Certes, nous vivons beaucoup mieux que nos ancêtres. Cela suffit-il pour affirmer que nos enfants vivront eux-mêmes mieux que nous aujourd'hui ?
Les anciennes philosophies de l'histoire auraient été remplacées par des convictions portant surtout sur l'avenir les rapports de l'humanité à son milieu. Les deux versions extrêmes sont représentées par la collapsologie et le néoprogressivisme, selon Serge Champeau, sur le site Telos-eu. Ou si vous voulez : la délectation morose face à la perspective d’une fin du monde présentée comme inéluctable, d’un côté ; de l’autre, le constat que l’humanité vit beaucoup mieux aujourd’hui qu’il y a cent ans, ce qui est incontestable. Mais dont est tirée la conséquence, plus discutable, qu’elle vivra encore mieux demain. Or, personne ne sait comment nous vivrons dans vingt ou dans cinquante ans. Il y a beaucoup d'imprévisible et peu d'inéluctable en histoire, comme le passé l'a prouvé...
D'immenses progrès.
Certes, d’immenses progrès ont été réalisés au cours des XIX° et surtout XX° siècle. En 1800, nous n’étions qu’un milliard d’humains sur la planète et dans aucun pays du monde, l’espérance de vie ne dépassait quarante ans. La mortalité infantile faisait d’effroyables ravages. En 1950, l’espérance de vie atteignait soixante ans dans les riches pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Aujourd’hui, l’espérance de vie est de quatre-vingt-quatre ans au Japon, de quatre-vingt deux ans en Italie, en France et en Suèdes, soixante-dix-huit ans aux Etats-Unis, soixante-seize ans en Chine, soixante-huit ans en Inde.
Mais surtout, le nombre d’humains vivant sur la planète a été multiplié par sept en deux siècles et si les famines n’ont pas complètement disparu, les rares cas observés, ces dernières années, ont dorénavant des causes politiques.
Eco-pragmatiques.
La tendance éco-optimiste dite des « New Conservationists », ou « éco-pragmatiques », illustrée par Emma Marris s’est attachée à montrer que l’homme a toujours exercé une influence sur le milieu, qu’il l’a toujours transformé. L’idée selon laquelle l’espèce humaine aurait pu vivre, avant la modernité, l’industrie ou le capitalisme, « en harmonie avec l’environnement » est un mythe. La « nature sauvage intacte », telle qu’elle est célébrée par les peintres de paysage et les poètes romantiques a presque toujours été façonnée par la main de l’homme.
Et elle cite l’exemple de Hawaï, généralement vanté pour sa végétation luxuriante : la plupart des magnifiques fleurs tropicales qu’on y admire ont été importées dans l’île. Par la sélection naturelle, elles ont pris la place de plantes locales qui, elles, ont disparu.
Laura J. Martin appartient à la même famille d’esprit. Elle a contesté, dans Scientific American, la notion d’empreinte écologique. En anglais, cela se dit environmental footprint, footprint désignant aussi une trace de pas. Elle a suggéré de remplacer footprint par handprint, empreinte des mains, pour suggérer le caractère délibéré et ingénieux de l’intervention de l’homme sur la nature.
Mais l’attaque, contre la notion "d’empreinte écologique" est bien plus radicale de la part des signataires du Manifeste écomoderniste.
C’est un modèle qui n’a aucune valeur scientifique, selon Michael Shellenberg. Le fondateur de l’association Environmental Progress, déclarait récemment dans Le Point, « le jour du dépassement » repose sur la notion _d’empreinte écologique__, qui consiste en six mesures de pertes de ressources : carbone, terres agricoles, terres urbanisées, pâturages pêches et forêts. Or, selon leur méthodologie elle-même, cinq de ces ressources sont à l’équilibre ou excédentaires. La dernière « ressource » est celle du dioxyde de carbone, sauf qu’il ne s’agit pas d’une ressource, mais de pollution. (…) Les environnementalistes ne veulent pas régler ces problèmes avec des moyens technologiques, ils veulent effrayer les gens, en leur faisant croire que le seul moyen de régler le problème du réchauffement climatique est de devenir pauvre, végétarien, ne pas prendre l’avion, ne pas utiliser l’électricité…_ »
Joanna Szurmak et Pierre Desrochers sont plus précis. Ils écrivent : « la notion d’empreinte écologique a été délibérément construite pour contrer l’idée selon laquelle, grâce au progrès technologique, l’économie se dématérialise et que les technologies modernes permettent de produire de plus en plus avec de moins en moins d’entrants ». C’est pourquoi ce modèle fait apparaître les pays pauvres, où la santé des populations est mauvaise et les écosystèmes plus durement sollicités comme plus vertueux que les pays fortement urbanisés et bénéficiant d’un haut niveau de développement.
« Or, selon Steven Pinker, quand les pays commencent à se développer, ils donnent d’abord la priorité à la croissance, plutôt qu’à la préservation de l’environnement. Mais à mesure qu’ils s’enrichissent, leurs préoccupations se tournent vers l’environnement. » (p. 150)
Le dernier indice de performance environnemental, publié par l’Université de Yale et de Columbia, classe notre pays, la France en deuxième position, derrière la Suisse, juste devant le Danemark, Malte et la Suède. La Chine est classée à la cent-vingtième position et l’Inde à la cent-soixante-dix-septième - sur cent-quatre-vingt pays testés. Il est établi à partir de seize critères, dont l’efficacité énergétique, la pollution intérieure des habitations, l’exploitation forestière, etc.
Empreinte écologique versus indice de performance environnemental… difficile de se faire une idée juste.
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