

Depuis deux mois, les manifestations contre le projet de réforme des retraites font le plein dans les villes moyennes et la ruralité. Déjà épicentre de la mobilisation des gilets jaunes, la « France des sous-préfectures » peut-elle faire basculer le mouvement et le gouvernement ?
- Axel Bruneau Professeur agrégé d’histoire-géographie
- Caroline Janvier Députée Renaissance du Loiret
- Kévin Mauvieux Député RN de l'Eure
Élus et observateurs du politique semblent avoir été surpris par l’ampleur des manifestations contre la réforme hors des grandes métropoles, que certaines et certains ont attribué à une addition de colères et de frustrations.
Il est vrai que 12.000 manifestants à Quimper le 11 février et encore entre 4500 et 6000 à Saint Nazaire samedi dernier signent une ampleur inhabituelle dans ce type de protestations.
En proportion, bien des villes moyennes ont connu des mobilisation à la hauteur d’un quart de leur population quand les grandes métropoles ne rassemblaient que 6 à 10 % de leurs habitants.
Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Axel Bruneau, professeur agrégé d’histoire-géographie ; Caroline Janvier, députée Renaissance du Loiret, secrétaire de l’Assemblée nationale ; Kévin Mauvieux, député Rassemblement national de l'Eure.
« Dans ces manifestations, il y a une opposition à la réforme des retraites, mais pas seulement » estime Kévin Mauvieux, « les Français des territoires ruraux souffrent énormément de la politique d’Emmanuel Macron » : il regrette que « les gens ne puissent plus se soigner », à cause de « mesures qui ont détricoté les services publics des campagnes ». Il témoigne « quand vous vivez dans la 3e circonscription de l’Eure, pour vous soigner, vous devez aller à Rouen, et la plupart des habitants ne peuvent plus y aller parce qu’une Zone à faibles émissions a été mise en place dans la métropole ». Il fait partie des quelques députés RN qui se sont rendus en manifestation : « il n’y a pas seulement des CGTistes et des cheminots, mais aussi des anciens gilet-jaunes, des nouveaux ouvriers, une population éclectique », celle qui s‘est paupérisée.
« Evidemment, l’opposition à cette réforme est très forte, et nous le savions dès le départ » explique Caroline Janvier, « nous sommes en responsabilité, il y a des réformes qu’il faut conduire parce que les Français de demain nous reprocheraient de se retrouver sans retraites ». Elle partage l’idée selon laquelle la mobilisation des petites agglomérations révèle une colère à raisons multiples « on travaille déjà sur une future loi sur le travail […] et cette réforme des retraites est la condition de réformes plus sociales ». La députée défend le bilan gouvernemental en pointant le recul du chômage, et réfute un abandon de la ruralité : « des maisons France Services ont été installées avec des interlocuteurs sur tous les sujets […], des programmes Action Cœur de Ville, des investissements sans précédent sur le ferroviaire… ». Pour elle, la réforme est légitime : « un Président a été élu sur un programme de report de l’âge de la retraite, il y a eu des négociations, des débats, et on va arriver à un vote ».
« Les petites et moyennes villes mobilisées se trouvent sur des territoires qui ont cumulé les difficultés » analyse Axel Bruneau, « les efforts pendant le confinement parce que le télétravail n’était pas possible, l’inflation, la dépendance à la voiture individuelle… ». Ils concentrent aussi une part importante des ouvriers et des employés : « même si il y a eu une perte de plusieurs points de PIB dans le secteur industriel, les usines se sont redéployées dans ces espaces-là entrainant une surreprésentation d’emplois peu rémunérés ». Il conteste l’idée selon laquelle la baisse du chômage serait une réponse à ces problématiques spécifiques : « ce ne sont pas les mêmes emplois qui compensent ceux qui disparaissent : quand des emplois industriels sont remplacés par du service à la personne, il n’y a pas le même dynamisme à l’arrivée ». Ces mobilisations en zones rurales ou péri-urbaines traduisent « de vastes espaces politiques délaissés ».
Pour aller plus loin
- Axel Bruneau est l'auteur d'une note pour la Fondation Jean Jaurès intitulée La gauche et les sous-préfectures : la révolte inattendue ?.
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- Paul MarguierStagiaire