L'OMC, en panne à Buesnos Aires.

France Culture
Publicité

Le multilatéralisme n'est plus à l'ordre du jour. La mondialisation des échanges commerciaux prendra de plus en plus la forme d'accords entre blocs régionaux.

L'envoyé de Trump clarifie les intentions américaines : miner l'OMC de l'intérieur, en l'empêchant d'exercer son arbitrage dans les conflits entre Etats. 

Cette semaine, se déroulait,  à Buenos Aires, la 11° conférence ministérielle de l’OMC. Et on se demandait quelle ligne de conduite allait y adopter la délégation américaine, menée par un trumpiste dur et pur, le Secrétaire au commerce, Robert Lightizer. Rappelons que Donald Trump a plusieurs fois laissé planer la menace d’un retrait pur et simple de son pays, qu’il estime « mal traité » par l’OMC. Et bien, on est fixé.

Non, les Etats-Unis n’ont pas claqué la porte, mais ils n’ont pas bougé d’un pouce sur le problème que j’avais déjà évoqué – celui de la nomination de nouveaux juges pour remplacer les partants au sein de l’Instance d’appel de l’Organe de règlement des conflits. Preuve qu’ils sont bien décidés à bloquer cette institution destinée à arbitrer les conflits commerciaux qui peuvent surgir entre les 164 Etats membres de l’OMC. 

Publicité

Le chef de la délégation américaine, Robert Lightizer a commencé à clarifier la position de son pays, en déclarant en séance plénière que les Etats-Unis regrettaient que l’OMC, « perdant, je cite, son objectif essentiel, se soit transformée en une organisation axée sur le règlement des litiges ». Les participants du sommet se sont demandé si c’était une manière de laisser entendre que les Etats-Unis ne sont plus décidés à se soumettre aux procédures d’arbitrage dans les conflits commerciaux qui les opposent à d’autres membres de l’OMC. 

Américains, Européens et Japonais d'accord pour juger que le comportement des Chinois ne jouent pas fair-play. 

En réalité, les Etats-Unis sont surtout agacés par le peu d’empressement manifesté par l’OMC pour condamner la Chine pour des pratiques qui leur semblent non concurrentielles. Et sur ce point, en tous cas, ils ne sont pas isolés. Ils ont, en effet, trouvé des alliés. En marge du Sommet de Buenos Aires, les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon ont publié un communiqué commun qui, sans nommer explicitement la Chine, dénonce – je cite - « les conditions de concurrence déloyale, causées par des subventions à des entreprises publiques ». 

Les oreilles chinoises n’ont pu que siffler encore lorsque sont évoquées, dans le même texte, « les transferts forcés de technologie ». C’est une référence à la pratique courante en Chine qui consiste à exiger des entreprises étrangères autorisées à s’installer sur place l’abandon de leurs droits de propriété intellectuelle sur leur savoir-faire technologique. Mais les experts notent que les progrès de la Chine en recherche et développement sont si rapides que ce pays a de moins en moins recours au pillage technologique et à l’espionnage industriel. Le savoir-faire nécessaire, il l’acquiert par lui-même.

Encore un sommet pour rien ? Mis à part une déclaration d'intention sur l'accès des femmes chefs d'entreprises au crédit. 

Oui, en marge de la Conférence, 119 Etats sur les 164 membres de l’OMC ont adopté une déclaration sur l’égalité entre hommes et femmes, insistant sur le droit de celles-ci à participer au commerce mondial. Il s’agit notamment de favoriser l’accès des femmes, créant leur entreprise, au crédit. Mais l’Inde, les Etats-Unis, comme de nombreux Etats arabes et plusieurs Etats africains ont refusé de se joindre à cette déclaration de bonnes intentions. 

C’est peu de choses. Mais il y a plus grave : comme l’a dit la Commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, « la triste réalité est que nous n’avons même pas accepté de cesser de subventionner la pêche illégale. » Le seul dossier sur lequel on imaginait les Etats capable d’avancer, lors de ce Sommet de l’OMC, c’était celui des pêches illégales. Dont on sait qu’elles raclent les fonds marins et déciment de nombreuses espèces de poissons. Or, un différend intervenu entre les Etats-Unis et l’Inde a provoqué chez cette dernière une décision invraisemblable : New Delhi continuera donc à subventionner la pêche illégale et refuse toute régulation dans ce domaine.

Les participants à cette rencontre en sont repartis déçus. Le directeur général de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevedo, a résumé l’impression de tous en parlant d’une « _déception général_e ».

Ce blocage signe-t-il la fin de la mondialisation, annoncée depuis des décennies par la gauche radicale ?

Clairement, certaines grandes puissances ne sont plus désireuses de se lier les mains par l’adoption en commun de normes universelles. Les Etats-Unis en particulier, entendent se retirer des accords multilatéraux, qu’ils estiment trop contraignants. Ils ne veulent plus s’engager que sur des bases plurilatérales. 

C’est dans ce sens qu’évolue dorénavant le commerce mondial, : il y aura de plus en plus des accords de libre-échange entre blocs commerciaux. On a ainsi relevé à Buenos Aires les avancées réalisées entre notre Union européenne et le Mercosur, ce Marché commun de l’Amérique latine, auxquels participent l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela. Un Traité de libre-échange en bonne et due forme doit être signé à Brasilia le 21 décembre entre ces deux blocs. Même si on bute toujours sur le problème récurrent des exportations de viande bovine, qui menacent les éleveurs européens. 

A quoi sert encore l’OMC dans un tel contexte ? A pas grand-chose, en vérité…

 Ot+���Q^�