

Comment, et où, juger les ressortissants français partis faire le djihad en Syrie et en Irak ? La question se pose, à l'heure où la Turquie commence son programme de rapatriement. Celui-ci doit-il ne concerner que femmes et enfants ? Faut-il créer un tribunal pénal international ?
- Raphaële Parizot Professeure de droit pénal à l'université de Nanterre
- Raphaël Gauvain député LREM de Saône-et-Loire et avocat
- Hugo Micheron Spécilaliste du Moyen-Orient
- Marie Dosé Avocate au barreau de Paris
La semaine dernière à Washington, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a exhorté ses alliés européens à procéder au rapatriement de leurs ressortissants partis faire le djihad en Syrie. Une demande redoublées par celle du secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, qui a précisé qu’il serait irresponsable d’attendre de l’Irak qu’il résolve le problème à la place des pays d’origine.
La France, au même titre que d’autres pays européens, refuse le retour des Français djihadistes et demande à ce qu’ils soient déplacés en Irak pour y être jugés. Cependant, certains milieux antiterroristes et les avocats des djihadistes considèrent qu’il est plus dangereux pour leur vie et pour la sécurité du pays de les laisser dans des camps en Syrie ou des prisons en Irak.
Pour aller plus loin :
Actualités :
- Plus que jamais confrontée au terrorisme, la France attend ses djihadistes de Turquie, Le Figaro, le 12/11/2019
- « Un retour très encadré pour onze djihadistes Français », La Croix, 12/11/2019
- Ne pas rapatrier les djihadistes retenus en Syrie, « un risque de sécurité » pour la France, L'Obs, le 19/10/2019
La question des enfants :
- « C’est donc là qu’ils vivent... » : de Paris à la Syrie, le périple des Lopez, grands-parents en quête des enfants du djihad, Le Monde, le 28/06/2019
- Envers les enfants de djihadistes, « les pays doivent prendre leurs responsabilités », Le Monde, le 08/07/2019
- « Il y a danger de mort pour ces mineurs » : la France exhortée à rapatrier les enfants de djihadistes, Le Monde, le 29/05/2019
- Mélina Boughedir : "Ma fille est tout le temps avec moi, sur le même matelas, dans la cellule, sans jouet", France Inter, le 04/02/2019
Quel(s) jugement(s) ?
- La France doit-elle juger « ses » djihadistes d’Irak et de Syrie ?, La Croix, le 29/10/2019
- Créer un tribunal international pour juger les djihadistes de Daech: une fausse bonne idée?, Le Figaro, le 26/03/2019
- La France a-t-elle d’autres choix que de juger elle-même ses djihadistes?, Le Figaro, le 16/10/2019
Analyses :
- « Les attentats islamistes dans le monde ; 1979-2019 », Etude Fondapol, le 10/11/2019
- Etat islamique : un rapatriement programmé, préparé, mais gelé, Libération, le 04/04/2019
- Quand les forces kurdes échangeaient des prisonniers avec Daech, Le Figaro, le 04/04/2019
- Irak: Paris montre une inquiétante tolérance face aux condamnations à mort de ses ressortissants, Mediapart, le 24/10/2019
- Djihad en prison: comment des détenus communiquent avec des terroristes, Mediapart, le 12/11/2019
Sur nos invités :
Marie DOSÉ, avocate au barreau de Paris. Elle défend des familles dont les enfants et les petits-enfants sont détenus en Syrie, ainsi qu'une quarantaine de femmes de djihadistes français détenus en Irak et en Syrie. Elle demande depuis deux ans à la France de rapatrier femmes et enfants, pour juger les mères et mettre en sécurité les plus jeunes. Elle publiera en janvier prochain Les victoires de Daesh, aux éditions Plon
- Des grands-parents d’enfants français retenus en Syrie portent plainte contre Jean-Yves Le Drian, Le Monde, le 16/09/2019 [Abonnés]
- Femmes et enfants français en Syrie: Paris donne «priorité» aux mineurs isolés ou orphelins, Le Figaro, le 16/09/2019
Lorsque j’entends Monsieur Jean-Yves Le Drian expliquer que ces femmes doivent être en Syrie, c’est une ineptie. La justice syrienne n’existe pas, le Kurdistan syrien n’a jamais existé. On ne va pas attendre que Bashar al-Assad arrive dans ces camps pour les livrer à l’armée syrienne. Il n’y a plus aucune relation diplomatique entre la France et la Syrie, ces enfants souffrent depuis des années. Nous n’avons pas fait le choix de la raison, et maintenant, nous sommes piégés.
Raphaël GAUVAIN, avocat, député LREM de Saône-et-Loire, il a été rapporteur de la loi antiterroriste (SILT) entrée en vigueur le 1er novembre 2017 pour prendre le relais de l’état d’urgence.
- Le Rapport, publié sur le site de l'Assemblée Nationale le 14/09/2017
Les personnes doivent être jugées là où elles ont commis leur crime. Le choix de la raison c’est ça, c’est que ces personnes qui ont choisi d’aller combattre contre la coalition, de rejoindre les rangs de Daesh doivent être jugés sur place.
Hugo MICHERON, docteur en science politique au sein de la Chaire d’Excellence Moyen-Orient Méditerranée de l’ENS – PSL, sa thèse "Les territoires du jihad français : quartiers, Syrie, prisons" paraîtra aux éditions Gallimard en janvier prochain,
- «La prison est essentielle pour comprendre le djihadisme français», Entretien pour Le Figaro, le 13/10/2019
La question pose problème dans tous les pays (d’Europe du Nord-Ouest) et chacun y répond différemment. Le Danemark et la Grande-Bretagne ont choisi d’opter pour la déchéance de nationalité, qui ne résout pas le problème. Ils préfèrent empêcher toute forme de retour potentiel à ces individus qui pose, au-delà des problèmes juridiques, un problème sécuritaire.
Les français encore présents sur zone sont ceux qui ont renoncé la possibilité de rentrer plus tôt. Il y a eu plusieurs vagues, opportunités de retour en 2014, 2015, 2016… Ils n’ont pris aucune de ces portes ouvertes vers le retour, c’est-à-dire que ce sont des « jusqu’auboutistes ». Contrairement aux femmes et enfants, qui sont encore localisés dans des camps, les hommes, pour certains, sont dans la nature, non détenus. La question ne se pose donc pas dans les mêmes termes pour tous les français sur zone. Il y a différentes catégories de français, et de djihadistes.
Raphaële PARIZOT, professeure de droit pénal à l'université de Nanterre.
Le droit pénal international dit que le principe est celui de la territorialité, à savoir que les individus, en principe, doivent être jugés sur le terri où les faits qui leur sont reprochés ont été commis. Cela étant, la France est tout à fait compétente pour les juger car il y a un second principe, en vertu duquel les juridictions françaises et la loi pénale française s’appliquent à tout individu, ressortissant français à l’étranger, qui est soupçonnés d’avoir commis un crime à l’étranger. Deux logiques juridiques se percutent, mais la question est de savoir ce que nous voulons faire de ces individus.
On peut les rapatrier pour différentes raisons. Si on est français, nous n’avons pas à laisser les ressortissants exposés à un jugement inéquitable, voire à la peine de mort. Une autre raison, qui plaira d’avantage à l’opinion publique : pour des raisons de sécurité, il faut mieux savoir où se trouvent ces individus.
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