Le populisme est contagieux et s'étend à toute l'Europe centrale

Le jeune premier ministre autrichien, bienvenu à Bruxelles.
Le jeune premier ministre autrichien, bienvenu à Bruxelles. ©AFP - EMMANUEL DUNAND / AFP
Le jeune premier ministre autrichien, bienvenu à Bruxelles. ©AFP - EMMANUEL DUNAND / AFP
Le jeune premier ministre autrichien, bienvenu à Bruxelles. ©AFP - EMMANUEL DUNAND / AFP
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Les bonnes raisons pour lesquelles la Pologne est punie, mais pas l'Autriche.

Cette fois-ci, ça barde vraiment pour la Pologne. L’Union européenne vient d’enclencher l’article 7 du Traité contre Varsovie. Cela pourrait se traduire par une mise au ban de ce pays, qui perdrait son droit de vote au Conseil.

Oui, cette procédure, décidée hier, est sans précédent. En cause, une réforme de la Justice qui permet notamment au Gouvernement de se débarrasser des membres de la Cour constitutionnelle qui lui résistent en les mettant à la retraite anticipée et de mettre la main sur la magistrature. Comme les autres partis populistes, ce parti estime que le fait de détenir la majorité au Parlement lui donne tous les droits. Y compris celui de mettre au pas les juges – cette « caste corrompue » selon le Premier ministre… Il n’a pas saisi l’un des principes de base sur lesquels repose la démocratie libérale – la séparation des pouvoirs, valeur cardinale de notre Union européenne. 

Il faut relever que le président de la République, Andrzej Duda, lui-même issu du parti au gouvernement, le PiS, avait mis son véto à cette loi liberticide. Mais son véto n’est que suspensif. A la fin des fins, c’est le Parlement qui décide. Et celui-ci est passé outre. Or le PiS peut s’appuyer sur les sondages : 43 % des électeurs continuent à le soutenir, contre 23 % seulement pour le parti de l’ancien premier ministre, Donald Tusk, de centre-droit. Le PiS est dirigé de facto en coulisse par l’inquiétant Jaroslaw Kaczynski, le frère-jumeau de l’ancien président de la République, décédé dans un accident d’avion que l’extrême-droite complotiste attribue à Poutine…

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Varsovie est encore loin de se retrouver au ban de l’Union européenne et de perdre son droit de vote au Conseil. Pour l’instant, c’est l’article 7, alinéa 1, qui a été déclenché. Il suppose un vote en ce sens du Parlement européen à la majorité des 2/3 et du Conseil, à la majorité des 4/5°. Pour enclencher les mesures de proscription prévue par l’article 7alinéa 2, il faudrait un vote du Conseil à l’unanimité. Or, Viktor Orban, le chef du gouvernement hongrois, a averti qu’il s’y opposerait. 

L'extrême-droite va détenir 7 ministères dans le gouvernement autrichien. Cela ne semble pas troubler Bruxelles. Pourquoi ?

Mais le plus étonnant, c’est la différence de traitement réservée à l’Autriche par rapport aux mesures qui frappent la Pologne. Car enfin, voilà un gouvernement où un parti d’extrême droite qui n’a rien à envier au PiS polonais, le FPÖ, détient 7 portefeuilles ministériels, dont ceux de l’Intérieur et de la Défense. Lorsque ce même parti avait été associé au pouvoir à Vienne, entre 2000 et 2006, à l’époque de Jörg Haider, l’Autriche avait subi un certain nombre de pénalités. Rien de tel, cette fois-ci.

Pourquoi la nomination de ce gouvernement autrichien ne provoque-t-elle, cette fois, aucune réaction visible de la part de l’Union européenne ? Parce que le nouveau premier ministre autrichien, Sebastian Kurz, leader du Parti conservateur, ÖVP, a pris soin de ménager les institutions européennes. Sa première visite d’Etat a été pour Bruxelles. Où il a tenu à rassurer : certes, il va gouverner avec un parti eurosceptique et farouchement opposé à l’accueil d’immigrés venus de pays musulmans, mais les questions européennes seront de son seul ressort, à lui, partisan déterminé de l’intégration. Ainsi, la ministre des Affaires étrangères, Karin Kneissl, membre du FPÖ, voit les affaires européennes lui échapper. 

Il était temps de rassurer Bruxelles : l’Autriche exercera la présidence tournante de l’Union européenne durant le deuxième semestre de l’année prochaine. On imagine mal une telle présidence exercée par un ministre eurosceptique d’extrême droite… 

En tous cas, Sebastian Kurz, le plus jeune chef de gouvernement d’Europe (31 ans, à côté de lui, notre Macron fait figure de sénior) a réussi son coup. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a déclaré : « ce gouvernement a pris clairement position en faveur de l’Europe, et c’est ce qui compte pour moi ». Et Donald Tusk, président du Conseil : « Je le considère comme un dirigeant énergique, déterminé et pro-européen. » Et Tusk constate que sur la question de l’accueil des réfugiés, Kurz et lui sont sur la même ligne : plus question de tenter d’imposer des quotas par pays. L’Autriche estime qu’elle a suffisamment contribué en en accueillant 150 000 – pour un pays de 8 millions et demi d’habitants. 

Un bloc de pays dirigés par des populistes s'est formé au centre de l'Europe. 

Mais il est clair qu’est en train de se constituer, par une espèce de contagion géographique, un bloc de pays soit dirigé par des partis populistes, soit ayant associé de tels partis au pouvoir. Ce bloc comptait déjà la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque, ce qu’on appelle « le groupe de Visegrad ». Difficile de ne pas considérer que l’Autriche en fait désormais partie. 

Et l'on relèvera que la CSU bavaroise n’en est guère éloignée. C’est désormais une bonne partie de l’Europe centrale qui est concernée. Les pays dits « libéraux », comme l’Allemagne et la France demeurent majoritaires au sein de l’UE. Mais ils auront de moins en moins les moyens d’imposer leur conception. D’autant que la Grande-Bretagne nous quitte précisément parce que le courant libéral et pro-européen n’y est plus majoritaire. 

Si le Mouvement Cinq Etoiles l’emporte, l’an prochain, en Italie, on pourra considérer que le « moment de grâce européen », que j’ai tenté de cerner, cette semaine, n’aura pas duré longtemps… Raison de plus pour aller vite !