Emmanuel Perrodin : "Marseille interroge l'ailleurs en permanence"

Le cuisinier, historien de formation, Emmanuel Perrodin.
Le cuisinier, historien de formation, Emmanuel Perrodin.  - Tammy Bar-Shay
Le cuisinier, historien de formation, Emmanuel Perrodin. - Tammy Bar-Shay
Le cuisinier, historien de formation, Emmanuel Perrodin. - Tammy Bar-Shay
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En cette rentrée, nous prolongeons l'été en compagnie du chef nomade, où "pérégrin" comme il aime à se définir, Emmanuel Perrodin. "Habité" par la ville de Marseille, il partage avec nous son amour pour la cité phocéenne et pour sa tant-aimée bouillabaisse...

Avec
  • Emmanuel Perrodin Chef et historien

Et pour cette première, nous avons eu envie de prolonger le goût de l’été et de partir du côté de Marseille ou plutôt de faire venir un peu de Marseille à nous tant que la situation sanitaire, aussi tendue là-bas qu’à Paris, nous le permet. Nous avons le plaisir d’accueillir un cuisinier pas comme les autres, qui aime être un peu ici et un peu là, qui a pris le train du sud pour monter à la capitale nous rejoindre, laissant la mer, les calanques, ses poissons et son pastis au soleil. 

C’est en sa compagnie que nous avions fait les premières Bonnes choses, à Marseille, au Mucem, il y a deux ans, il avait été notre guide dans la passionnante exposition consacrée aux deux cents ans d’histoire du repas des Français. C’est surtout l’historien qui s’était alors exprimé. Nous remettons donc le couvert avec lui pour ouvrir cette nouvelle saison en nous adressant cette fois à l’amateur de cuisine. 

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Une des choses qui caractérise Marseille, c'est le masque. C'est une vraie spécificité : le fait d'avoir le verbe haut, ou de mettre en avant des produits, des recettes mais qui, finalement, masquent ce qui se cache derrière. Ce goût masqué, c'est celui du corsé.

Marseille est une ville qui se réinvente en permanence et qui a joué un rôle particulier dans la gastronomie française. Ce n'est pas la première de France, mais c'est là où va se nouer la rencontre entre l'ici et l'ailleurs. C'est une ville en dialogue permanent. Elle s'entend, se comprend dans cette compréhension fine, selon laquelle la frontière n'existe que par les fractures. 

Il y a eu une vraie volonté de maintenir ouvert le Théâtre de la Criée tout l'été, alors qu'il est normalement fermé en août. En organisant des dîners, nous nous intégrons là-dedans, de façon modeste et, en même temps, bien plus complexe que ça. C'est ce qu'est finalement la cuisine : quelque chose qui, l'air de ne pas y toucher, vient interroger des choses bien plus profondes. 

Pour aller plus loin : 

"La vie de l'homme est une chasse au bonheur. Parmi ces bonheurs, l'exercice de la gourmandise est l'un des plus importants. (...) La gastronomie, c'est-à-dire l'art qui satisfait la gourmandise, représente un pays au même titre que les autres arts. La cuisine fait connaître le paysage. Le paysage sert à comprendre la cuisine." Jean Giono. 

La bouillabaisse du quartier Saint-Jean, par  Emmanuel Perrodin

1. Parmi rascasse, baudroie, dorade, congre, galinette, grondin, vive, merlan ou vieille, choisissez suffisamment de poissons pour 6 personnes (2 kg environ).

2. Faites-les mariner pendant 30 mn dans une marmite avec 2 dl d’huile d’olive, 3 tomates concassées, 1 piment ouvert en deux, 2 feuilles de laurier, 2 branches de fenouil séchées, 1 fragment d’écorce d’orange séchée et 12 gousses d’ail émincées.

3. Couvrez d’eau, salez, ajoutez une pierre de roche. 

4. Portez vivement à ébullition puis baissez le feu et laissez clapoter le tout pendant une dizaine de minutes.

5. Cela vous laissera le temps de préparer des tranches de pain frottées d’ail (attention, rassises, pas grillées !).

6. Vous servirez alors le bouillon sur les tartines, les poissons délicatement disposés au centre de la table. C’est une recette simple, une recette coup de poing. On n’y trouve ni safran, ni pomme de terre, ni rouille. Elle sait être iconoclaste, cette bouillabaisse.

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