
Alors que le dernier confinement a mis en lumière la fragilité de notre système alimentaire et notre dépendance aux marchés mondialisés, la question de l'autonomie alimentaire a émergé dans le débat public. De quoi retourne-t-il ? L'autonomie alimentaire est-elle possible, ou même souhaitable ?
Christine Aubry (agronome, ingénieure de recherches à l’INRA.), Nicolas Bricas (Socio-économiste de l'alimentation au Cirad), Catherine Darrot (sociologue et agronome, enseignante chercheuse à l'Agro Campus de Rennes).
Nicolas Bricas, chercheur au Cirad, titulaire de la Chaire “Unesco Alimentation Mondiale”.
Si le transport se bloque, si les usines ferment, on peut se retrouver dans une situation de blocage ou de pénurie car nous sommes dans un système qui fonctionne à flux tendu. De ce fait, à l'échelle internationale, des réflexions émergent sur les stocks : doit-on d'avantage stocker et si oui, doit-on le faire à l'échelle des ménages, des villes, de l'Etat ?
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Nous importons des protéines végétales, certains fruits, certains légumes. Mais la France a la capacité, si les frontières devaient fermer, de produire la majorité des produits qu'elle consomme. En revanche, nous sommes dépendants de l'importation des composantes électroniques pour nos tracteurs ou encore des molécules chimiques pour les produits phytosanitaires.
Catherine Darrot, enseignante chercheuse en sociologie à AgroCampus Ouest et au CNRS.
La question de l'arrêt des transports est une question qui a été peu réfléchie. La grande crainte ces dernières années était de gérer une crise sanitaire au sein de la chaîne alimentaire, et c'est là-dessus que nous avons mis notre énergie. Mais nous n'avons pas anticipé la fragilité du système logistique, qui présente la particularité d'être extrêmement complexe.
Dans les dernières années, le paradigme qui dominait était libéral. L'idée d'une planification alimentaire était quelque chose de tabou politiquement. Donc nous ne nous sommes pas dotés de moyens de contrôles pour contrôler nos flux d'approvisionnement, et cela ressort aujourd'hui à la lumière de la crise.
Christine Aubry, chercheuse et directrice de l'équipe de recherche “Agricultures urbaines” à l'Inrae et AgroParisTech.
A l'échelle des territoires, on peut faire tout à fait mieux en termes d'autonomie On a déconnecté au cours de l'histoire récente l'agriculture et la ville. Mais il n'est pas très difficile de les reconnecter : cela nécessite une forte volonté politique.
L'agriculture urbaine ne prétend pas proposer une autosuffisance alimentaire absolument. Mais elle y contribue, via notamment les ceintures vertes qui sont en train de prendre beaucoup d'importance. Il y a également aujourd'hui une demande considérable pour l'auto-production, via les jardins privés et les jardins collectifs.
Pour aller plus loin :
- L'enquête "Manger au temps du coronavirus" co-dirigée par Catherine Darrot
- "Le tout local est-il un piège ?" par Nicolas Bricas
- La Chaire partenariale "Agricultures urbaines, services écosystémiques et alimentation des villes" créée par Christine Aubry
- "La souveraineté alimentaire de la France en quatre questions" Les Echos, 22/04/2020
- "Et si le coronavirus ouvrait la voie de l’autonomie alimentaire ?" Reporterre, 30/04/2020
- "L’autonomie alimentaire, une illusion ?" Télérama, 14/04/2020
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