Un "moment Macron" en Europe

Le moment Macron intéresse la chancelière allemande
Le moment Macron intéresse la chancelière allemande ©AFP - DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY
Le moment Macron intéresse la chancelière allemande ©AFP - DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY
Le moment Macron intéresse la chancelière allemande ©AFP - DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY
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Mais l'Allemagne est-elle en mesure d'en profiter pour relancer une machine qui s'étouffe ?

L’UE ne fonctionne correctement que lorsque le couple franco-allemand est en symbiose et qu’il est équilibré. Est-ce le cas aujourd’hui ?

Le problème de l’Europe, hier, c’était que la France était trop faible, écrit Dominique Moïsi, sur le site Project Syndicate. Cela fait des années que les Allemands, qui n’aiment pas diriger seuls, se plaignaient qu’il n’y eût pas de copilote sérieux à leurs côtés à la direction de la machine européenne. Et peut-être aussi s’abritaient-ils derrière ce prétexte pour justifier un certain immobilisme. Si Macron parvient à réformer réellement la France, ce qui semble être le cas, le copilote pourrait bien être de retour… A moins qu’il ne prenne carrément la place du pilote. 

Si l’on en doutait encore, on trouvera la confirmation de ce come-back de la France dans le numéro de la revue Foreign Affairs, qui paraît ces jours-ci. Dans un article intitulé « Le monde de Macron » Ronald Tiersky, écrit : « après Mitterrand, lorsque l’économie de la France a pris du retard, et que son leadership a baissé en qualité, l’UE a perdu son centre, son incubateur d’idées nouvelles et sa force propulsive. Cela faisait des années que la chancelière Merkel attendait un véritable poids lourd avec lequel elle puisse travailler ». Tel apparaît Emmanuel Macron aux yeux de ce spécialiste américain des affaires européennes.

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Or, pour le président français, poursuit Ronald Tiersky, réformer la France et réformer l’Europe, ce sont les deux faces d’une même médaille. Parce qu’à ses yeux, une intégration plus poussée de l’Europe sert les intérêts nationaux de son pays. Et de citer cette phrase significative du nouveau président de la République : "Contre Google et Facebook, la France ne peut pas gagner. Mais l’Europe, elle, peut parvenir à les réguler. " 

Que veut Macron pour l'Europe ?

Macron croit à une Europe à deux vitesses, dont le noyau dur serait formé par les Etats partageant la monnaie commune. Il veut faire de l’Union européenne un rival capable de concurrencer les grands empires politico-commerciaux que sont les Etats-Unis et la Chine. Il croit à une délégation partielle des souverainetés nationales au niveau européen. Il veut une Europe forte, parce qu’il estime que les peuples n’accepteront plus que leurs nations se dépouillent d’une partie de leurs responsabilités au profit d’une Union européenne qui se met dans l’incapacité de les exercer. 

Ainsi, c’est aux frontières de l’UE que doit être traitée la question des migrations. Traiter au cas par cas, les demandes d’asile donnant lieu ou non au droit de s’installer en Europe est une responsabilité qui doit s’assumer collectivement ; puisque ce droit s’exerce de facto dans le pays choisi comme destination finale par le demandeur. Lors de la prochaine crise migratoire, la stratégie de Macron est de contenir ces demandeurs à leur entrée en Europe, au plus près de leurs pays de départ, afin qu’ils puissent y retourner lorsque la crise qu’ils auront fuie sera terminée. Aucun responsable politique sérieux, en Europe, ne croit qu’on peut renouveler l’expérience de 2015. 

Mais les Allemands sont-ils prêts, de leur côté, à accroître à ce point les responsabilités européennes ? Et à concéder autant de pans de leur propre souveraineté ?

Réponse de Dominique Moïsi : « Aujourd’hui, le problème n’est pas que la France soit trop ambitieuse pour l’Europe, mais que l’Allemagne ne l’est pas assez. » Du coup, poursuit-il, les élites dirigeantes, des deux côtés du Rhin, redoutent – je cite encore « que l’Allemagne s’avère incapable de saisir la formidable opportunité créée par la victoire du président français, Emmanuel Macron. » Merkel est une politicienne prudente. Mais elle pourrait être tentée de couronner sa remarquable carrière politique par un ultime grand bond en avant de l’intégration européenne, en profitant du « moment Macron »

Qu’il y ait un tel « moment Macron » en Europe, c’est ce que pense également le Suédois Carl Bildt. L’Europe jouit d’une confiance récemment retrouvée, écrit-il et « au centre de ce revirement, plus que n’importe qui, il y a le président français ». Mais la plupart spécialistes manifestent la même inquiétude : le moment de grâce en Europe ne durera pas toujours. Si rien ne change en profondeur, si les peuples conservent le sentiment que l’Europe se fait dans leur dos, contre leurs souhaits et leurs sentiments, alors les populistes, qui dirigent aujourd’hui à l’Est, mais sont en perte de vitesse à l’Ouest, retrouveront, ici aussi, la faveur des électeurs. 

En outre, l’Europe émerge comme l’ultime rempart de l’ordre mondial libéral, dont les Etats-Unis s’éloignent avec Trump. Un ordre fondé sur le respect de règles communes et des agences internationales, la régulation des rapports entre les Etats par le droit et l’arbitrage plutôt que par la force. Cette fidélité de l’Europe à l’ordre multilatéral, sa fiabilité, lui valent le respect de ses partenaires. Si Trump dénonce, l’un après l’autre, les accords négociés et signés par ses prédécesseurs, comme le Partenariat commercial Transpacifique, ou l’Accord de Paris sur le climat, l’Union européenne se pose en défenseur du système international. Et elle multiplie les Traités commerciaux : avec le Canada, avec le Japon, prochainement avec le Mercosur sud-américain.

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