Mais elle doit aussi protéger ses fleurons industriels stratégiques de la convoitise chinoise.
La Chine ne peut plus "faire son marché" parmi les fleurons de nos industries de pointe.
On le sait, la seule vraie dimension de puissance assumée par l’Union européenne, c’est la puissance commerciale. L’UE est, comme l’écrit l’IFRI dans son bilan des cinq années écoulées depuis le renouvellement du Parlement et de la Commission, « multilatéraliste par principe et par intérêt ». Elle a été l’un des principaux acteurs et des principaux bénéficiaires de la mondialisation des échanges. C’est dire que les prodromes de guerre douanière, lancée par le président américain ne font pas notre affaire.
D’autant que, comme l’écrivait lundi Nicolas Baverez dans Le Figaro, « le grand marché européen est devenu la variable d’ajustement de la guerre commerciale et technologique entre les Etats-Unis et la Chine. D’un côté, les Etats-Unis imposent l’extra-territorialité de leur droit, leurs sanctions commerciales – contre l’Iran, en particulier, leurs sanctions commerciales et la toute-puissance de l’oligopole technologique des GAFAM. De l’autre, la Chine prend le contrôle non seulement de pans entiers d’activités, mais aussi d’actifs et d’entreprises stratégiques. »
On a vu en effet ce pays, désormais la première puissance industrielle du monde, s’emparer du secteur des panneaux solaires par des moyens assez discutables ; inonder certains marché comme celui de l’acier à prix bradés. La Chine, où l’Etat joue un rôle déterminant dans le financement des entreprises, ne peut être considérée comme une authentique économie de marché.
En outre, cet immense et richissime pays s’est emparé, ces dernières années, de quelques-uns des fleurons de nos industries de pointe - en particulier dans le domaine de la robotique et des biotechnologies. Du coup, l’UE a introduit, à l’initiative de la Commission, un mécanisme de surveillance des investissements chinois sur son sol, afin de protéger certains secteurs stratégiques.
Depuis, le niveau de ces investissements chinois en Europe a fortement baissé, passant d’un pic de 37 milliards d’euros en 2016 à 29 milliards en 2017 et 17 milliards en 2018. L’opinion a été frappée par le veto, mis par le gouvernement allemand, à l’acquisition, par le Chinois Yantai Taihai du fabricant de machines-outils Leifeld Metal Spinning.
L’Europe, qui investit elle-même beaucoup dans le reste du monde, n’entend pas se fermer aux investissements chinois, mais faire preuve de vigilance. Et elle a les moyens d’obtenir de ses partenaires, quels qu’ils soient, la réciprocité à tous les niveaux. L’union fait la force.
L'Italie, économie aux abois, cheval de Troie de la Chine en Europe ?
Il ne faut pas se cacher que le projet pharaonique de « nouvelle route de la soie », (One belt, one road) a des visées stratégiques, qui inquiètent Français et Allemands en particulier bien davantage qu’ils ne les séduisent.
Mais la Chine a identifié plusieurs maillons faibles en Europe, parmi les pays les plus endettés. Elle a ainsi promis à la Grèce et au Portugal une manne de crédits. Le gouvernement italien, lui aussi à la recherche désespérée de financements, vient d’annoncer qu’il se joindra au projet de Route de la Soie.
On annonce la visite en grande pompe du président chinois Xi Jinping à Rome les 22 et 23 de ce mois. Les partenaires de l’Italie tenteront, à la veille de cette visite, de convaincre son gouvernement de ne pas se comporter en cheval de Troie. « La Chine ne se soucie pas qu’un pays soit capable de rembourser ses emprunts, disait récemment le Commissaire à la politique régionale et à l’intégration, Johannes Hahn, dans une interview au Financial Times. Et s’il ne peut pas payer, ce pays subit des pressions pour que des choses soient transférées. »
L'UE n'entend pas se laisser embringuer par Donald Trump dans sa guerre commerciale contre la Chine.
L’UE est désireuse de signer des traités de libre-échange avec tous les pays du monde. Elle a conclu récemment de tels accords avec le Canada, le Japon et Singapour. Des négociations sont en cours et progressent bien avec le Mercosur, le Mexique, l’Australie, la Nouvelle Zélande et la Tunisie. Elles sont plus laborieuses avec l’Indonésie, les Philippines et la Birmanie. Au point mort avec l’Inde depuis 2013, de telles négociations ont été relancées depuis 2017.
Mais comme on sait, c’est avec les Etats-Unis que l’UE rencontre à présent de sérieux problèmes. Donald Trump a bloqué le Partenariat transatlantique, ou TTIP, laborieusement négocié par les Européens avec son prédécesseur. Il a décidé des droits de douane de 25 % sur l’acier, de 10 % sur l’aluminium et menace les importations de voiture européennes. L’UE a riposté en taxant une série de produits américains pour une valeur de deux milliards huit.
Il semble que l’objectif réellement poursuivi par Washington soit d’embarquer les Européens dans sa guerre avec commerciale avec Pékin. Or, l’Europe entend bien conserver son autonomie politique et défendre ses propres intérêts. L’Union européenne entend sauver le multilatéralisme, ce qui implique d’empêcher les Etats-Unis à continuer à bloquer l’OMC.
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