

Hollywood survivra-t-il à la pandémie ? L'usine à rêves de la côte Ouest pourrait bien fermer ses portes. Mais rien ne dit que le cinéma serait enterré avec elle pour autant...
Les réalisateurs James Cameron, Clint Eastwood, Sofia Coppola, Martin Scorcese et plusieurs dizaines de leurs confrères ont lancé au Congrès américain un appel à l’aide. Selon eux, "le cinéma pourrait ne pas survivre à l’impact de la pandémie." En effet, Tenet, le film de Christopher Nolan sorti entre deux confinements, a été le dernier blockbuster de la pandémie. Sorti dans soixante-dix pays, il a rapporté 350 millions de dollars, ce qui est coquet, mais un peu moins qu’espéré par ses producteurs. Et surtout, observe le milieu, seulement 45 millions de dollars aux Etats-Unis mêmes. Depuis, toutes les méga-productions hollywoodiennes sont à l’arrêt. Silence, on a cessé de tourner… Pour une excellente raison : les salles de cinéma sont fermées, pour cause de pandémie.
Le groupe Cineworld a annoncé en octobre la fermeture temporaire de ses 536 salles aux Etats-Unis et de ses 127 salles britanniques. 45 000 salariés se retrouvent sur le carreau. Son PDG, Mooky Greidinger explique : "on est comme une épicerie qui n’a pas d’aliments à vendre. C’était la décision à prendre".
Le cinéma reprend vie ailleurs
D’autres projets reprennent. Leurs producteurs ont décidé de contourner le circuit des salles et de passer directement en streaming. Comme l’écrit Gianluca Sergi, professeur à l’université de Nottigham, "tandis que les cinémas américains demeurent fermés, le cinéma montre des signes très perceptibles de vie ailleurs". La pandémie actuelle menace sérieusement la prédominance de Hollywood dans cette industrie.
Mais le cinéma se porte très bien dans d’autres pays. Le marché cinématographique chinois est devenu le premier du monde, tout comme le marché automobile. Le film Les 800, une super production patriotique retraçant l’héroïsme de soldats chinois, face aux Japonais, lors de la bataille de Shangaï, en 1937, avait été interdite par la censure communiste l’an dernier. Il a été autorisé, cet été, en Chine, où il a connu un gros succès.
Et dans de nombreux pays, tels que l’Indonésie, l’Arabie saoudite, ou le Nigéria, le nombre de spectateurs en salle augmente à un rythme accéléré. Il est possible que le cinéma soit simplement sur le point de changer de capitale.
Hollywood (1920-2020). RIP ?
Après tout souligne Gianluca Sergi, ce ne serait pas la première fois dans l’histoire qu’une épidémie entraînerait un tel décentrement. La grippe espagnole, qui a tué cinquante millions d’êtres humains, au sortir de la Grande Guerre, a fait prendre un retard considérable aux studios européens qui, avant le conflit, dominaient encore cette activité encore débutante. Et c’est alors, lors des années 1920, que Hollywood a supplanté New York comme centre de la nouvelle industrie. Pour l’excellente raison que l’épidémie y frappait moins durement la côte Ouest… Les William Fox et Jesse Lasky, respectivement créateurs de la 20th Century Fox et Paramount, s’inspirèrent des méthodes d’organisation rationnelle du travail déjà en œuvre dans l’automobile. Et la grande machine américaine à rêve était lancée.
Scénarios de sortie de crise
Les avis annonçant la mort du cinéma sont largement exagérés. Darren Paul Fischer, professeur à la Bond University, en Australie,
The Conversation
Selon Darren Paul Fischer, il existe trois scénarios possibles de sortie de crise. Le premier :
- Abandonner la "chronologie des médias" et opter pour le "day-and-date"
Aux Etats-Unis, les films sortent normalement en salle soixante-dix jours avant d’être disponibles sur les petits écrans. Il s’agirait dorénavant de faire coïncider sortie en salle et disponibilité sur les plateformes de streaming. Leur modèle économique est intéressant pour les producteurs : la distribution et l'exploitation en salle représentent pas loin des deux tiers du prix des tickets. En concurrence avec Netflix, l’apparition de plateformes de streaming, capables d’investir des centaines de millions de dollars dans des films, comme Disney, Apple et Amazon, permettrait de relancer l’industrie cinématographique.
- Le deuxième, le rachat des salles par les plateformes
Dans ce scénario, les grandes compagnies de streaming qui rachèteraient une partie des salles, tombées en faillite. On renouerait ainsi avec le modèle économique d’intégration verticale d’avant-guerre, où les grands studios hollywoodiens contrôlaient la production en amont, mais aussi la distribution et l’exploitation des films.
Certes, la justice américaine l’a interdit en 1948, en condamnant la Paramount. Mais les juges semblent sur le point d’évoluer sur le sujet, comme le suggère une décision rendue par un tribunal de New York en août dernier.
- Troisième scénario, une inversion de la tendance
Les exploitants survivent à la crise actuelle et celle-ci passée, les foules se ruent dans les salles de cinéma qui leur proposent des films éblouissants. Hélas, selon Darren Paul Fischer, ce scénario-là est le plus improbable des trois.
Et l'Europe ?
Il existe un quatrième scénario que Darren Paul Fischer ne semble pas imaginer. C’est que l’industrie du cinéma quitte Hollywood pour émigrer vers d’autres usines à rêves... La Chine, bien sûr. Mais l’Europe aussi est bien placée. Qui remarque la multiplication de projets de construction de studios de tournage en Grande-Bretagne, cette année ? Un "London Hollywood" à 300 millions de Livres à Dagenham, dans l’Est de Londres, un "Hollywood du Nord" qui va ouvrir à Liverpool, en 2022. Sky and Universal Studios annonce la construction d’un vaste complexe de studios à Elstree, dans le Nord de Londres...
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