

Pratiquement partout chez les alliés des Etats-Unis, on estime qu'une présidence Trump se traduirait par une nouvelle poussée d'isolationnisme américain.
A entendre les commentaires des médias français, souvent très partisans, on a parfois l’impression de participer à la campagne électorale américaine. Je me souviens qu’un essayiste avait soutenu, il y a quelques années, l’idée selon laquelle les Etats-Unis étant la seule super-puissance mondiale, les électeurs du monde entier devraient disposer d’un bulletin de vote aux élections américaines... Personne ne réclame plus une telle universalisation de la citoyenneté politique états-unienne. Mais le monde entier a les yeux tournés vers ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis. Les uns pour se demander si un phénomène Trump ne risque pas de se produire chez eux. Les diplomates, pour évaluer quel est le candidat qui servirait le mieux les intérêts de leur propre pays.
De ce point de vue, force est de constater que si Donald Trump jouit d’une excellente cote en Russie, il est considéré avec méfiance, voire consternation, par la plupart des alliés des Etats-Unis.
Le Royaume-Uni, lié aux Etats-Unis par la fameuse « special relationship » ne fait pas exception. On se souvient que David Cameron avait qualifié la politique extérieure préconisée par Trump de « stupide et erronée » et qu’il la jugeait « source de divisions entre alliés ». Donald Trump s’est attirée une réplique ferme de Theresa May pour avoir prétendu que certains quartiers de Londres sont tellement infestés par l’islamisme radical que « la police ne peut plus y pénétrer ». C’est rigoureusement faux, a rétorqué la première ministre. « Trump ne comprend pas le Royaume-Uni ». Relevons que le Parlement britannique a sérieusement débattu, en janvier dernier, de l’opportunité d’interdire à Donald Trump de pénétrer sur le sol britannique, en raison des « discours de haine » tenus par lui envers les immigrés.
Quant aux dirigeants allemands, ils sont très inquiets à la perspective de voir Trump remporter cette élection. Ils ne s’en sont jamais cachés. Le ministre des Affaires étrangères, le social-démocrate Steinmaier l’a décrit comme un « prédicateur de haine ». De son côté, le candidat républicain s’est moqué du « wilkommen » adressé par la chancelière aux migrants. Il a traité Angela Merkel de « naïve socialiste de la vieille école ». Et quand il qualifie Hillary Clinton « d’Angela Merkel américaine », on se doute que ce n’est pas élogieux dans sa bouche.
Mais les dirigeants allemands sont surtout inquiets de voir Trump remettre en cause les alliances militaires nouées au cours de la guerre froide, au nom d’un resserrement sur les seuls intérêts américains. A Berlin, on redoute que Trump, s’il est élu, ne saborde purement et simplement l’Alliance atlantique sur laquelle les Allemands font reposer la sécurité de l’Europe. Trump, durant sa campagne, n’a-t-il pas estimé que l’OTAN était « périmée ». Les pays comme l’Allemagne, a-t-il martelé devront « payer pour assurer leur sécurité. Sinon, les Etats-Unis retireront leurs troupes. »
Les Allemands ont été suffisamment inquiétés par de tels propos pour tenter d’établir, récemment, de discrets contacts avec l’entourage de Trump. « Faut-il prendre au sérieux les fanfaronnades du candidat républicain » ont-ils demandé à Sam Clovis, l’une des rares personnes autorisées à parler au nom de Trump ? Réponse, rapportée par der Spiegel « Nous n’allons pas verser une goutte de sang américain, ni dépenser le moindre dollar sans avoir une idée précise de l’issue d’un conflit où nous risquerions d’être engagés ». Voilà pour la ligne générale. Mais il a aussi rassuré ses interlocuteurs, en ajoutant qu’il fallait considérer Trump comme un businessman, habitué à mettre toujours la barre un peu haut au commencement d’une négociation…
C’est pourquoi Berlin pense qu’il faut faire la part des provocations d’un candidat en campagne. Mais le gouvernement allemand estime néanmoins avoir beaucoup à perdre à une victoire du candidat républicain.
Le gouvernement polonais, au contraire, se réjouit d’une telle perspective. Un membre du gouvernement conservateur, Anna Maria Anders, semble même spécialement chargée d’établir de bons contacts avec le clan Trump. Cette Secrétaire d’Etat au dialogue international, qui a vécu une bonne partie de sa vie aux Etats-Unis, a confié avoir toujours voté républicain. « Trump sera OK comme président, pourvu qu’il choisisse bien ses conseillers et qu’il les écoute », a-t-elle assuré, le comparant à Reagan qui, lui aussi, avait paru amateur en campagne électorale, pour se révéler excellent à la Maison Blanche. Les Baltes, eux, sont terrifiés à l’idée d’être lâchés par les Américains et livrés aux ambitions russes.
Les Italiens seraient davantage préoccupés (à 49 %) que satisfaits (22%) si Trump sortait des urnes américaines. Par ailleurs, 63 % estiment que leur pays a intérêt à une victoire d’Hillary Clinton, contre 37 % qui pensent, au contraire, qu’il vaudrait mieux une victoire de Trump. On ne s’étonnera pas que les partisans les plus enthousiastes du « Donald » se recrutent parmi les partisans de la Liga Norte, tandis que ses adversaires soient les plus nombreux parmi ceux du Partito Democratico, favorables à la candidate des Democrats…
Pour beaucoup d’Italiens, Trump a un air de déjà vu : un businessman sans expérience politique, mais utilisant les techniques qu’il a apprises dans le business pour se constituer un parti à sa main ; une bête de scène rôdée dans les shows télévisés, subvertissant tous les canons traditionnels de la politique, désinhibé et subversif, généralement entouré de pin-ups… Bon sang, mais c’est bien sûr ! C’était Berlusconi.
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