

Pour l'instant, le nombre de secteurs d'activité concernés est relativement limité, mais la plupart des autres le seront très prochainement.
Une polémique entre un ancien Secrétaire au Trésor et l’actuel détenteur du job a récemment relancé l’intérêt pour l’Intelligence artificielle aux Etats-Unis. Dans une tribune publiée par le Washington Post, Lawrence Summers, qui fut le Secrétaire au Trésor de Bill Clinton, avant de devenir le directeur du Conseil économique national de Barack Obama, s’en est pris à Steven Mnuchin, Secrétaire au Trésor de Donald Trump. Ce dernier a dit que la question de l’Intelligence artificielle ne figurait pas « sur ses radars ». A son avis, ces technologies n’auront pas d’effet direct sur l’emploi aux Etats-Unis avant au moins cinquante ans. En passant, Mnuchin dit ne pas comprendre l’engouement que suscite, auprès des investisseurs, les sociétés qui travaillent dans ce domaine. Et il juge leurs cotations boursières très exagérées, dans la mesure où elles ne produisent aucune valeur.
Pour Larry Summers, je le cite, « ce type de propos est comparable au déni dans le domaine du réchauffement climatique » et s’apparente même aux puériles objections des créationnistes contre la biologie. Bref, Mnuchin n’est pas un économiste sérieux et ne mériterait pas son poste de Secrétaire au Trésor. Il est vrai que Summers, engagé du côté démocrate, est un universitaire des plus sérieux – il a dirigé la prestigieuse Université de Harvard, tandis que Mnuchin, ancien cadre de haut niveau chez Goldman Sachs, et membre du Parti républicain, est surtout connu comme producteur de cinéma.
L'IA c'est déjà la réalité, pas de la science-fiction
Mais qui a raison ? Où en est l’intelligence artificielle ? Est-ce une lubie de geeks et un piège pour business angels ? Selon l’économiste Bradford Delong, c’est sans aucun doute possible, Summers qui a raison. Même si, admet-il, Mnuchin n’a pas tort de mettre en garde contre les châteaux en Espagne. Car l’intelligence artificielle n’est plus du ressort de la science-fiction, c’est déjà une réalité. Elle n’a pour l’instant pénétré qu’un nombre de secteurs relativement limité, comme le commerce en ligne, les médias numériques, ou la traduction automatique. Mais elle aura des retombées décisives dans de très nombreuses activités, en commençant par la médecine, la pharmacie, les transports, l’éducation et la construction. Et, selon la plupart des experts, ce n’est certainement pas une affaire de cinquante ans.
Les plateformes digitales utilisent déjà les capacités prédictives de l’IA. Google a développé les techniques de l’apprentissage machine (machine learning) pour répondre aux requêtes de recherche des utilisateurs. Facebook et Amazon a mis au point des algorithmes sophistiqués pour leurs recommandations et autres conseils d’achat. On cite toujours l’avance prise, en ce domaine, par les GAFA américaines (Google, Amazone, Facebook, Apple), mais bien d’autres compagnies, hors des technologies de l’information et de la communication, possèdent d’ores et déjà de tels instruments. C’est le cas de General Motors dans l’automobile, avec sa plateforme Predix. Novartis l’utilise pour la recherche et le développement de nouveaux médicaments. Sony a un département Intelligence artificielle et Robotique.
Le futur courant électrique
Certes, aujourd’hui, c’est le commerce en ligne qui est le plus impacté, mais le commerce physique, en magasin, le sera très rapidement à son tour. Les clients prendront vite l’habitude d’être accueillis par des robots interactifs, capables non seulement de leur indiquer des vêtements parfaitement adaptés à leurs mesures, mais de leur recommander les produits susceptibles de les intéresser : en fonction de leur historique d’achat et des autres informations recueillies à leur propos ; mais aussi des comportements de consommateurs ayant des caractéristiques voisines des leurs.
A chaque génération, on voit les nouvelles technologies converger, pour déboucher sur quelque chose de radicalement nouveau et qui n’avait été nullement prévu au départ, observe le fondateur et PDG de salesforce, Marc Benioff. Lorsque les ordinateurs ont été inventés, personne ne pouvait imaginer Internet. De la même façon, cette fois, le Big Data, plus le machine learning et de nouveaux ordinateurs, dotés d’une puissance de calcul considérablement accrue, vont faire de l’Intelligence artificielle l’équivalent, dès la première moitié de notre XXI° siècle, de ce que le microprocesseur aura été à la deuxième moitié du XX°. « L’Intelligence artificielle va devenir semblable au courant électrique, dit encore Marc Benioff. Elle sera invisible, mais va augmenter, de manière pratique, chaque moment de notre vie. »
Corrélée aux objets connectés, l’Intelligence artificielle va permettre des avancées spectaculaires dans le domaine de la santé. Et là encore, ce n’est pas une affaire de cinquante ans, mais de cette décennie. Des instruments de mesure de nos fonctions vitales – le cœur, en particulier, sont d’ores et déjà capables de de déceler un dysfonctionnement et d’agir en temps réel. Des capteurs posés sur toute sorte d’objets de la vie quotidienne (du frigo à la voiture, en passant par le chauffage), interconnectés, vont nous simplifier la vie. Et nous faire faire de sérieuses économies. Cela pose des problèmes économiques et éthiques, dont nous reparlerons demain.
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