

Alain Resnais incarne le cinéma de la mémoire où l'archive et le document historique comme matière filmique tiennent une place prédominante. Pourtant, il réfute cette appellation qui contraint à penser le temps d'une façon linéaire, le cinéma étant par définition un instrument de l'oubli...
- Suzanne Liandrat-Guigues professeure émérite en études cinématographiques à l'Université Paris-8, spécialiste de Luchino Visconti
Si on n’oublie pas, on ne peut pas vivre, ni agir. L’oubli doit être construction. Le désespoir, c’est l’inaction, le repli sur soi. Le danger, c’est de s’arrêter.
Alain Resnais
Dans la filmographie d'Alain Resnais (1922-2014), ses trois premiers longs-métrages se suivent et proposent une déclinaison de la question de l'oubli : Hiroshima mon amour (1959), L’année dernière à Marienbad (1961) et Muriel ou le temps d’un retour (1963).
Pour Paul Ricoeur, le cinéma n’est une mémoire. Godard précise que le cinéma est d’abord un oubli de la réalité et le film présente une mise à distance de la réalité...
Comment Alain Resnais met-il en scène l'oubli dans son cinéma ?
L'invitée du jour :
Suzanne Liandrat-Guigues, professeure émérite en études cinématographiques à l'Université Paris-8
Alain Resnais cinéaste de la mémoire, est-ce un malentendu ?
Oubli, mémoire, histoire, retour, réminiscence, passé… : tous ces termes confectionnent une constellation du temps, changeante, suffisamment mouvante pour qu’elle puisse accueillir toutes les variations apportées par Alain Resnais tout au long de sa filmographie.
L’oubli est un fil important dans son œuvre. Par exemple dans le film "Je t’aime, je t’aime" qui prend ironiquement le détour d’une machine à remonter le temps complètement invraisemblable avec une forme dont aucune science fiction ne voudrait, pour tourner en dérision le rapport au geste de remonter le temps qu’on attache souvent à la question du passé, du souvenir et donc de l’oubli...
Suzanne Liandrat-Guigues
Resnais et la grande Histoire
Dans le cinéma de Resnais, il y a un versant assez clair à ce rapport oubli et mémoire, qui sont véritablement comme les deux faces d’une même médaille, peut-être qu’à un moment donné, Resnais tente d’aborder le problème par le biais de la grande Histoire. Toute la mémoire du monde n’est pas la grande Histoire, c’est plutôt un endroit où sont consignées les mémoires représenté par Resnais comme un vaste cerveau. On a comparé Resnais à un cinéaste du cerveau également, outre l’oubli et la mémoire…
Les films comme "Nuit et Brouillard", "Hiroshima mon Amour", "Muriel ou le Temps d’un retour" sont des films qui osent se confronter à l’Histoire avec une constante qui est la forme que Resnais donne à ses films. Tout film est une machine à oublier, Godard l’a dit, puisque finalement il peut permettre au spectateur de s’oublier lui-même mais aussi par la facture même d’un film qui suppose par le cadrage, le montage, l’écoulement temporel dont il est le support, un jeu constant avec l’apparition, la disparition… Resnais s’empare de ces spécificités du langage cinématographique pour travailler sa propre conception du rapport mémoire, souvenir, oubli, avec sa facture singulière.
Suzanne Liandrat-Guigues
Sons diffusés :
- Montage de Thomas Beau comprenant des extraits de trois films d'Alain Resnais : Hiroshima mon amour (1959), L’année dernière à Marienbad (1961) et Muriel ou le temps d’un retour (1963).
- Extraits de Hiroshima mon amour
- Bande annonce de Muriel ou le temps d’un retour puis extrait du film
- Extrait de L’année dernière à Marienbad
- Chanson de fin : Alain Gainsbourg, Les Oubliettes
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