Les trolls de Poutine (et de Steve Bannon ?) à la manoeuvre
Dans mes chroniques de la semaine dernière, je vous ai mis en garde contre une probable interférence d’une ou plusieurs puissances étrangères dans la grave crise que nous traversons.
Des campagnes de désinformation, visant à hystériser le débat.
Je n’avais d’autres preuves que d’avoir été moi-même confronté, sur les réseaux sociaux, à des comptes suspects. De ces comptes anonymes, souvent illustrés d’images violentes, relayant des fake news, éructant et menaçant leurs contradicteurs, dont l’œil exercé perçoit qu’ils travaillent en meute et suivent les ordres du jour d’un chef d’orchestre clandestin.
De telles cyber-attaques ont été observées durant les campagnes électorales récentes, dans plusieurs pays démocratiques. Les dirigeants de Twitter, Facebook et Google ont dû répondre de leur laxisme dans la vente de publicités ciblées, durant la campagne présidentielle américaine de 2016. Marc Zuckerberg, le directeur de Facebook a ainsi reconnu avoir encaissé 100 000 dollars pour la diffusion de 3 000 publicités politiques, achetés par 400 faux comptes issus des fameuses « usines à trolls » russes, contrôlées par le gouvernement de ce pays.
Les messages diffusés n’étaient pas systématiquement favorables à Trump, même s’ils l’étaient souvent. Mais ils alimentaient de vaines polémiques, diffusaient des alarmes imaginaires, hystérisaient le débat public par de folles rumeurs. On peut discuter de l’influence réelle de ces campagnes sur les réseaux sociaux. Mais on doit admettre qu’elles contribuent à faire croire à la popularité de certaines idées puisqu’on les voit toute la journée. Elles ont en tous cas précédé les victoires récentes des partis populistes : Brexit, Trump, Salvini, Bolsonaro…
Des campagnes systématiques de désinformation sur les réseaux sociaux.
Or, l’agence de cybersécurité New Knowledge, citée par The Times hier, affirme avoir repéré 200 comptes Twitter extraordinairement actifs, diffusant 1 600 tweets et retweets par jour en français, liés à l’Etat russe. Ces comptes relaient des fausses informations concernant les événements en cours dans notre pays. Ils visent manifestement à cliver les Français afin de propager un climat de guerre civile ; à déstabiliser nos institutions démocratiques et plus généralement à démolir l’Union européenne que Moscou considère comme un obstacle à ses visées expansionnistes.
De son côté, le centre d’analyse Alliance for Democracy a identifié 600 comptes Twitter usurpant le hashtag #giletsjaunes et travaillant pour le compte du Kremlin. Ces sites propagandistes propagent des rumeurs bien particulières selon les plans d’une campagne de désinformation systématique. Ainsi, la semaine dernière ils ont tenté de démontrer que les forces du maintien de l’ordre étaient en train de basculer du côté des manifestants. Vous avez peut-être vu vous-même quelques-unes de ces vidéos truquées, montrant des policiers, à Pau, retirant leurs casques soi-disant par solidarité avec les Gilets Jaunes, ou celle de ce gendarme exhibant un panneau proclamant « ne lâchez rien ! ». Elles sont fausses. A Pau, les policiers ont accepté de retirer leurs casques pour parlementer avec les manifestants, puis les ont remis.
L’AFP consacre son site « Factuel » à déminer un certain nombre de ces fausses informations. Mais il n’est pas anodin de constater qu’au même moment, les moyens d’information russes en français, comme Sputnik et RT relayaient le même genre de rumeur. Ils ont joué un rôle important dans la diffusion du mensonge concernant la réduction des pensions de reversion. La rumeur de la semaine : Macron est en train de vendre la France à l’ONU.
Poutine s’était déjà invité durant la campagne électorale présidentielle de 2017…
On sait assez bien quels sont les candidats qu’il favorise de son argent et de sa propagande. Ce sont ceux qui partagent ses idées – révolution conservatrice, Etat autoritaire, souveraineté nationale illimitée et refus du droit international – et ses intérêts : dissolution de l’Union européenne, retour de l’influence russe sur les pays d’Europe centrale en tant qu’anciens membres du Pacte de Varsovie.
Le plus comique dans l’affaire, c’est que les médias russes, de leur côté, accusent de subversion dans les affaires françaises le gouvernement… américain. Ils évoquent la menace d’une « révolution de couleur » qui planerait sur le gouvernement français, dans le style de celles qui ont secoué les anciennes républiques soviétiques de Géorgie et d’Ukraine. Il s’agirait de « punir Macron » de ses insolences envers Trump.
Steve Bannon à la manoeuvre en Europe, afin d'aider ses amis populistes et souverainistes à s'emparer du Parlement européen.
Le fait est que Steve Bannon, le grand manipulateur de médias au service de Donald Trump est en ce moment en mission en Europe. Il y a créé son « Mouvement », qu’il finance avec de l’argent américain. Il ambitionne d’aider les partis souverainistes à conquérir la majorité des sièges au Parlement européen. Il rencontre les dirigeants des partis d’extrême-droite. Samedi, reçu par son grand ami Matteo Salvini, il s’est félicité que – je cite – que « Paris brûle ».
Vladimir Poutine et Donald Trump peuvent bien s’en accuser mutuellement. Cela n’empêche pas de conjecturer qu’ils poursuivent en réalité le même objectif : déstabiliser l’Etat français en entretenant chez nous une atmosphère de guerre civile… Sur les réseaux sociaux qu’ils inondent de rumeurs et de propos incendiaires, sachons garder la distance critique qui s’impose.
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