Bac philo 2016, 1ère session (1/4) : Dissertation : La liberté est-elle dépendante de la sécurité ?

Bac philo 2016, 1ère session (1/4) : Dissertation : La liberté est-elle dépendante de la sécurité ?
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Clémentine Woille et Géraldine Mosna-Savoye
Clémentine Woille et Géraldine Mosna-Savoye
© Radio France

Retrouvez nos Tutos philo ! Les invités des Nouveaux chemins se rappellent de leur premier contact avec la Philosophie et vous prodiguent leurs conseils pour bien réussir au bac.

INTRODUCTION

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Contexte d’émergence du sujet

  • Actualité du sujet : état d’urgence prolongé par l’Etat français afin de protéger les citoyens pour assurer leur sécurité, les flux migratoires vers l’Europe dû à l’insécurité des pays en guerre génère une rencontre (collective et individuelle) avec la différ_a_ nce de l’étranger
  • Paradoxe historique : l’état d’urgence a servi par le passé à basculer la démocratie au régime totalitaire
  • Paradoxe conceptuel (phénoménologique): la peur semble instrumentalisée pour le bien de tous et de chacun.Définition des termes

La définition de la liberté de Hobbes (1588-1679) extrait du *Léviathan, II, 21 * (1651) : « Le mot liberté désigne proprement l’absence d’opposition (par opposition, j’entends les obstacles extérieurs au mouvement), et peut être appliqué aux créatures sans raison ou inanimées aussi bien qu’aux créatures raisonnables. […] D’après le sens propre (et généralement admis) du mot, un homme libre est celui qui, s’agissant de choses que sa force ou son intelligence lui permettent de faire, n’est pas empêché de faire celles qu’il a la volonté de faire ».

La liberté est une capacité à atteindre notre puissance d’être ou d’action, sans pour autant en être prisonnier ou pré-déterminé être libre, c’est accomplir ce que notre désir nous suggère, et non ce que l’on nous impose.

Sécurité : du latin securitas absence de souci ou de danger, tranquillité d’esprit « état d’esprit confiant et tranquille qui résulte du sentiment, bien ou mal fondé, que l’on est à l’abri de tout danger » TLF.

Le danger est de facto une contrainte qui limite notre liberté. La sécurité rejoint la peur intrinsèque de la mort, car c’est la menace à notre intégrité physique ou psychique qui constitue la véritable insécurité. Or, la sécurité ne dépend-t-elle pas également du bon vouloir de tout à chacun ? Sommes-nous à la merci de l’Autre et de la société ?

A propos de la terminologie de la question, il convient de souligner que tant la sécurité que la liberté relèvent d’un état de conscience de l’individu : c’est la raison qui relie ces concepts. Il s’agira donc à travers cette dissertation de saisir l’extériorité métaphysique contingente à ces 2 thématiques.

Etablissement des perspectives et problématisation

La liberté, tout comme la sécurité, sont subjectives (phénoménologiques) mais règnent de par leur universalité (objectivité) : la dépendance de la liberté envers la sécurité sous-entend que la sécurité garantit la liberté pour autant, leurs garanties sont établies par un état souverain (de préférence démocratique), la sécurité demeure l’affaire de tous et de chacun. La liberté assure la sécurité, à moins que cela ne soit la sécurité qui assure la liberté ? Et d’ailleurs, qui incarne l’insécurité faisant ainsi entrave à ma liberté ? C’est l’Autre l’Autre étranger qui surgit dans mon monde créant un sentiment d’insécurité. Qu’en est-il de la liberté ? L’Autre peut-il me rendre libre ? L’éthique tient une place prédominante dans ce sujet, pourquoi ? En quoi liberté et sécurité relient-elles les hommes entre eux ?

PLAN

Il sera question au fil de cette dissertation de dénouer sécurité et liberté, voire de les renouer afin d’étudier la teneur philosophique de leur association, ou de leur opposition. Cette dissertation sera traitée en 3 temps : dans un 1er temps, la philosophie d’Emmanuel Lévinas permettra d’aborder les enjeux de l’insécurité de la rencontre avec l’altérité ; dans un 2nd temps, la liberté et la sécurité seront étudiées à travers la philosophie de Spinoza ; enfin dans un 3ème temps, liberté et sécurité se confronteront à la réalité du monde avec Hannah Arendt.

1ère partie : Lévinas ou le glissement de l’insécurité à la liberté

1.1. La rencontre : la confrontation avec l’étrange altérité

L’épiphanie du visage : l’apparition de l’Autre est avant tout visuelle ; à la vue du visage, le soi est interpellé, prié, sollicité : c’est un événement La violence « Le visage, encore chose parmi les choses, perce la forme qui cependant le délimite. Ce qui veut dire concrètement : le visage me parle et par là m'invite à une relation sans commune mesure avec un pouvoir qui s'exerce, fût-il jouissance ou connaissance. Et cependant cette nouvelle dimension s'ouvre dans l'apparence sensible du visage. L'ouverture permanente des contours de sa forme dans l'expression emprisonne dans une caricature cette ouverture qui fait éclater la forme. Le visage à la limite de la sainteté et de la caricature s'offre donc encore dans un sens à des pouvoirs. Dans un sens seulement : la profondeur qui s'ouvre dans cette sensibilité modifie la nature même du pouvoir qui ne peut dès lors plus prendre, mais peut tuer. Le meurtre vise encore une donnée sensible et cependant il se trouve devant une donnée dont l'être ne saurait pas se suspendre par une appropriation. Il se trouve devant une donnée absolument neutralisable. La « négation » effectuée par l'appropriation et l'usage restait toujours partielle. La prise qui conteste l'indépendance de la chose la conserve « pour moi ». Ni la destruction des choses, ni la chasse, ni l'extermination des vivants ne visent le visage qui n'est pas du monde. Elles relèvent encore du travail, ont une finalité et répondent à un besoin. Le meurtre seul prétend à la négation totale. La négation du travail et de l'usage, comme la négation de la représentation effectuent une prise ou une compréhension, reposent sur l'affirmation ou la visent, peuvent. Tuer n'est pas dominer mais anéantir, renoncer absolument à la compréhension. Le meurtre exerce un pouvoir sur ce qui échappe au pouvoir. Encore pouvoir, car le visage s'exprime dans le sensible; mais déjà impuissance, parce que le visage déchire le sensible. L'altérité qui s'exprime dans le visage fournit l'unique « matière » possible à la négation totale. Je ne peux vouloir tuer qu'un étant absolument indépendant, celui qui dépasse infiniment mes pouvoirs et qui par-là ne s'y oppose pas, mais paralyse le pouvoir même de pouvoir. Autrui est le seul être que je peux vouloir tuer. »

Totalité et Infini , Emmanuel Lévinas p. 215-216

1.2. L’agir éthique : une voie vers la liberté

La responsabilité La sécurité « Mais l’Étranger veut dire aussi le libre. Sur lui je ne peux pouvoir. Il échappe à ma prise par un côté essentiel, même si je dispose de lui. Il n’est pas tout entier dans mon lieu. Mais moi qui n’ai pas avec l’Étranger de concept commun, je suis comme lui, sans genre. Nous sommes le Même et l’Autre. La conjonction et n’indique ici ni addition, ni pouvoir d’un terme sur l’autre. »

Totalité et Infini , Emmanuel Lévinas, p.28

Liberté et extériorité « L'irrationnel de la liberté ne tient pas à ses limites, mais à l'infini de son arbitraire. La liberté doit se justifier. Réduite à elle-même, elle s'accomplit, non pas dans la souveraineté, mais dans l'arbitraire. L'être qu'elle doit exprimer dans sa plénitude, apparaît précisément à travers elle et non pas à cause de sa limitation comme n'ayant pas sa raison en lui-même. La liberté ne se justifie pas par la liberté. Rendre raison de l'être ou être en vérité, ce n'est pas comprendre ni se saisir de…, mais au contraire rencontrer autrui sans allergie, c'est-à-dire dans la justice. Aborder Autrui, c'est mettre en question ma liberté, ma spontanéité de vivant, mon emprise sur les choses, cette liberté de la « force qui va », cette impétuosité de courant et à laquelle tout est permis, même le meurtre. Le « Tu ne commettras pas de meurtre » qui dessine le visage où Autrui se produit, soumet ma liberté au jugement ». […]

Totalité et Infini , Emmanuel Lévinas, p. 339

*2ème partie : Spinoza ou l’affranchissement par la raison *

2.1. Le renversement possible

La sécurité réside d’une certaine façon dans cet abord du conatus Glissement du bien/mal vers bon/mauvais : ainsi, le bon, celui qui s’efforce d’organiser des rencontres, de s’unir avec ce qui convient à sa nature, et ainsi d’augmenter sa puissance le mauvais, celui qui vit au hasard des rencontres et d’en subir les effets L’éthique correspond à une typologie des modes d’existence immanents, alors que la morale rapporte l’existence à des valeurs transcendantales. La morale sous-entend un système de jugements, entre autre celui de Dieu l’éthique renverse ce système (cf. conscience). Or derrière toute loi, il y a la morale. La loi impose une instance morale transcendantale qui détermine l’opposition des valeurs tandis que la connaissance nourrit la puissance immanente distinguant la différence qualitative des modes d’existence. C’est exactement à cette jonction que liberté et sécurité dans la philosophie spinozienne se rencontrent : la sécurité est une valeur qui nous est imposée par la morale. Pour autant, refuser la morale ne signifie pas pour autant refuser d’obéir (texte pièce jointe).

La nature de la liberté

2.2. De la tristesse à la joie : de l’insécurité à la liberté

L’existence heureuse Une existence servile est triste pour Spinoza, nourrir l’insécurité dans sa coexistence au monde signifierait nourrir la dualité du monde dénoncée: faute/mépris, péché/ rachat etc. Il dénonce une trinité moraliste : esclave, prêtre, tyran. Etre libre pour Spinoza, c’est être affranchi du système des passions ; la liberté nourrit la joie et la puissance d’agir du sujet. L’insécurité serait donc une passion à combattre.

« Le grand secret du régime monarchique et son intérêt profond consistent à tromper les hommes, en travestissant du nom de religion la crainte dont on veut les tenir en bride de sorte qu’ils combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut »

TTP (préface), Spinoza

L’individu et l’Etat

*3ème partie : Arendt ou l’affranchissement par la raison *

La crise de la culture , chapitre « Qu’est-ce que la liberté ? » Hannah Arendt

  • Contexte de rupture, de crise, de remise en cause de l’autorité :
  • La crise : c’est-à-dire repenser véritablement dans notre présent la liberté et la sécurité

3.1. Liberté intérieure / liberté politique

Liberté créatrice d’un nouveau paradigmeLiberté et agir : la sécurité comme limite à la liberté 3.2. L’incarnation politique

La violence et le totalitarisme (cf. l’image de l’oignon)La vérité

CONCLUSION

Rassembler les points abordés au fil de la dissertation

  • L’éthique comme fil conducteur de l’agir de l’homme
  • L’altérité
  • La liberté subjective mais plurielle
  • La sécurité : fil conducteur entre le présent et le futurRépondre à la problématique énoncée en début de dissertation

Le cheminement

Répondre (un tant soit peu J ) au sujet de dissertation lui-même

« La liberté est-elle dépendante de la sécurité ? »

Les élèves du Lycée Louis Pasteur
Les élèves du Lycée Louis Pasteur
© Radio France

LECTURES :

*Spinoza, * Traité théologico-politique *, * 1670, chapitre XVI, (Garnier-Flammarion, 1965), p 267-268

*Hannah Arendt, * La Crise de la culture , 1954, chapitre « Qu’est-ce que la liberté ? », (Gallimard, 1972), p. 192-194

EXTRAIT :

Bernard Cazeneuve :discours à l’Assemblée nationale le 24 novembre_*. *_ Source : La Chaîne Parlementaire (LCP)

Fahrenheit 451 , film de François Truffaut (1966)

Archive Levinas « Les Chemins de la connaissance , » 11 mars 1983

Django unchained *, * Film de Quentin Tarantino (2014)

  • Poème Liberté de Paul Eluard

REFERENCE MUSICALE :

*Blind Blake and Royal victoria hotel calypsos, * Better be safe than sorry

Par Géraldine Mosna-Savoye

Réalisation: Nicolas Berger

Prise de son: Jean-Pierre Zing et Alex James

Lectures: Olivier Martinaud

L'équipe