Les limites de la Loi Dodd-Frank.
la Loi Dood-Frank a permis de remettre un peu d'ordre dans les banques.
Je vous le disais hier : selon Carmen et Vincent Reinhart, le fait que les Banques centrales aient racheté une bonne part des dettes publiques des Etats fait peser une menace sur leur indépendance. Pourquoi ? Parce que les gouvernements vont avoir de plus en plus la tentation de leur demander d’annuler, au moins une partie de ces dettes… C’est ce qu’on observe d’ores et déjà du côté de la majorité républicaine au Congrès.
Mais, toujours selon les époux Reinhart, la crise a eu du bon, en ce qu’elle a contraint les gouvernements à mettre un peu d’ordre dans les banques. Le secteur est aujourd’hui beaucoup plus sain qu’il y a dix ans. On a dressé autour des banques tout un échafaudage de règles pour leur éviter les dérives qui ont provoqué ou accéléré la crise. Ainsi, aux Etats-Unis, la Loi Dodd-Frank de 2010, les a contraintes à provisionner un stock de capitaux beaucoup plus importants, de manière à pouvoir encaisser des pertes massives. Elles sont surveillées de près et soumises à des stress tests réguliers.
Du coup, la finance et le crédit empruntent d'autres voies.
Mais le problème que pose cette loi, c’est qu’elle ne concerne justement que le secteur bancaire. Or, plus celui-ci est contrôlé, plus se développe une finance parallèle. En particulier, dans le secteur immobilier, où les banques sont en concurrence avec d’autres acteurs. Les Américains veulent des maisons, ils ont le goût du risque et rien ne les arrêtera dans cette quête ; c’est culturel. De manière générale, le secteur bancaire est doublé par un shadow banking, toujours aussi opaque. C’est à se demander, concluent les Reinhart, si après avoir trop peu régulé les banques, on ne leur avait pas posé trop d’entraves…
Ils font également observer, et cela concerne l’Europe, cette fois, que le renflouement des banques par certains Etats, qui n’est peut-être pas terminé, a fait exploser leurs dettes publiques. C’est le cas, en particulier de l’Italie. Or, ces sommes vertigineuses, empruntées sur les marchés financiers, ont été en quelque sorte détournées de l’investissement. Du coup, elles ne servent pas à améliorer la croissance.
Aucune des leçons qu’on peut tirer de la crise de 2008 n’est nouvelle, en réalité. Qu’il faille stimuler la croissance après une crise financière, on le savait déjà : la décennie perdue par le Japon dans les années 19990 l’avait prouvé. La nécessité des taux de change flexibles avait été démontrée par Milton Friedman en 1953 : garder la possibilité de dévaluer sa monnaie – ce que n’ont pas pu faire les Grecs -, dispense de baisser les salaires et les prix. Qu’il faille limiter la dépense publique en haut du cycle, afin de pouvoir contrebalancer ses effets déprimants en bas, c’est connu depuis des décennies. Idem, des vertus de l’inflation, pour permettre une baisse des taux d’intérêt réels en période de reprise. Oui, on savait déjà tout ça. La crise de 2008 n’a pas engendré de grandes trouvailles conceptuelles chez les économistes. Si on y a mieux réagi parce qu’on connaissait déjà....
Trop de bureaucraties, pas assez de transparence. Ni d'harmonisation internationale.
Sur Project Syndicate, Howard Davies fait le même constat que les Reinhart. Oui, la Loi Dodd Frank encadre les banques américaines d’une manière beaucoup plus rigoureuses qu’avant la crise. Elles ne pourront plus commettre le même genre de bêtises que celles qui ont provoqué la crise de 2008. Certains diront que les exigences en fonds propres sont excessives. D’autres, au contraire, qu’elles conservent une trop grande latitude à créer de la monnaie. Mais, aux yeux de Howard Davies, ce n’est pas essentiel.
Il fait observer un détail qui a échappé à la plupart : le système de régulation et de contrôle des banques par la puissance publique était et demeure inutilement « alambiqué ». Cela avait été critiqué autrefois par l’ancien directeur de la FED, puis du Conseil pour la relance économique d’Obama, Paul Volcker. La Loi Dodd Frank, toujours elle, n’a supprimé qu’une seule de ces bureaucraties régulatrices, le Bureau de contrôle de l’épargne.
Traditionnellement, c’est aux banques centrales des Etats que revient la supervision des banques présentes sur leur territoire, tandis que les compagnies d’assurance, par exemple, sont surveillées par des agences gouvernementales. Mais les pratiques variaient considérablement d’un pays à l’autre. Or cette diversité de situation ne favorise pas l’adoption et la mise en pratique de standards internationaux. C’est particulièrement problématique au sein de l’Union européenne. Certes, il existe une Union bancaire de la zone euro, mais dans certains pays, la supervision appartient aux banques centrales, comme la Banque de France, et dans d’autres, à divers organismes publics ou para-publics.
Or, les superviseurs des banques n’ont pas tellement intérêt à critiquer leur propre système. Et c’est pourquoi, selon Howard Davies, ils ne sont pas pressés d’harmoniser leurs procédures.
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