la BD à parler de tout et à être prise au sérieuse ». Pour Didier Pasamonik, « la légitimité de la BD est tout à fait établie ». Il cite notamment l’entrée à l’Académie Française de Pascal Ory, historien des représentations culturelles et spécialiste de la bande dessinée.

« Le festival d’Angoulême est même devenu un forum de revendications » ajoute-t-il, « et pourquoi pas ? ». Mirion Malle observe plutôt un positionnement intermédiaire de la bande-dessinée dans le débat : « sa force et sa faiblesse est d’être vue comme un ‘sous-média’ : des gens qui ne lisent pas de BD vont lire des BD vulgarisatrices ». « C’est un langage qui peut plus, et qui peut différemment » pour Amélie Mougey. Dans son travail à La Revue Dessinée, « on croise des regards entre le journaliste qui enquête et le dessinateur qui donne un supplément d’âme, une narration ».

Un 9e art avec des responsabilités à prendre ?

C’est le débat autour de l’affaire Bastien Vivès qui a animé l’actualité du milieu de la bande-dessinée : « ce qui me frappe, c’est la disproportion » s’interroge Didier Pasamonik, « on parle d’albums qui ont eu 6000-7000 lecteurs et la pétition a dépassé les 100 000 signataires, il y a une centaine de milliers de gens qui parlent sur des on-dit ». Il poursuit : « effectivement les interrogations et sensibilités sont différentes selon les générations, c’est naturel de les interroger, mais je ne suis pas d’accord sur le fait qu’on ne puisse plus créer comme on le faisait dans les années 1960 ». Pour Amélie Mougey, le monde de la BD a une responsabilité : « se poser des questions quand il y a des publications : qu’est-ce qu’on véhicule comme imaginaire ? Comme vision du monde ? Comment ça va être reçu ? ».

« Je suis surprise de voir la véhémence avec laquelle on va défendre des choses qui sont indéfendables » s’insurge Mirion Malle, « on parle de censure à propos de choses qui sont interdites ». Selon elle, « le festival ne s’illustre pas par une volonté, d’évoluer, de questionner les personnes mises en avant […] et, en général, la nouvelle génération d’autrices n’est pas représentée dans les institutions». Pour Amélie Mougey, « on est face à un mouvement politique, progressiste depuis ‘me too’ qui vient interroger et redéfinir ce qui est acceptable ou non, et la BD doit accepter de se faire bousculer par ce mouvement ».

Benoit Peeters, écrivain et scénariste de BD, nous a accordé un entretien avant l'ouverture du festival d'Angoulême

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Le Réveil culturel
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