Le macronisme est-il un centre ?

Les partisans du parti centriste au pouvoir LREM placardent des affiches de campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron, à Rennes, le 24 mars 2022.
Les partisans du parti centriste au pouvoir LREM placardent des affiches de campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron, à Rennes, le 24 mars 2022. ©AFP - Damien Meyer
Les partisans du parti centriste au pouvoir LREM placardent des affiches de campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron, à Rennes, le 24 mars 2022. ©AFP - Damien Meyer
Les partisans du parti centriste au pouvoir LREM placardent des affiches de campagne pour la réélection d'Emmanuel Macron, à Rennes, le 24 mars 2022. ©AFP - Damien Meyer
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Alors que le paysage politique français semble désormais divisé en trois "blocs", le macronisme est-il un "centre" et lequel ? Le centrisme est-il seulement définissable ? Peut-on mieux comprendre ce "centre" grâce à l'étude du territoire breton, souvent qualifié de "modéré" ?

Avec
  • François Prigent Professeur agrégé d'histoire, enseignant au lycée Châteaubriand de Rennes et chargé de cours à l'Université Rennes 2 et à l'IEP de Rennes
  • Christian Le Bart politiste, professeur à Sciences Po Rennes

Les invités des Matins de France Culture ce matin ont expliqué que la Bretagne était une région modérée et centriste qui avait donné une très large majorité à Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle. Cependant, le Président-candidat a perdu plus d’une centaine de milliers de voix et des localités du centre-Bretagne ont donné la majorité au deuxième tour à Marine le Pen. Nous allons revenir, dans cette émission en direct de Rennes, sur la façon dont, lors des législatives de 2017, la Bretagne avait donné 24 sièges sur 27 au mouvement macroniste, après avoir été une région majoritairement socialiste. Et nous demander ce qui, du mélange de social-démocratie et de démocratie chrétienne, de progressisme et de centrisme, se retrouve aujourd’hui dans le macronisme.

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Thomas Frinault, maître de conférences en science politique à l’Université de Rennes 2, Christian Le Bart, professeur de science politique à l’Institut politique de Rennes et François Prigent, docteur en histoire contemporaine, agrégé d’histoire, président du groupe ouest Bretagne de la Société française d’histoire politique.

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Thomas Frinault revient sur les caractéristiques du macronisme : “A mon sens, le macronisme est plus central que centriste. (...) On voit une grande famille qui se présente comme une famille modérée, qui dit que c'est soit elle, soit des alternatives non souhaitables de son point de vue, c’est-à-dire une gauche radicale et une droite nationaliste. (...) L’idée de verticalité voire d’autoritarisme a été vue dans la version très centraliste et nationale des investitures aux élections municipales. (...) Il y a une idée forte dans le centrisme : on se réunit davantage sur des projets que sur des idéologies, cela explique un ralliement au macronisme. (...) Quand on observe les législatives de 2022, on retrouve des centres plus qu’un centre."

Christian Le Bart met en lumière le contexte particulier de 2017, qui explique notamment l'adhésion au parti : "C’est un risque de définir le centrisme par sa substance, par des contenus idéologiques. (...) L’entreprise En Marche est une entreprise très jeune. La revendication du centre, assez tardive, participe de cela alors que le macronisme est constamment renvoyé à gauche par la droite et renvoyé à droite par la gauche. (...) Il faut rappeler le contexte de 2017 : l’effondrement du socialisme de gouvernement et le désespoir des barons du socialisme. Les partis de gouvernement sont mal-en-point à l’époque. La nouvelle offre politique apparaît ouverte, centriste, pragmatique, fonctionne alors. (...) Les maires jouent avec les étiquettes de façon très distanciée. L’idée d’implantation d’un parti n'est plus d'actualité."

François Prigent note les différentes particularités du système partisan régional aujourd'hui : "Désormais, c’est plutôt l'affaissement des droites qui donne une des caractéristiques de ce macronisme en Bretagne. (...) Le grand basculement politique à gauche de la Bretagne a commencé à partir des années 70. (...) La captation par le macronisme en 2016-2017 se fait sur un schéma de crise politique majeure, avec un renouvellement très fort. (...) On a un moment central du centrisme mais pas véritablement une pratique réformiste centriste. (...) On a eu des élections locales, départementales, régionales, qui ont montré que le système partisan régional était plus complexe. (...) On note un alignement du comportement politique sur le schéma national, c’est une dimension importante dans le système partisan régional aujourd’hui."

Bibliographie :

  • Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu, Nouvelle sociologie politique de la France, Éditions Armand Collin, mai 2021
  • Christian Le Bart, Petite sociologie des gilets jaunes, la contestation en mode post-institutionnel, Presses universitaires de Rennes, août 2020
  • Erwan Le Gall, François Prigent, C'était en 1958 en Bretagne ; pour une histoire locale de la France, Éditions Goater, mai 2018
  • Christian Le Bart, Les émotions au pouvoir, Éditions Armand Collin, avril 2018
  • Christian Le Bart, La politique en librairie, Les stratégies de publication des professionnels de la politique, Éditions Armand Collin, 2012

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