"Présidentialité" : épisode • 15 du podcast Les termes du débat

Comment définir la "présidentialité" d'un.e candidat.e ?
Comment définir la "présidentialité" d'un.e candidat.e ? - Juliette Mouëllic
Comment définir la "présidentialité" d'un.e candidat.e ? - Juliette Mouëllic
Comment définir la "présidentialité" d'un.e candidat.e ? - Juliette Mouëllic
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A deux jours du second tour de l'élection présidentielle, Marine Le Pen et Emmanuel Macron défendent chacun.e, plus que jamais, leur légitimité à être élu.e chef de l’Etat. Sur quels critères juge-t-on qu’un candidat est “présidentiable” ? Comment se façonne et s’incarne l’autorité présidentielle ?

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Nous connaissions la présidentialisation et le présidentialisme, mais l’usage du terme de présidentialité est bien plus récent - certains écrivent que sa généralisation date de la présidentielle de 2007. Que recouvre cet usage ? Une métaphore de mode, puisqu’il s’agit d’avoir l’étoffe d’un président ou d’une présidente ou de se glisser dans l’habit présidentiel ? La sanction d’une aptitude sociale à se conformer à l’idée partagée d’un comportement présidentiel ? Une contradiction puisque dans cette fonction le candidat ou la candidate doit être à la fois diffèrent du commun qu’il représente et proche de ses concitoyens ? En tout cas, la présidentialité semble être l’ultime épreuve puisque cette qualité floue est aux yeux des politiques et des leurs conseillers un verrou qu’il faut savoir faire sauter pour parvenir à l’Elysée.

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Julien Fretel, professeur de science politique à l'université Paris 1-Panthéon Sorbonne, directeur du département de science politique, membre du CESSP (Centre européen de sociologie et de science politique) et Serge Moati, journaliste et réalisateur.

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Julien Fretel souligne les particularités de la fonction de Président sous la Ve République, et met en lumière l'idée que le société fait évoluer ce qu'on attend de celui ou celle qui incarne l'Etat : "Tout se passe comme si les Français étaient responsables du protocole présidentiel, et donc garants de cette fonction qui est plus qu'une fonction formelle, c'est une manière d'incarner. (...) Il y a plusieurs attributs qui font un présidentiable aujourd'hui sous la Ve République : quelqu'un qui part de loin, qui a été élu local (même s'il y a des exceptions comme Emmanuel Macron), quelqu'un qui a écrit des livres. (...) L'homme prend sa fonction autant que sa fonction le saisit. Le jour où on devient Président de la République, il y a tout un protocole. Les corps changent d'allure, changent de rythme. (...) L'un des Présidents que certains ont dans la tête est un Président tout-puissant, dans les cieux. On lui demande l'impossible. (...) C'est pas un rôle qui est défini uniquement pas le droit, c'est un rôle qui est défini sans arrêt par une société en mouvement."

Serge Moati évoque ses différentes expériences auprès de Présidents de la Ve République, et détaille ce qu'il en a retiré pour la compréhension de la fonction présidentielle : "Mitterrand, ce qu'il avait compris de la présidentialité, c'était prendre le personnage, entrer dans le personnage, sentir le personnage et sentir ce que le spectateur doit recevoir du personnage. (...) Un homme seul va à la rencontre du peuple. (...) Il doit dire sa vérité, il incarne la fonction la plus importante de la République, mais il dit "je". (...) Il y a quelque chose d'insensé dans l'incarnation, mais c'est un jeu. (...) C'est de l'émotion, une bagarre recommencée sans cesse."

Bibliographie :

  • Julien Fretel, Michel Offerlé, Écrire au président : Enquête sur le guichet de l’Élysée, La Découverte, 2021
  • Bernard Dolez, Anne-Cécile Douillet, Julien Fretel, Rémi Lefebvre (dir.), L’entreprise Macron à l’épreuve du pouvoir, PUG et UGA éditions, 2022
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