

Tandis que le candidat démocrate entend renouer avec les alliés traditionnels des Etats-Unis, autour de la défense de valeurs communes, le président sortant a une vision plus sombre des rapports de force mondiaux et continue à prôner la défense des intérêts américains.
Dans la revue Foreign Policy, James Traub tente de définir les changements que le candidat démocrate est susceptible d’impulser à la diplomatie américaine. Il s’appuie, pour ce faire, sur la personnalité de Biden, sur ses déclarations publiques et en croisant les prises de position de ses plus proches conseillers.
Joe Biden, un patriote de la vieille école
James Traub remarque tout d’abord la fréquence, dans ses discours, de certaines expressions, qu’on ne prononçait plus guère à Washington : "monde libre", "démocratie", "leadership". Face à un Donald Trump, dont le pragmatisme cynique confine au nihilisme, le challenger démocrate entend renouer avec les valeurs américaines traditionnelles. C’est "un patriote sentimental de la vieille école", écrit Traub, né durant la Seconde guerre mondiale et dont la vision du monde s’est forgée durant les années cinquante. Ses plus proches conseillers le comparent à Harry Truman, qui eut à gérer les débuts de la guerre froide.
S’il est élu président en novembre, Biden est décidé à convoquer un Sommet de la démocratie dès sa première année à la Maison blanche. Une idée empruntée aux néo-conservateurs. Pourtant, il sait aussi que l’époque n’est plus à "l’élargissement démocratique" ni aux "croisades" des années Bill Clinton-George W. Bush. Il a médité les échecs afghans et irakiens.
Il ne s’agit pas d’un effort libéral pour exporter la démocratie, il s’agit de défendre les frontières du monde libre__. Car celui-ci est menacé. De l’intérieur par le populisme illibéral. De l’extérieur par des guerres par procuration d’origine russe ainsi que par l’effort croissant que fait la Chine pour exploiter sa puissance économique afin de réécrire les règles de l’ordre mondial. Colin Kahl, ancien conseiller à la sécurité nationale de Biden lorsque celui-ci était le vice-président d’Obama,
Biden entend renouer, avec les alliés traditionnels des Etats-Unis, les Européens en particulier, les liens abîmés par Donald Trump : c’est un atlantiste convaincu. Dans le Washington Monthly, Julie Smith, autre membre du cercle des conseillers de Biden, suggère que, durant les 100 premiers jours de son mandat, Biden se rende en Allemagne afin d’y prononcer un discours visant à redéfinir l’agenda transatlantique. Mais il est également désireux de rapprocher Washington de la Corée du Sud, du Japon, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande – les alliés traditionnels de l’Amérique. Il s’agirait de rechercher, entre démocraties, des solutions communes aux défis transnationaux.
Côté Trump, une mise à jour radicale du logiciel diplomatique
Que Trump doit-il changer, s'il est réélu en novembre ? Rien, puisque selon Nadia Schadlow, ex-conseillère nationale adjointe à la Sécurité du président sortant, si Trump est peu apprécié par l’establishment diplomatique américain, c’est parce qu’il a remis à jour un logiciel américain qui retardait sur l’état réel du monde.
Dans un article qui vient de paraître dans la revue Foreign Affairs, elle estime que Trump a simplement rompu avec les illusions de ses prédécesseurs : non, la mondialisation n’était pas un jeu gagnant/gagnant. Elle a créé des perdants, et en particulier, les ouvriers américains. Non, la Chine n’était nullement décidée à se convertir à l’ordre libéral occidental et à se démocratiser au fur et à mesure qu’elle s’intégrait à l’économie mondialisée. Au contraire, elle a persisté à piller les technologies occidentales sans ouvrir son marché intérieur. Non, les institutions internationales ne sont pas capables de régenter le système international, car elles sont devenues de lourdes bureaucraties. La gouvernance mondiale est un mythe.
Enfin la dissémination des nouvelles technologies, sur lesquels les libéraux à la Bill Clinton misaient pour répandre la démocratie, a produit l’effet inverse : les Etats autoritaires, comme la Chine, s’en servent pour contrôler leur population. Et tandis que Pékin interdit les réseaux sociaux américains sur son propre espace, il les utilise, comme Moscou, pour déstabiliser les démocraties occidentales.
La réalité du monde d’aujourd’hui, c’est la rivalité entre les puissances. Et un monde devenu de plus en plus hostile aux valeurs et aux intérêts américains. C’est pourquoi, sous la direction de Trump, les Etats-Unis ont rompu avec le programme de la mondialisation libérale et défendent leurs intérêts avec réalisme. Notamment face à la Chine, en utilisant les droits de douane afin d’obtenir un minimum de réciprocité. Réalistes, ils ne cherchent plus à changer le régime politique chinois, mais à protéger leurs propres intérêts.
Une supériorité militaire menacée
La prépondérance militaire américaine est menacée, poursuit Nadia Schadlow. La Chine et la Russie se sont dotées l’une et l’autre de système d’armes anti-satellites et de systèmes de déni d’accès et interdiction de zone qui minent la crédibilité des avions de combat américains les plus modernes, comme le F-35. Mais Trump a augmenté de 20 % le budget du Pentagone depuis 2017.
Elle ne concède qu’une seule critique : Trump s’est "trop reposé sur des partenaires régionaux qui, comme la Turquie, n’ont pas fait le job"… Bref, il a tout bon et il doit juste continuer. Nous verrons bien ce qu'en pensent les électeurs américains en novembre.
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