Épisode 41 : "Météo"

Le temps qu’il fait, voilà qui fait parler. Surtout depuis l’industrialisation des prévisions et leur présence permanente sur les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux. Mais météo et climat ne sont pas synonymes puisque l’un parle du temps au jour le jour tandis que l’autre rend compte d’un temps moyen dans un espace géographique donné. Et si le premier, la météo ou le temps est par nature incertain, le second, le climat est malheureusement de plus en plus certain. Mais, malgré la répétition des phénomènes extrêmes et les déclarations du GIEC, le réchauffement climatique n’est toujours pas pris comme une catastrophe, ou plutôt comme une catastrophe discrète, si discrète qu’elle n’empêche pas les présentateurs météo de se féliciter des vagues de chaleur et les iconographes d’accompagner leurs articles de baigneurs à la plage.

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Anouchka Vasak, maître de conférences en littérature française, co-responsable du réseau et séminaire "perception du climat" à l'École normale supérieure, co-directrice de la collection MétéoS aux éditions Hermann et Françoise Vimeux, climatologue pour l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Anouchka Vasak souligne l'importance de ne pas oublier et de ne pas s'habituer à ces changements : "On est obligés de repenser les choses : ne pas simplement relativiser ces vagues de chaleur précoces. (...) Il y a une prise de conscience que c’est quelque chose de vraiment inquiétant. (...) Il faut apprendre à vivre les grandes chaleurs différemment. (...) Il y a un phénomène d’amnésie, il est possible qu’on oublie. On s’adapte à tous ces changements qui ne sont pas forcément spectaculaires. (...) Il faut retrouver des pratiques anciennes. (...) On est responsables de ce qu’il se passe, mais il faut prendre en considération cette capacité à oublier et à critiquer. (...) L’éco-anxiété peut avoir une valeur positive."

Françoise Vimeux met en lumière le caractère exceptionnel des températures actuelles, et l'intérêt des propositions faites par les rapports du GIEC : "L’événement que l’on vit là est exceptionnel par sa précocité. On n’a jamais vu de telles températures aussi tôt, au mois de juin. C’est important de dire que c’est un avant-goût de notre futur si on ne fait rien. (...) C’est la probabilité d’occurrence de ces vagues de chaleur qui est changée par le dérèglement climatique. (...) Ce n’est pas une bonne idée d’oublier. On sait quoi faire, on sait comment faire, il faut juste décider de le faire. Les derniers rapports du GIEC ont mis sur la table des feuilles de route avec des pistes, des solutions. (...) Je suis assez optimiste sur les solutions qui sont mises sur la table et sur la possibilité de le faire. (...) Les images qui véhiculent quelque chose de positif mettent à distance le problème. La perception des impacts devient difficile. (...) Ce qui était exceptionnel va devenir la norme mais pour autant les vagues de chaleur n’en seront pas moins dangereuses pour notre santé."

Bibliographie :

• Anouchka Vasak, 1797 - Pour une histoire météore, Anamosa, 2022
• Martin de La Soudière, Martine Tabeaud, Anouchka Vasak (dir.), Le temps qu'il fait, revue Communications n°101, Le Seuil, 2017
• Alain Corbin (dir.), La Pluie, le soleil et le vent. Une histoire de la sensibilité au temps qu'il fait, Aubier, Flammarion, 2013
• Anouchka Vasak, Météorologies. Discours sur le ciel et le climat, des Lumières au romantisme, Champion, 2007
• Emmanuel Le Roy Ladurie, entretiens avec Anouchka Vasak, Trente-trois questions sur l'histoire du climat, Pluriel, Fayard, 2007