Pourquoi n'arrive-t-on pas à se passer du plastique ?

Le 24 novembre 2004, champs environnant la décharge à ciel ouvert d'Entressen à Istres
Le 24 novembre 2004, champs environnant la décharge à ciel ouvert d'Entressen à Istres ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Le 24 novembre 2004, champs environnant la décharge à ciel ouvert d'Entressen à Istres ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Le 24 novembre 2004, champs environnant la décharge à ciel ouvert d'Entressen à Istres ©AFP - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
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L’ONU élabore un traité sur le plastique, dont les usages génèrent 300 millions de tonnes de déchets par an. Devenu indispensable aux sociétés humaines, le plastique est un enjeu environnemental et sanitaire global. Interdictions, taxes, recyclage : sommes-nous prêts à nous passer du plastique ?

Avec
  • Valentin Fournel directeur R&D et services écoconception de Citeo
  • Nathalie Gontard directrice de recherche en sciences de l’aliment et de l’emballage à l'INRAE
  • Catherine Malabou philosophe, professeure de philosophie au « Centre for Research in Modern European Philosophy » à l’Université de Kingston au Royaume-Uni

Le plastique est le troisième matériau le plus fabriqué au monde derrière le ciment et l’acier. Et il ne semble pas que cela cesse dans un futur proche si l’on en croit l’étude du collectif « Back to blue » qui prédit un doublement de sa consommation d’ici à 2050 dans les pays développés.

Pourtant, des mesures ont été prises en France pour réduire production et consommation des plastiques d’ici 2028. Pourtant l’ONU a lancé la négociation depuis l’an dernier pour la rédaction d’un traité international sur le thème d’ici 2024. Pourtant l’Union européenne a l’intention de rendre tous les emballages plastiques recyclables avant 2030.

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Comme l’a titré il y a deux ans un rapport parlementaire le plastique peut être considéré comme une bombe à retardement. Mais les industriels du pétrole ou de l’alimentaire semblent ne pas vouloir s’en passer ? Et les consommateurs que nous sommes le souhaitent-ils eux mêmes ?

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Valentin Fournel, directeur R&D et services écoconception de Citeo ; Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'Inrae, experte du plastique, dans toutes ses composantes, notamment auprès de la Commission Européenne ; Catherine Malabou, professeure de philosophie à l'université de Kingston au Royaume-Uni et à l'université de Californie à Irvine.

L’addiction aux plastiques

« Quand l’ère des plastiques est née dans les années 1930 et 1940, le plastique a représenté une promesse démocratique » expose Catherine Malabou, « il voulait dire pouvoir accéder à des produits normalement réservés à une élite ». « En effet, il a joué un rôle important dans notre confort de vie, et est devenu indispensable » poursuit Nathalie Gontard, « il faut dès lors reconnaître une addiction ». Pour la chercheuse, « le plastique signe la plupart des moments de notre vie : à travers la fast-fashion et les fibres synthétiques, les fastfoods, l’hygiène, même jusqu’aux sports de vitesse ». Elle constate surtout « la focalisation des politiques publiques sur le déchet, en oubliant de traiter la consommation de plastique, qui augmente ». Pour Valentin Fournel, « travailler sur la pollution plastique reste la priorité » : les Etats responsables de 85% des déchets plastiques retrouvés dans les océans sont non-européens, « c’est pourquoi un futur traité international sur le plastique est important ».

Le recyclage et ses limites

« Collecter les emballages utilisés, c’est extrêmement important » explique Valentin Fournel, « une fois dans un bac de tri, on est sûr qu’ils ne finiront pas dans la nature ». Même si le recyclage n’est pas une fin en soi, il est absolument nécessaire : « aujourd’hui, on a 5 millions de tonnes d’emballages mis sur le marché, il faut les gérer, et les recycler permet d’éviter chaque année 2.2 millions de tonnes d’émissions de CO2 ». Nathalie Gontard alerte tout de même sur certaines limites du recyclage : « on peut penser en termes de production, d’usage et de gestion du déchet, mais on s’aperçoit qu’il y a une quatrième étape qui peut durer des siècles […] : les matériaux qui utilisent du plastique recyclé vont continuer de se dégrader en micro et nano particules, c’est un gros danger, un héritage terrible pour les générations futures ». Elle préfère le terme de « décyclage » : « on ne recrée par vraiment d’objets à l’identique […] et on pérennise notre pollution plastique ».

Créer un désir pour dépasser le plastique

Pour réduire le plastique, Valentin Fournel appelle à « repenser la fonctionnalité de chaque objet et emballage dans notre quotidien ». C’est ensuite qu’il y a un besoin de pédagogie auprès du consommateur : « certains emballage écoconçus ne trouvent pas leur marché parce qu’il y a justement une perte de fonctionnalité ». C’est la raison pour laquelle Catherine Malabou considère qu’il faut créer le désir : « il faut que l’inconscient puisse se projeter avec d’autres matériaux, comme le plastique le permettait facilement avec des vêtements par exemple ». Dépasser le plastique est possible si les industriels respectent aussi leur « devoir d’information du consommateur » selon Nathalie Gontard, et s’ils s’interrogent eux-mêmes sur « leurs plastiques utiles et inutiles, ceux qui sont remplaçables ou non ». Elle attire l’attention sur les processus de transition écologique : « jusqu’à maintenant, on ne se pose pas vraiment la question du plastique : résultat, les technologies de transition se développent à grand renfort de plastique ».

Eurêka !
58 min

Pour aller plus loin

  • Nathalie Gontard est l'autrice du livre Plastique : le Grand Emballement, paru chez Stock en 2020.
  • Elle animera une conférence PLASTIQUE - LE GRAND EMBALLEMENT le 11 avril, au théâtre de la Reine Blanche, sur la pollution plastique, perturbée par Cyril Casmèze, artiste zoomorphe et Jade Duviquet, comédienne, tous deux de la compagnie du Singe Debout.

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