Aux Etats-Unis, la guerre des générations favorise les Démocrates

Alexandria Ocasio-Cortez, 30 ans, élue à la Chambre des Représentants. Ici à Washington aux côtés de Bernie Sanders le 14 novembre 2019, la jeune députée démocrate incarne-t-elle le renouveau des générations en politique ?
Alexandria Ocasio-Cortez, 30 ans, élue à la Chambre des Représentants. Ici à Washington aux côtés de Bernie Sanders le 14 novembre 2019, la jeune députée démocrate incarne-t-elle le renouveau des générations en politique ? ©Getty - Chip Somodevilla
Alexandria Ocasio-Cortez, 30 ans, élue à la Chambre des Représentants. Ici à Washington aux côtés de Bernie Sanders le 14 novembre 2019, la jeune députée démocrate incarne-t-elle le renouveau des générations en politique ? ©Getty - Chip Somodevilla
Alexandria Ocasio-Cortez, 30 ans, élue à la Chambre des Représentants. Ici à Washington aux côtés de Bernie Sanders le 14 novembre 2019, la jeune députée démocrate incarne-t-elle le renouveau des générations en politique ? ©Getty - Chip Somodevilla
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Aux Etats-Unis, force est de constater que les jeunes votent à gauche, de plus en plus à gauche. Le seul espoir des Républicains de remporter la prochaine élection présidentielle serait de faire le plein des voix chez les baby-boomers. Les anciens des sixties...

Dans un de ses fameux discours, appelant ses concitoyens à se battre avec courage lors de la Deuxième Guerre mondiale, le président américain Franklin D. Roosevelt a dit : « Il existe un cycle mystérieux dans le déroulement de l’histoire. A certaines générations, beaucoup est donné. De certaines générations, beaucoup est attendu. » La génération du baby-boom a été l’un des plus gâtées de l’histoire. Pas seulement aux Etats-Unis. Elle a bénéficié d’une croissance exceptionnelle, du plein-emploi favorisant les ascensions sociales rapides, d’avancées technologiques prodigieuses dans un monde qui ignorait la rareté et les limitations. Elle s’est battue pour conquérir des libertés nouvelles et elle les a obtenues. 

Les générations suivantes ont le sentiment que, pour elles, les choses sont nettement moins faciles. C’est l’une des raisons pour lesquelles, comme l’écrivent, dans le mensuel The Atlantic, le fameux historien Niall Ferguson et l’analyste politique Eyck Freymann, « les clivages de classe et de race, qui ont été déterminants dans la vie politique américaine, tendent à présent à faire place à un clivage générationnel__. »

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Les jeunes Américains penchent-ils à gauche ?

Première constatation : l’âge médian, aux Etats-Unis, est de 38 ans. Or, les figures les emblématiques de la vie politique y sont âgées. Le président Trump a 73 ans. La présidente démocrate de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, a 79 ans. Mitch McConnell, le leader républicain du Sénat, 77. Bernie Sanders, le leader de la gauche démocrate 78 ans. Ces trois derniers relèvent de la Silent generation, celle qui a connu la II° Guerre mondiale. 

Alexandria Ocasio-Cortez, trente ans, vient d’être élue à la Chambre des Représentants. Elle se réclame du socialisme. Certains dirigeants démocrates la jugent trop radicale. En réalité, selon Ferguson et Freymann, elle est simplement en phase avec sa génération. Le socialisme a le vent en poupe chez les Américains de moins de trente ans. Sous leur influence, le parti démocrate glisse vers la gauche. Non seulement la « génération Z », à laquelle appartiennent les personnes nées depuis 1996 est très radicale, mais leurs aînés, les Millenials, penchent eux-mêmes de plus en plus vers la gauche. Les jeunes sont massivement hostiles à Trump. En particulier sur la question de l’immigration. 85 % des moins de trente ans sont opposés à la construction d’un mur sur la frontière avec le Mexique.  

Retour à Roosevelt et à sa citation sur les générations qui ont beaucoup reçu et celles qui n’ont pas eu toutes les chances. Les moins de quarante ans partent dans la vie avec des handicaps que n’ont pas au à affronter leurs aînés. Leurs dettes sont "toxiques" : ils traîneront durant une grande partie de leurs carrières professionnelles les emprunts destinés à payer leurs études. 

Les quarantenaires américains aussi sont endettés. Mais leurs dettes à eux sont des crédits hypothécaires, destinés à finir de payer l’achat de leurs logements. Mais c’est surtout la répartition et l’évolution des revenus qui explique la grande colère des Millenials et des Zoomers (la génération Z). Le revenu médian des baby-boomers s’est envolé depuis 1989. Celui de toutes les générations plus jeunes ont plongé à partir de 2008. Et ce sont les Américains âgés de 35 à 44 ans qui ont le plus pâti de la crise. 

Les Républicains condamnés par la démographie ?

Pour des raisons de simple démographie, les vieux ayant une fâcheuse tendance à disparaître, les Républicains ont donc du souci à se faire. Selon nos deux auteurs, la seule chose qui pourrait empêcher un raz-de-marée démocrate dans les élections de la prochaine décennie, serait la faible participation des jeunes. Or, c’est déjà le cas : si le taux de participation des électeurs de plus de 45 ans est élevé (entre 65 et 75 %), celui de moins de 35 ans est faible (inférieur à 50 %). 

Autre problème, pour les Démocrates : les jeunes ont pris l’habitude de s’organiser hors des partis politiques, pour des causes spécifiques, comme le climat ou leur identité. Ainsi, la March For Our Lives (Marche pour nos vies) organisée par des étudiants suite à la tuerie de Parkland, en Floride, a rassemblé plus de deux millions de personnes. Les jeunes sont particulièrement sensibles à la limitation de la détention des armes à feu.

Le Politically Correct ne fait pas recette auprès des quadragénaires

En fait, la seule chance pour les Républicains de résister aux vagues de fond démocrates qui s’annoncent serait, selon Niall Ferguson et Eyck Freymann, d’obtenir une forte majorité chez les baby-boomers. Mais, relèvent-ils, les thèmes qu’a choisis Trump en vue de sa réélection (lutte contre l’immigration, dénonciation du « socialisme ») s’adressent à la Silent Generation, les plus de 75 ans, mais guère aux baby-boomers. Le ciblage est donc mauvais. Les Républicains feraient mieux de faire campagne contre le Politiquement Correct : les moins de trente ans y adhèrent massivement, mais leurs aînés le trouvent exagéré. En particulier, les baby-boomers, aux yeux desquels la liberté de parole, parce qu’ils l’ont en partie conquise, demeure inestimable.

par Brice Couturier

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