- Irène Omélianenko
- Nicolas Saada Réalisateur, scénariste, programmateur musical et directeur de la photo
- François Weyergans Ecrivain
- Florence Dartois
Par Merryl Moneghetti
Réalisation Pascale Rayet
Longtemps, j’ai cru que je n’avais pas d’oreille. Cette conviction, embarrassante et polluante comme un mauvais son, remontait à mes 9 ans quand j’avais été exclue du Conservatoire de Bordeaux, n’ayant pas dansé en rythme à l’examen de passage. Pouvait-on pratiquer son art d’une oreille discrète, ne pas être tout ouïe ? J’appris à mes dépens la différence entre « entendre » et « écouter », ressentir et faire corps avec la musique. Dès lors, j’ai gardé, des années, cette terreur de ne pas respecter la « musicalité », de chanter faux et de danser à contretemps, de ne pas avoir l’intelligence du son. J’aurais pu me fermer à jamais à ce sens, qui a bien des égards, malgré toute la science que j’ai pu lire sur nos trois oreilles, me demeure bien mystérieux. Le chef d’orchestre Daniel Barenboïm se plaignant de la suprématie du sens de la vue dans nos sociétés, rappelle que l’oreille a un « lien essentiel avec la mémoire et qu’elle nous force à penser ». La poésie, la radio et paradoxalement le cinéma m’ont ouvert d’autres perspectives et m’ont initiée à l’univers des sons. Et c’est peut-être là que se niche notre oreille cachée celle que nous développons sans grande conscience de ses possibilités, sauf à prendre le temps de pauser quelques silences, d’ouvrir grand nos pavillons latéraux et de jouer enfin de notre sensibilité auditive. L’oreille n’est-elle pas selon la formule de Valéry le sens préféré de l’attention ?
En 1992, l’écrivain cinéaste François Weyergans dialogue avec sa fille dans le cadre de l’émission Les Nuits magnétiques . Cultures et souvenirs auditifs esquissent l’univers rêvé, créé ou retrouvé de l’artiste. Comme dans ses romans, rythmes, paysages et impressions sonores foisonnent. La tentation est grande d’interroger le nouvel académicien sur la fabrique du son et du rythme dans ses œuvres, sur son "oreille" d’auteur, de lecteur et de spectateur, sur sa cinéphilie sonore… Lors de notre rencontre, son premier geste a été de photographier le micro. François Weyergans aime capter et mémoriser les sons et il aime les machines qui permettent cette magie.
La cinéphilie sonore de Nicolas Saada et sa passion pour les musiques de films et leurs compositeurs a trouvé un merveilleux et cultissime moyen de s’exprimer pendant une quinzaine d’années, entre les années 90 et les années 2000 avec l’émission de radio, Nova fait son cinéma. * Le jeune critique, qui n’est pas encore passé derrière la caméra, comme réalisateur, initie alors ses auditeurs aux classiques que sont devenus les Bernard Hermann et autres Lalo Schifrin et fait découvrir des perles rares, telle la musique de Quincy Jones pour le film de Richard Brooks, De Sang Froid (In Cold Blood).*
Retour sur 1994, avec « Cœurs friponnés et dires embarbotés » la productrice Irène Omélianenko redonne vie sur France Culture aux chutes de bandes magnétiques qu’elle trouve dans les poubelles de Radio France. C’est « Rémanences » qui le dimanche soir surprend et enchante les auditeurs par ses collages radiophoniques dans l’émission Clair de Nuit . Ces dernières années, les oreilles d’Irène Omélianenko ont surtout été au service du documentaire radio. Depuis peu, elle est Conseillère des programmes pour le documentaire et la création radiophonique. Sa parole est rare, elle préfère enregistrer les autres. Mais peut-on résister au devoir de transmission de l’amour du son ?
Florence Dartois est documentaliste à la phonothèque de l'INA. Elle met sa passion des archives et du son radio aussi bien au service des émissions de Radio France qu'au service des internautes du site ina.fr pour lequel elle prépare la mise en ligne de célèbres feuilletons radiophoniques. Elle évoque les mutations de son métier à l'heure du numérique.
François Angelier lit des extraits du Théâtre d'ondes, théâtre d'ombres de René Farabet et de "La Voix lointaine" d'Yves Bonnefoy
Archives : Voix de Philippe Soupault, Gaston Bachelard, Jean Toscane, Yehudi Menuhin...
Musiques de DJ Shadow, Quincy Jones, Beethoven, Didier Lockwood, Ernst Toch et Air.