L'Italie est coupée en deux. La gauche s'effondre.

France Culture
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Avalanche de mauvaises nouvelles pour l'UE.

Le résultat des élections italiennes constitue une mauvaise surprise pour l’Union européenne. 

La vague populiste et eurosceptique que d’aucuns pouvaient juger sur le reflux depuis les élections françaises de l’an dernier, continue en réalité à balayer le paysage politique européen. « Pour la première fois en Europe, écrivait hier, La Stampa, les forces antisystème l’emportent. » Hier, l’Italie, l’un des six pays fondateurs de la construction européenne, le peuple italien, réputé hier encore, l’un des plus europhiles du continent, viennent d’adresser à l’Union européenne un nouvel avertissement. Car si ces élections ne désignent pas un vainqueur susceptible de former un gouvernement appuyé sur une claire majorité au Parlement, elles portent un message clairement hostile à l’UE. Les deux partis arrivés en tête, le Mouvement 5 Etoiles et la Lega sont tous deux eurosceptiques.

Nigel Farage, le fondateur du UKIP, l’organisateur du BREXIT, ne s’y est pas trompé : il a félicité « les collègues du Mouvement 5 Etoiles au Parlement européen, arrivés en tête ». Et il est exact que le M5S a rejoint le groupe UKIP à son entrée au Parlement européen, en 2014. Quant à Marine Le Pen, elle s’est réjouie, de son côté, de voir la Lega, parti-frère du Front national, dépasser Forza Italia au sein de la coalition de droite, arrivée en tête dimanche soir. 

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L’idée franco-allemande, celle d’une sorte de « grande coalition » à l’italienne entre les deux principales forces pro-européennes, le Parti Démocrate de centre-gauche et la droite modérée berlusconienne, est désormais impraticable. Les forces eurosceptiques et souverainistes sont majoritaires en Italie. Au point qu’un des scénarii possibles pourrait être un gouvernement de coalition, appuyé par une alliance entre la Lega et le Mouvement Cinq Etoiles. Ce serait, pour l’Union européenne, un véritable désastre. Tout sera fait pour les en dissuader. 

On peut se demander, comme le faisait Dominique Moïsi, sur le site Project Syndicate, à la veille de ces élections, si l’Italie ne va pas, rejoindre le groupe des pays d’Europe centrale, celui des pays gouvernés par des partis populistes autoritaires, qui continue à s’étendre inexorablement sur la carte de l’Europe. Mais on peut aussi penser, comme l’écrit ce matin Laure Mandeville dans Le Figaro, qu’ « en Europe, ce sont les formations eurosceptiques, nationalistes, anti-immigration qui ont la faveur de l’électorat, pris de panique identitaire. » Une telle réaction n’est plus limitée à l’Europe centrale, ex-communiste, comme l’ont montré les élections autrichiennes.

L’autre leçon de cette élection, c’est celle que tirent les commentateurs de la carte électorale dessinée par les résultats tombés dans la nuit de dimanche. 

L’Italie est clairement coupée en deux, avec un Nord où la coalition de droite, arrive presque partout en tête et un Sud, dominé encore plus nettement par l’anti-parti protestataire fondé par le comique Beppe Grillo. Tout le Mezzogiorno, la Sardaigne et la Sicile lui sont acquis. Cette carte fait aussi apparaître l’éclatante défaite du centre-gauche : les régions réputées « rouges » du centre, Emilie-Romagne, Marche, Ombrie, ont basculé à droite. Seule, la Toscane résiste au vent droitier. 

Quant à la gauche non « recentrée », regroupée dans le mouvement Libres et Egaux, elle essuie un échec retentissant, en ne recueillant que 3% des suffrages. Preuve que le problème du Parti démocrate ne vient pas de ce qu’il ait été « insuffisamment à gauche », comme certains le répétaient. Cette élection confirme une tendance générale : la gauche reflue partout en Europe. Il faudra se demander pourquoi. J’y reviendrai plus longuement, car plusieurs études à ce sujet viennent de paraître.

Reste que l’échec des forces de gauche, dans leur ensemble, est largement imputable, dans le cas italien, à Matteo renzi lui-même. Il en a pris acte en démissionnant. Comme l’écrit Aldo Cazzulo, dans le Corriere della Sera, « contrairement à Berlusconi, qui voudrait être l’ami de toute le monde, Renzi se nourrit de l’inimitié ; il en a besoin pour exister. » 

Les électeurs ne lui ont su aucun gré du récent redressement de l’économie italienne – qui est avéré. La croissance a redémarré, le commerce extérieur – hors énergie – est bénéficiaire. Et la réforme du marché du travail semble avoir porté ses fruits, puisque le chômage, qui dépassait les 25 % de la population active en 2013, est retombé à 11 % à la fin de l’an dernier. Mais le chômage des jeunes demeure anormalement élevé. 

Certains problèmes demeurent : une productivité qui stagne depuis 25 ans, et surtout le sort des banques. Le montant des bad debts accumulées dans les banques italiennes est estimé à 180 milliards d’euros.Quelle que soit la coalition qui se formera au Parlement, ces problèmes demeureront sur la table… 

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