La Mère Brazier : portrait d'une pionnière

La mythique Mère Brazier a réussi l'exploit d'obtenir deux fois trois étoiles en 1933.
La mythique Mère Brazier a réussi l'exploit d'obtenir deux fois trois étoiles en 1933.  ©Maxppp - Jean-Pierre Balfin
La mythique Mère Brazier a réussi l'exploit d'obtenir deux fois trois étoiles en 1933. ©Maxppp - Jean-Pierre Balfin
La mythique Mère Brazier a réussi l'exploit d'obtenir deux fois trois étoiles en 1933. ©Maxppp - Jean-Pierre Balfin
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Triplement étoilée en 1933, la Mère Brazier est une pionnière à bien des égards et a su s'imposer dans le monde très masculin des cuisines de l'époque. Alors que son restaurant fête ses cent ans cette année, zoom sur cette figure mythique de la gastronomie lyonnaise.

Avec

Le 10 avril 1921, Eugénie Brazier, surnommée « la Mère Brazier » ouvrait un bouchon lyonnais typique au numéro 12 de la rue Royale dans le 1er arrondissement de Lyon. Sa table devient vite la plus courue de la ville, tout comme le deuxième restaurant ouvert sept ans plus tard au Col de la Luère sur les monts lyonnais. 

Les deux se voient couronnés en 1933 de trois étoiles dans la première sélection du Guide Michelin, ce qui fait de la Mère Brazier la première et la seule femme à ce jour à avoir obtenu deux fois la plus haute récompense gastronomique. Portrait d’une légende de la gastronomie française. 

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Bernard Pacaud, chef triplement étoilé de l' Ambroisie, ancien apprenti d'Eugénie Brazier.

En 1962, j'avais 14 ans. Je montais tous les samedis et dimanches faire la vaisselle chez la Mère, au Col de Luère. Elle a fini par me proposer de signer un contrat de cuisine et je suis resté quatre ans chez elle. J'ai trouvé un refuge chez la mère Brazier : elle m'a accueillie, elle m'a appris un métier, elle m'a tout appris. Encore aujourd'hui, c'est elle qui, dans mon esprit, me dirige. 

La cuisine de la Mère Brazier était une cuisine simple, généreuse, exigeante. L'exigence portait surtout sur la qualité des produits : c'était elle qui recevait tous les produits pour en vérifier la qualité. C'étaient des produits frais et locaux, avant l'heure ! Et il n'y avait bien sûr aucun gaspillage : lorsqu'on tournait les fonds d'artichauts, les feuilles étaient envoyées chez son ami qui avait un cheval, nous nourrissions les cochons avec les restes... 

Mathieu Viannay, chef doublement étoilé à la tête du restaurant de la rue Royale depuis 2008. 

Je suis tombé amoureux du lieu, avant d'être amoureux du nom. C'est incroyable car, lorsque nous avons racheté le lieu, il y avait encore des fils électriques mis en 1921. Il a fallu faire des travaux : on a enlevé les boiseries, des faïences originelles de 1923. (...) La Mère Brazier n'est pas le fantôme de ce lieu : elle est plutôt l'ange du restaurant. De mon côté, j'ai essayé de rentrer dans cette maison avec des chaussons, tout doucement. Et puis j'ai fini par me laisser aller. 

Je ne pense pas que la cuisine historique soit nécessairement "vieillotte". C'est ce qui est intéressant dans la "cuisine Brazier" : il y a toujours des associations, des accords...  Par exemple, nous continuons de proposer l'artichaut au foie gras, qui était une de ses recettes phares. Et les gens, lorsqu'ils goûtent à ces artichauts au foie gras, vous disent : "Qu'est-ce que cet accord est original ! ". 

La journaliste et écrivaine Catherine Simon, autrice de Mangées, une histoire des Mères lyonnaises (éditions Wespieser).

La Mère Brazier a eu un parcours hors du commun. Elle vient d'une famille pauvre du côté de Bourg-en-Bresse et a ouvert ce restaurant rue Royale en 1921, non loin de l'Hôtel de ville. Elle a choisi son lieu, car la rue Royale était une rue aussi extrêmement vivante, travailleuse. Eugénie Brazier a donc d'une certaine manière choisi sa clientèle. Peu à peu, elle a gravi les échelons de sa profession et a décroché ces étoiles au Michelin, qui ont fait d'elle une star. 

A l'époque, une femme ne pouvait pas monter seule une entreprise. Il fallait qu'elle soit parrainée par son père, par son mari ou par un associé. Il ne faut pas oublier le contexte misogyne de l'époque : rappelons que les femmes, en France, n'ont eu leur chéquier bancaire qu'en 1965. Donc, c'était très compliqué pour les femmes de s'installer. Et malgré ces "handicaps", Eugénie Brazier est devenue une des cuisinières les plus réputées, sinon la plus réputée de Lyon.

Pour aller plus loin : 

La recette de la poularde de bresse demi-deuil de Bernard Pacaud, en hommage à la Mère Barzier

La poularde de bresse demi-deuil
La poularde de bresse demi-deuil
- Bernard Pacaud

Ingrédients pour 6 personnes

  • 2 poulardes de 2,2 kg minimum
  • 2 truffes noires fraiches de 60 g
  • 30 cl de crème double
  • 2 jaunes d'oeufs
  • Gros sel

Garniture 

  • 12 carottes fanes
  • 6 blancs de poireaux
  • 2 coeurs de céleris branches

Garniture aromatique  

  • 3 verts de poireaux
  • 1 céleri branche
  • 6 carottes

Préparation

Poulardes 

Vider et préparer les poularde. Réserver toutes les parures (cous, ailerons etc) pour le fond.
Eplucher les truffes, réserver les parures. Découper 16 tranches de 2 mm d'épaisseur et les glisser entre la peau et la chair de la volaille, 2 sur chaque cuisse et 2 sur chaque suprême. 

Ajouter le gros sel à l'intérieur des volailles puis les emmailloter chacune dans une grande feuille de papier sulfurisé humide. Attacher chaque volaille avec une ficelle fine pour éviter qu'elles ne se déforment.
Réserver au froid pendant 2 heures. 

Fond de volaille 

Dans 5 litres d'eau, placer les parures de poulardes, porter à ébullition, bien écumer, puis ajouter la garniture aromatique préalablement lavé, épluchée et tailler en gros morceaux. Laisser cuire pendant 40 minutes puis filtrer. 

Légumes 

Laver et éplucher tous les légumes, garder les carottes entières, découper dans les blancs de poireaux 12 morceaux en forme de biseau. Retirer les premières côtés de céleris pour ne garder que le coeur tendre. Cuire à la vapeur tous les légumes individuellement, saler légèrement, vérifier chaque cuisson puis les réserver au chaud, couverts d'un papier sulfurisé humide. 

Poulardes 

Porter le fond de volaille à forte ébullition, y pocher les poulardes à petit frémissement pendant 45 minutes à couvert. Hors du feu, laisser reposer au chaud pendant 20 minutes. 

Finition et présentation 

Ecraser à la fourchette les parures de truffes.
Une fois les poulardes reposées, réserver 30 cl de jus de cuisson, bien le dégraisser.
Faire réduire à glace, ajouter la crème double et laisser cuire 10 minutes.
Hors du feu, lier la sauce avec 2 jaunes d'oeufs battus avec une cuillère à soupe de crème.
Veiller à ne plus faire bouillir. Filtrer et passer la sauce au chinois étamine et réserver au chaud.
Découper les poulardes, les dresser sur des grandes assiettes creuses bien chaudes, servir accompagnées de légumes, napper avec la sauce dite suprême et parsemer de l'écrasé de truffes. 

>>> Cette recette est à retrouver, parmi plein d'autres, dans le livre L'Ambroisie, parue chez Glénat. 

La recette de madeleines tièdes au miel, glace au fromage blanc de Mathieu Viannay

Ingrédients 

Pour les madeleines (80 pièces) 

  • 200g de poudre d’amandes 
  • 200g de farine 
  • 500g de sucre glace 
  • 300g de beurre
  • 1/2 l de blanc d’œuf 
  • 250g de miel d’acacia

Pour la glace au fromage blanc 

  • 800g de fromage blanc 
  • 200g de crème liquide 
  • 230g de miel

Préparation 

Pour les madeleines 

Cuire le beurre en beurre noisette, le passer au chinois et refroidir.
Mélanger le sucre, la farine et la poudre d’amandes. Ajouter les blancs légèrement battus, puis le miel et le beurre noisette refroidi.
Laisser poser 24 heures au frigo.
Cuire au four dans un moule à madeleines 7mn à 180°C et 10mn à 160°C. 

Pour la glace au fromage blanc 

Mélanger le fromage blanc et la crème liquide.
Faire chauffer le miel puis ajouter au mélange. Passer à la sorbetière.

>>> Une recette à découvrir aussi dans la bande dessinée 12 rue Royale ou les sept défis gourmands (Bamboo éditions)