La "guerre commerciale" est le rideau derrière lequel a lieu le vrai spectacle.
L’expression « trade war », guerre commerciale, arrive très haut dans la fréquence des recherches sur Google. Peut-on encore éviter une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ?
Le président chinois XI Jinping arrivera au Sommet du G-20 à Buenos Aires à la fin de ce mois avec une idée en tête : désamorcer la guerre commerciale que le président américain Donald Trump a lancée à son pays. Et souligne Geoffrey Garrett, dans la revue Foreign Affairs, dans cette négociation, l’Américain arrive en position de force.
L’économie américaine est en plein boom, tandis que la croissance chinoise ne cesse de décélérer. En outre, la Chine dépend davantage du marché américain que l’inverse. Et pourtant, Xi ne peut donner à Trump ce que celui-ci lui réclame : le fameux rééquilibrage des échanges commerciaux entre leurs deux pays. Le président chinois pourra bien promettre l’achat d’avions à Boeing : la progression des vols aériens commerciaux en Chine demeure extraordinaire et les compagnies aériennes doivent encore s’équiper à l’étranger, avant de pouvoir produire leurs propres avions.
Mais cela ne suffira pas. Parce qu’il y a une donnée de fond : les Américains consomment plus qu’ils ne produisent, les Chinois économisent plus qu’ils ne produisent. Disons que c’est culturel…
Alors qu’est-ce que les Chinois peuvent concéder qui calmerait le courroux de l’Américain ? Là, il existe plusieurs pistes. La Chine pourrait s’engager à mieux respecter le droit de propriété intellectuelle des sociétés américaines qui investissent en Chine. Elle pourrait aussi modifier sa politique d’investissements aux Etats-Unis. Acheter moins d’actifs plus ou moins stratégiques ou spéculatifs, et créer plutôt des emplois.
Et de citer Maurice Greenberg, un spécialiste du commerce sino-américain : "la Chine ne peut pas s’attendre à continuer à bénéficier de conditions favorables pour ses exportations et ses investissements, si elle n’accorde pas la réciprocité. » Certaines firmes américaines sont déjà bien implantées en Chine, comme General Motors qui y a une filiale florissante ; mais elles se plaignent de devoir en permanence travailler sous l’étroite supervision de leurs associés chinois – qui les espionnent, afin de leur dérober leurs savoir-faire. Elles voudraient un accès direct au marché chinois. Comme l’Allemand BMW, ces multinationales veulent posséder leurs propres filiales en Chine.
Et là-dessus aussi, Pékin pourrait faire des concessions. Pour une bonne raison : les firmes chinoises, en particulier dans le numérique, ont, elles aussi, désormais, de la propriété intellectuelle à protéger... Et cela commence à changer la vision qu’ont les Chinois du problème. Plus la Chine devient innovante, plus elle comprend l’intérêt de respecter la propriété intellectuelle.
Et du côté des investissements entre les deux pays ?
Là, beaucoup reste à faire ; un traité bilatéral entre les deux pays est en panne depuis des années. Il faut dire que Pékin a répliqué aux menaces américaines sur les droits de douane par un une baisse très sensible de ses investissements aux Etats-Unis. Alors que ceux-ci avaient culminé à plus de 45 milliards de dollars en 2016, ils sont retombés à seulement deux milliards pour les 6 premiers mois de cette année. Les deux pays se montrent à présent mutuellement soupçonneux des intérêts que leur porte l’autre. En particulier, la Commission sur les investissements étrangers aux Etats-Unis.
Mais, poursuit l’auteur de l’article, dans les années à venir, la Chine va multiplier les investissements à l’étranger et les Etats-Unis seraient bien bêtes de ne pas en profiter. Si Trump veut réellement rééquilibrer sa balance commerciale, voilà un moyen d’acheter chinois, mais en achetant des produits fabriqués aux Etats-Unis, par des Américains.
Si Washington a peur que Pékin se serve de cette présence pour s’emparer de compagnies stratégiques, qu’on se souvienne que les mêmes craintes avaient été formulées autrefois envers les investissements japonais. Aujourd’hui, les Américains se félicitent d’acheter des voitures Toyota fabriquées dans des usines installées dans six des Etats-Unis. Ce qui ne doit pas priver chacun des deux partenaires de pouvoir s’opposer, pour des raisons politiques bien motivées, à des achats qui lui paraitraient menacer sa sécurité nationale.
Mais au lieu d’investir dans l’immobilier – et de contribuer ainsi à faire monter les prix – des Chinois détiendraient l’équivalent de 130 milliards dans l’immobilier américain, les Chinois seront bien accueillis s’ils investissent plutôt dans les activités créatrices de valeur. Ainsi, Foxconn, la société chinoise qui fabrique la plupart des composants de Apple, a annoncé qu’elle allait implanter une grande usine dans le Wisconsin. Il y a 13 000 jobs à la clé.
Conclusion : il ne faut pas trop croire aux rodomontades de trump. Elles sont largement à usage de politique intérieure. Ce qu’on appelle « commerce extérieur » recouvre des réalités très diverses. L’essentiel se passe ailleurs, en particulier dans le domaine des investissements. Et de côté, Trump et Xi ont du grain à moudre.
L'équipe
- Production