

Angela Merkel passera la main fin septembre. Cinq des huit chanceliers qui ont gouverné l'Allemagne depuis 1945 étaient issus des rangs de la CDU. Armin Laschet sera-t-il le 6e ? Et son élection serait-elle une bonne chose pour la France ? Portrait du nouveau patron du vieux parti chrétien-démocrate
Angela Merkel, chancelière depuis quinze ans, passera la main fin septembre. Si les électeurs ne changent pas d’avis d’ici-là, tous les sondages indiquent que le prochain chancelier allemand sera un membre de la CDU. Qui est donc Armin Laschet, nouveau président du vieux parti chrétien-démocrate, élu samedi 17 janvier ?
Un politicien modéré, doté d'une grande expérience
Armin Laschet est le ministre-président de Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé, le plus occidental et traditionnellement le plus orienté vers la France de tous les Länder allemands. C’est un catholique pratiquant, jovial et blagueur comme on sait l’être dans ces régions occidentales de l’Allemagne.
C’est un homme politique doté d’une grande expérience : âgé aujourd’hui de 59 ans, il a adhéré à la CDU à 18 ans, a obtenu son premier mandat électif à 28, comme conseiller municipal d’Aix-La-Chapelle et trois ans plus tard, il était déjà député au Bundestag. Elu député européen en 1999, il est devenu ministre de Rhénanie du Nord-Westphalie en 2005, puis ministre-président suite aux élections régionales de 2017. Un exploit, puisque ce Land avait été presque continuellement dirigé par le SPD durant un demi-siècle. La presse s’accorde à lui reconnaître une très grande expérience politique.
Laschet n’est certes pas un idéologue, mais l’Allemagne ne les aime guère. La ligne qu’il défend, il la définit lui-même comme "une approche raisonnable, évitant les extrêmes". C’est un gestionnaire pragmatique et un militant loyal. Contrairement à bien d’autres dirigeants de la CDU qui ont profité des passages à vide de la chancelière pour tenter d’avancer leurs propres pions, lui s’est montré d’une fidélité exemplaire. Beaucoup de dirigeants chrétiens-démocrates, reflétant la base du parti, estiment que la chancelière a entraîné son parti trop loin vers le centre, voire vers le centre-gauche, dans la perspective d’une coalition avec les Verts. Le SPD s’en plaint. Laschet, lui, est resté fidèle à Merkel sans jamais comploter contre elle.
Markus Söder, leader de la CSU, seul véritable concurrent sur la route de la chancellerie
S’il devient chancelier en septembre, ce sera " Merkel minus Angela", disent les Allemands, Merkel moins Angela : la continuité dans la continuité… Mais Armin Laschet sera-t-il le prochain chancelier ? Annegret Kramp-Karrenbauer, dite AKK, était aussi une alliée fidèle qu’on disait capable de succéder à Merkel, avec le charisme en plus. Elle a été élue présidente de la CDU avec l'appui de Merkel. Puis, elle a jeté l’éponge.
Qu’est-ce qui pourrait barrer à Armin Laschet le chemin de la chancellerie de Berlin ? D’abord, ses propres incertitudes. Il n’est pas absolument certain qu’il ait envie de quitter Düsseldorf. Ensuite, les électeurs. Il faut noter que son élection à la tête de la CDU a été laborieuse. Au premier tour, c’est son rival, Friedrich Merz, plus marqué à droite, qui l’avait emporté, par 385 voix, contre 380 à Laschet et 224 à Markus Söder. Söder est le leader de la CSU, le parti chrétien-démocrate du Land de Bavière, traditionnellement réputé plus conservateur que la CDU. On doit s’attendre à ce que la CSU joue un rôle important dans la désignation du prochain candidat à la chancellerie. A moins que Markus Söder ne soit lui-même ce candidat. Les sondages montrent que les électeurs chrétiens-démocrates le préféreraient nettement à Armin Laschet.
Laschet ou Söder, cela ne concerne pas que les Allemands. Mais aussi nous autres, Français, Européens. Selon l'éditorialiste de Die Zeit Josef Joffe, la politique étrangère et européenne de Laschet pourrait être définie comme un "centrisme diplomatique". Tandis que celle de ses deux rivaux au sein de la CDU, Friedrich Merz et Norbert Röttgen plutôt comme "occidentaliste".
Laschet poursuivrait la politique de Merkel, marquée par une prise de distance vis-à-vis de Washington. Alors que Joe Biden peut être tenté de rompre avec l’isolationnisme de l’administration Trump, en relançant une alliance des démocraties, le "centrisme diplomatique" consistera, pour l’Allemagne, à ne pas laisser l’Europe embarquée dans les confrontations commerciales de Washington avec Pékin. C’est pour y parer, dès à présent, que Merkel a hâté la signature du traité favorisant les investissements entre l’Union européenne et la Chine. On ne doit pas attendre de Laschet qu’il renonce au pipeline Nord Stream 2 qui alimentera l’Allemagne en gaz russe, en circonvenant la Pologne et l’Ukraine.
C’est dans le même esprit que Merkel a profité de la récente présidence allemande du Conseil européen, pour autoriser les emprunts garantis en commun et les transferts très importants décidés récemment pour relancer les économies des Vingt-Sept. Elle a fait tomber un tabou. Quel que soit son successeur, c’est désormais un acquis pour les pays comme le nôtre, qui ont un besoin désespéré de la solidarité allemande pour pouvoir continuer à s’endetter.
En quoi la politique allemande serait-elle différente, si la chancellerie était gagnée par Markus Söder ? C’est bien difficile à prévoir, car le patron de la CSU a tant varié sur tant de sujets qu’à force de flexibilité, il s’est taillé une réputation d’opportuniste. Les capitales européennes préféreraient "Merkel moins Angela"…
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