Les cryptomonnaies ont subi un krach historique le mois dernier. Accusées de n’être qu’un actif spéculatif, elles défendent l’idée de l’argent libéré de la tutelle des banques et de l’Etat. À quoi servent les cryptomonnaies et comment peut-on les contrôler ?
- Aurore Lalucq Députée européenne Place Publique, économiste
- Claire Balva Directrice “Blockchain et cryptoactifs” chez KMPG
- Éric Monnet Économiste, professeur à la Paris School of Economics (PSE) et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
La chute du cours du bitcoin, qui a suivi ce que certains ont jugé bon de surnommer le "crypto-krach", a conduit certaines sociétés spécialisées aux États Unis à engager des licenciements et à "arrêter la musique" comme le disent les investisseurs d’Outre-Atlantique. La hausse des taux d’intérêt a démontré en partie que ce marché des cryptos n’était pas aussi isolé du reste des actifs financiers que ne semblaient le dire sociétés et plateformes de cryptomonnaies.
Pour les promoteurs de ce type de transactions, la crise se double, en Europe, d’une volonté de la BCE et de parlementaires européens de mieux réglementer leur usage. Les projets de règlements MICA et TFR qui ont pour but de réguler les entreprises crypto et de demander la fin de l’anonymat des transactions donnent lieu à de vigoureux échanges dont nous aurons peut-être un écho ce soir.
Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Claire Balva, directrice blockchain et cryptos chez KPMG France, Aurore Lalucq, députée européenne du groupe Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (en France : Place publique) et Eric Monnet, directeur d'études à l’EHESS, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et lauréat du Prix du meilleur jeune économiste 2022.
Claire Balva met en lumière l'intérêt de saisir les opportunités que les cryptomonnaies, qui constituent un secteur stratégique, offrent : "Les grandes cryptomonnaies sont basées sur des blockchains, qui sont des réseaux publics et transparents sur lesquels on peut faire de l’analyse de données. (...) L’Europe se pense comme un marché de consommateurs et pas comme une puissance politique qui pourrait avoir sa volonté propre, or là on est sur un secteur stratégique. (...) Des réglementations étaient présentes dans certains pays de l’Union européenne. (...) Il faut s’intéresser aux problèmes de ces acteurs. (...) La réglementation financière s’est construite sur la nécessité d’avoir des intermédiaires, et là pour la première fois on n’a plus forcément ces intermédiaires. (...) Ces outils sont là, on ne peut pas les interdire. La bonne politique c’est justement d’apprendre à se saisir des opportunités que ces outils nous offrent."
Aurore Lalucq note le manque de réglementation des cryptomonnaies, l'absence de protection des consommateurs, et la consommation énergétique qui pose problème : "Ce n’est pas un écosystème, c’est un marché, c’est un secteur. Ce ne sont pas des monnaies, la monnaie va avec un élément de confiance, de violence, c’est un des éléments de la souveraineté de l’Etat. Ce sont en revanche des actifs financiers extrêmement spéculatifs, très volatils. (...) On est dans une finance non réglementée. (...) Dans les cryptos, il y a énormément d’arnaques. Il faut absolument nettoyer ce marché pour protéger les consommateurs. (...) Le fait que le Bitcoin baisse pose la question de savoir si ça va être toujours rentable, ça demande des puissances et de la consommation énergétique extrêmement importantes. La question est la suivante : est-ce que c’est la priorité aujourd’hui ? (...) On ne sait strictement rien donc on ne peut pas protéger les consommateurs. (...) On demande à certaines plateformes d’avoir un certain nombre de règles pour identifier qui sont derrière les transferts."
Eric Monnet met en lumière le flou qui caractérise cet univers, et le rôle que les banques centrales peuvent jouer : "On est dans un univers qu’on a encore du mal à caractériser. (...) Les cryptomonnaies sont nées dans un contexte de méfiance envers les Etats. (...) Il faut avoir des objectifs clairs sur le développement des marchés bancaires et financiers. (...) Il y a une sorte d’adhésion nécessaire à ce protocole quand on utilise ces cryptomonnaies. (...) Ces monnaies actives décentralisées doivent être vérifiées par un tiers, tout ça est très réglementé à l’échelle interne. (...) Les billets de banque sont amenés à disparaître. (...) La question pour les banques centrales est de créer une alternative à ces billets de banque qui soit digitale. (...) Cela garantirait la stabilité financière et la capacité de mener des politiques macro-économiques."
Bibliographie :
- Eric Monnet, La Banque Providence, Démocratiser les banques centrales et la monnaie, Éditions Seuil, 2021
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