À ce jour, plusieurs candidats à la présidentielle n’ont pas communiqué l’intégralité de leur programme. Comment ces derniers sont-ils fabriqués ? Quel est leur poids aux yeux des électeurs ? Que deviennent les promesses une fois l’élection passée ?
- Michel Offerlé Politiste, professeur émérite de science politique à l'ENS, spécialiste de la sociologie historique et de la sociologie politique. Membre de l'équipe Enquêtes Terrains Théories du Centre Maurice Halbwachs (ENS-EHESS)
À deux mois du premier tour, les candidats et candidates à la présidentielle peaufinent des programmes pas toujours complets. On reproche d’ailleurs à certains la maigreur de ceux-ci, préfigurant une époque où ces listes de propositions ne seraient plus aussi utiles qu’auparavant pour aider les électeurs à déterminer leur choix.
Quelle est l’histoire de ces programmes électoraux dont beaucoup pensent qu’ils témoignent de promesses finalement non tenues par les candidats ? Les programmes sont-ils trop figés dans le contexte volatil des crises sécuritaires ou économiques que nous connaissons aujourd’hui ?
Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Isabelle Guinaudeau, chargée de recherche CNRS au Centre Émile Durkheim à Bordeaux et Michel Offerlé, professeur émérite de sociologie politique à l'École normale supérieure (ENS-PSL).
Isabelle Guinaudeau définit la notion de programme, et met en lumière l'idée que l'investissement programmatique n'est pas plus faible, mais concerne des acteurs différents : "Le programme est, en général, un discours écrit qui explicite des intentions pour le futur. Il peut remplir différentes fonctions : une fonction de légitimité externe, lorsqu'on essaie de convaincre les électeurs, ou de légitimité interne, pour mettre d’accord différents courants ou tendances et mobiliser les militants. (…) Je ne dirais pas que l’investissement programmatique est plus faible aujourd’hui, mais qu’il s’est déplacé, depuis les espaces partisans vers d’autres espaces. On est dans un contexte de compétition de plus en plus dur : tous les acteurs vont s’impliquer, par exemple des experts".
Selon Michel Offerlé, on assiste à un réel désinvestissement programmatique : "Il y a deux grandes évolutions des trente dernières années : l’écroulement du nombre d’adhérents et la sous-traitance extérieure de l’activité programmatique. (….) Dans les partis qui étaient intéressés par les programmes, il y a un désinvestissement idéologique très fort. Il n’y a plus de déclaration de principes. Il y a une croyance démocratique selon laquelle on appliquerait le programme sur lequel on a été élu. C’est complètement faux. Il y a un certain nombre de promesses qui seront tenues mais les individus avec lesquels on est en interaction lorsqu’on fait le programme, ce sont les membres du parti et de ses adversaires, alors que lorsqu’on est au pouvoir, ce qui compte c'est essentiellement la maîtrise qu’on peut avoir sur les fonctionnaires et sur l'État. (…) Le vote se fait accessoirement sur un programme. L’offre politique est beaucoup plus large que l’offre programmatique.".
Bibliographie
- Karim Fertikh, L’invention de la social-démocratie allemande : Une histoire sociale du programme Bad Godesberg, Maison des Sciences de l'Homme ed., 2020
- Julien Fretel et Michel Offerlé, Écrire au président : Enquête sur le guichet de l'Élysée, La Découverte, 2021
- Michel Offerlé, Ce qu'un patron peut faire. Une sociologie politique des patronats, NRF essais, Gallimard, 2021
- Michel Offerlé, Les Patrons des patrons, Histoire du Medef, Odile Jacob, 2013
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