La nouvelle loi bioéthique a-t-elle un train de retard ?

Plusieurs couples homosexuels pourront bientôt bénéficier des fécondations in vitro, comme ici, à l'hôpital Tenon AP- HP.
Plusieurs couples homosexuels pourront bientôt bénéficier des fécondations in vitro, comme ici, à l'hôpital Tenon AP- HP.  ©AFP - Philippe Lopez
Plusieurs couples homosexuels pourront bientôt bénéficier des fécondations in vitro, comme ici, à l'hôpital Tenon AP- HP. ©AFP - Philippe Lopez
Plusieurs couples homosexuels pourront bientôt bénéficier des fécondations in vitro, comme ici, à l'hôpital Tenon AP- HP. ©AFP - Philippe Lopez
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Alors que les députés ont terminé le nouvel examen du projet de loi bioéthique qui entérine la « PMA pour toutes », des voix discordantes critiquent les non-dits de ce texte important pour la majorité. Ce débat occulte-t-il des thématiques majeures notamment sur le rapport au transhumanisme ?

Avec
  • Guillaume Chevrollier Sénateur de Mayenne (LR)
  • Pierre-Henri Duée Président de la Section technique du CCNE
  • Laurence Brunet Chercheuse associée en droit des personnes et de la bioéthique à l’université de Paris 1.
  • Coralie Dubost Rapporteuse de la loi bioéthique

C’est la première grande réforme sociétale du quinquennat : dans la nuit du vendredi 31 juillet au samedi 1er août, après une semaine d’âpres débats, le projet de loi bioéthique a été adopté en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale. Le texte est désormais attendu pour un second passage devant le Sénat en janvier prochain. 

Lors de la première lecture début 2020, les sénateurs l’avaient largement amendé, en écartant plusieurs mesures de taille, en restreignant le remboursement de la PMA par la Sécurité Sociale aux seuls couples hétérosexuels, malgré l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Les députés sont toutefois revenus sur la plupart de ces modifications. Et sur certains sujets, ils sont même allés plus loin que ne le souhaitait le gouvernement - sur le droit d’accès aux origines des enfants nés de PMA par exemple.

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Outre la procréation médicalement assistée, les termes du débat sont complexes : auto-conservation des ovocytes, recherche sur les cellules souches embryonnaires, extension du diagnostic préimplantatoire, PMA post-mortem... "Eugénisme !" crient une partie des opposants à la loi. "Rendez-vous manqué", répliquent certains chercheurs et associations qui souhaiteraient que le texte aille encore plus loin.

Les limites qui ont été posées par les députés sont-elles les bonnes ? Comment concilier le techniquement possible et éthiquement souhaitable ? La loi peine-t-elle à suivre les évolutions de la science et de la société ? Ou au contraire ouvre-t-elle une brèche dangereuse pour l’avenir ? Quels prochains défis d’ailleurs  attendront le législateur quand la loi devra à nouveau être révisée, dans cinq ans ?

Pour en débattre, nous recevons la députée, rapporteuse de la loi bioéthique Coralie Dubost (LREM, Hérault), Pierre-Henri Duée, président de la section technique du CCNE (Comité consultatif national d'éthique), Guillaume Chevrollier, sénateur (LR, Mayenne) et la juriste spécialisée en droit de la famille Laurence Brunet

La science apporte un certain nombre de possibles : sont-ils souhaitables sur le plan éthique ? C’est le débat que nous essayons d’avoir au CCNE. Et dans un débat éthique, il n’y a pas de gagnants ou de perdants. L’important, c’est d’arriver à construire, par l’écoute, une voie possible face aux innovations médicales ou thérapeutiques. Depuis 1994, les principes du consentement (libre et informé), de l’autonomie et de l’équité sont au cœur de la réflexion éthique menée en France. Dans le même temps, nous avons besoin d’étendre les expérimentations.  
Pierre-Henri Duée, membre du CCNE

Ce qui est techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ? Je respecte le désir d’enfant de certains couples mais je considère que l’élargissement de la PMA aux familles sans père est une décision discutable. La médecine est là pour réparer, pour guérir et non pour modifier la nature.  
Guillaume Chevrollier, sénateur LR

Désormais, la valeur d’engagement, de responsabilisation, des parents est fondamentale. À l'avenir, l’idée de la filiation devrait être reconsidérée à partir de la question de l’engagement d’un couple par rapport à l’enfant, notamment pour les personnes transsexuelles qui ont des capacités gestationnelles.  
Laurence Brunet, juriste

L’extension du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A), pratiqué uniquement dans le cadre d’une fécondation in-vitro, ne relève pas de l’eugénisme. En effet, il est crucial de pouvoir agir rapidement, dès l’implantation, si l’on observe que le nombre de chromosomes est excessif pour éviter une réaction tardive après 6-7 mois de grossesse. Nous présentons un projet d’accompagnement de la société mais qui pose également des interdits à l’instar de la création des embryons à des fins de recherche.  
Coralie Dubost, député LREM

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