Antonin Artaud, pour en finir avec l’enfermement : épisode 3/4 du podcast Psychiatrie

Antonin Artaud dans le film "Le Juif errant" de Luitz-Morat, 1926
Antonin Artaud dans le film "Le Juif errant" de Luitz-Morat, 1926 - Wikicommons
Antonin Artaud dans le film "Le Juif errant" de Luitz-Morat, 1926 - Wikicommons
Antonin Artaud dans le film "Le Juif errant" de Luitz-Morat, 1926 - Wikicommons
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Antonin Artaud a passé 9 ans en institutions psychiatriques. En 1943, il dénonce les méthodes de la psychiatrie sous le pseudonyme d’Antonin Naplas, un double qui dénonce les méfaits des asiles comme l'électrochoc. Sa "folie", lucide, peut-être créatrice, questionne la légitimité de la psychiatrie.

Avec
  • Evelyne Grossman professeure de littérature française contemporaine à l’Université Paris Diderot Paris 7

Dès l'enfance, Antonin Artaud (1896-1948) présente des troubles nerveux. Dans les années 1920, ses parents, qui vivent à Marseille, le confient au docteur Toulouse, directeur de l’asile de Villejuif. Il écrit beaucoup...
De 1938 à 1947, il passe 9 ans dans plusieurs hôpitaux psychiatriques qui lui appliquent les traitements de l'époque, comme les électrochocs, épouvantablement violents.
Il n'a jamais cessé d'écrire et notamment des correspondances où il se dit envoûté, comme l'avait été aussi Van Gogh, Baudelaire, critiquant la psychiatrie et ses méthodes. À partir de 1945, ses textes paranoïaques se peuplent de délires...

Mais la maladie n’est pas forcément négative, en tout cas du point de vue du créateur. Dans Malades et médecins (1946), Artaud écrit « la maladie est un état, la santé n’en est qu’un autre ».

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L'invitée du jour :

Evelyne Grossman, professeure de littérature française contemporaine à l’Université Paris Diderot Paris 7

Les souffrance d'Antonin Artaud

Dans sa jeunesse, la famille d’Artaud le fait suivre rapidement par toutes sortes de médecins en Suisse ou ailleurs. On a essayé de le soigner sans savoir de quoi il souffrait, il se plaignait de souffrances erratiques, disait-il, de dépression. On lui diagnostique une syphilis héréditaire et on le soign avec des moyens très violents, ceux de l’époque, des piqûres à base de mercure ou d’arsenic, qui, probablement, l’ont rendu plus malade qu’autre chose… Il a commencé à prendre du laudanum, un médicament dérivé de l’opium, et il a toujours dit que c’était dès cette époque qu’il a commencé à avoir cette addiction à toutes sortes de drogues qu’il avait prises pour soulager ses douleurs…  
Evelyne Grossman

La rencontre avec le docteur Toulouse et avec la vie parisienne

Dans les années 20, Artaud a rencontré le docteur Toulouse et ça a été une chance parce qu’il était psychiatre mais aussi homme de culture, il lui a présenté un certain nombre d’artistes et d’intellectuels, à Paris, et a fait de lui le co-directeur de sa revue « Demain », une revue de psychiatrie mais aussi de culture, d’art. Avec la femme du docteur, Artaud a commencé à arpenter les expositions parisiennes en même temps qu’il commençait à rencontrer les gens importants du monde du théâtre, parce qu’il voulait aussi devenir comédien.  
Evelyne Grossman

Le mal de vivre

Dans ses premiers textes, Artaud décrit l’impression violente qu’il appelle une décorporisation de la réalité, l’impression de ne pas avoir de corps, de ne pas être en vie, citant Rimbaud. C’est un mal profond qui a été diagnostiqué quand il avait 18/20 ans comme une neurasthénie comme on disait à l’époque, il a été réformé du service militaire et a pu échapper à la guerre de 14. Il avait un mal de vivre terrible qu’il a décrit avec une force extraordinaire et c’est là ce paradoxe qui fait dès le départ le caractère unique d’Antonin Artaud.  
Evelyne Grossman

Texte lu par Vincent Schmitt :

  • Lettre au docteur Ferdière du 12 juillet 1943 d'Antonin Artaud, dans Oeuvres aux éditions Gallimard collection Quarto

Sons diffusés :

  • Lettre aux médecins-chefs des asiles des fous, rédigée par Robert Desnos et Théodore Fraenkel, La Révolution surréaliste n°3, 1925, lue par Adèle Van Reeth
    et musique de DJ Spooky, Nuuk Posse Poesi, mixe avec Antonin Artaud
  • Lettre à Jacques Rivière sur la folie et l'écriture, lue par Jean-Luc Moreau dans Les Samedis de France Culture, 1975
  • Lecture Antonin Artaud sur les psychiatres et la magie noire dans Les Samedis de France Culture, 1988
  • Lecture Antonin Artaud sur la santé et la maladie dans Les Samedis de France Culture, 1988
  • Archive de Salvador Dalí sur la méthode paranoïaque critique, dans Je suis fou de Dali, 1975
  • Musique de John Cage, Les saisons
  • Chanson de Babx, Antonin Artaud

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