Législatives : quelle est la nature de la droite dans le Sud ?

Affiches électorales pour les élections régionales à Marseille le 25 novembre 2015.
Affiches électorales pour les élections régionales à Marseille le 25 novembre 2015. ©AFP - BORIS HORVAT
Affiches électorales pour les élections régionales à Marseille le 25 novembre 2015. ©AFP - BORIS HORVAT
Affiches électorales pour les élections régionales à Marseille le 25 novembre 2015. ©AFP - BORIS HORVAT
Publicité

Les dernières élections ont mis en lumière les combats idéologiques qui divisent les droites au sein de la région. Le Sud est-il un laboratoire des recompositions à droite ?

Avec
  • Vincent Geisser Sociologue et politologue, chercheur au CNRS et à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM)
  • Christèle Marchand-Lagier maître de conférence de science politique à l'Université d'Avignon et chercheure associée au Cherpa, laboratoire de l'IEP d'Aix en Provence
  • Michel Peraldi Sociologue et anthropologue, directeur de recherche à l'EHESS

C’est à ne pas s’y retrouver tant le paysage politique qui semblait immuable en Provence Alpes Côté d’Azur a bougé en quelques années. Des leaders de la droite traditionnelle, comme Renaud Muselier au Conseil Régional, Hubert Falco et Christian Estrosi, respectivement Maires de Toulon et de Nice, ont rejoint le camp présidentiel, la mairie de Marseille est passée de droite à une gauche plurielle, le Rassemblement National se retrouve concurrencé sur son propre terrain par le nouveau parti d’Eric Zemmour "Reconquête !".

Les triangulaires aux législatives, qui avaient permis auparavant à des élus d’extrême-droite de parvenir à l’Assemblée, sont moins probables qu’auparavant en raison des taux d’abstention à prévoir. Bref, s’il est difficile d’imaginer les votes de dimanche prochain dans la région, il est peut-être possible de mesurer quelques unes des constantes disputées que nous avons rencontrées lors des émissions spéciales précédentes, à Toulouse, Lille, Rennes : ancrage, enracinement, dynasties politiques ou entrepreneurs politiques…

Publicité

Pour ce débat en direct d'Aix-en-Provence, Emmanuel Laurentin reçoit Vincent Geisser, sociologue et politologue, chargé de recherche au CNRS, Christèle Lagier, maîtresse de conférences de science politique à l'Université d'Avignon, spécialiste de l'analyse des électorats Front national dans le sud-est de la France et Michel Peraldi, sociologue et anthropologue, directeur de recherche émérite à l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (laboratoire IRIS) de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

Vincent Geisser souligne les particularités de l'implantation du RN dans le Sud : "Est-ce qu'à force d'être différents et de se donner des coups, cela va avoir des effets idéologiques ? Va-t-on avoir deux droites en région PACA ? (...) Estrosi exprime un municipalisme un peu hérité de Jacques Médecin face à un Ciotti qui est beaucoup plus une droite nationale. (...) Le RN est le symbole d'un parti autoritaire, centralisé, nationalisé, personnalisé. (...) L'une des singularités, comme au niveau national, est le délitement, l'effondrement d'un certain nombre de forces politiques. Le RN a quelque chose à voir avec ce délitement. (...) Il y a une vraie porosité discursive rhétorique entre des élus de droite qui vont beaucoup plus loin que Marine Le Pen, mais qui ont toujours un électorat fidèle d'héritages familiaux."

Christèle Lagier met en lumière les caractéristiques sociologiques des électeurs de droite dans la région : "La droite dans le Sud n'a pas toujours été très claire avec le Rassemblement national. On a une droite très à droite qui s'est droitisée. (...) On a une droite qui s'écarte entre des catégories populaires et des catégories plus bourgeoises. (...) On est dans une reconfiguration du champ politique national et local, mais du côté des électeurs ce n'est pas si sûr que ça. (...) Plus les candidats s'implantent, moins ils doivent à un parti qui est assez peu reconnaissant. (...) Le recomposition s’est faite en partie en faveur d’Emmanuel Macron, qui est un vote de classe évident des catégories les plus compétentes politiquement."

Michel Peraldi note un certain embarras politique national aujourd'hui : "Je crois que la droite est héritière du système clientéliste. (...) Je pense qu'il y a fondamentalement un embarras politique national, qui est qu'aujourd'hui aucun parti ne trouve réellement autre chose que sa base sociale la plus réduite. (...) L'arrivée de cette gauche plurielle à Marseille a été une vraie surprise. (...) La droite n'a jamais eu autant de pouvoir dans la région qu'aujourd'hui. (...) Si on est dans cet embarras, c’est que les jeux d’alliance ne se font pas, on est dans un flottement généralisé des structures."

Bibliographie :

  • Michel Peraldi et Michel Samson, Marseille en résistances, fin de règnes et luttes urbaines, La Découverte, 2020
  • Christèle Lagier, Le vote FN : pour une sociologie localisée des électorats frontistes, De Boeck, 2017

L'équipe