"Ce qui ne me tue pas me rend plus fort" : épisode 7/4 du podcast Quatre malentendus nietzschéens

Friedrich Wilhelm Nietzsche, aux alentours de 1890
Friedrich Wilhelm Nietzsche, aux alentours de 1890 ©Getty - Hulton Archive
Friedrich Wilhelm Nietzsche, aux alentours de 1890 ©Getty - Hulton Archive
Friedrich Wilhelm Nietzsche, aux alentours de 1890 ©Getty - Hulton Archive
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Dans "Crépuscule des Idoles", en 1888, Nietzsche écrit : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Le philosophe, malade depuis l’adolescence, pense le corps-esprit sans dualisme... De son rapport au corps, quelle philosophie propose-t-il ? Faut-il souffrir pour bien vivre ?

Avec
  • Emmanuel Salanskis maître de conférences à l’Université de Strasbourg, ancien élève de l’École Normale Supérieure de Paris et agrégé de philosophie

Première diffusion de cette émission le 11/09/2019, et première diffusion du Journal de la philo de Géraldine Mosna-Savoye, en fin d'émission, le 29/01/2020, à réécouter ici :

En savoir plus : Qui est le collectif ?
Le Journal de la philo
5 min

Nietzsche occupe une position à part dans l'histoire de la philosophie, en raison de la place qu’il accorde au corps, soumettant l’idée que la science philosophique par excellence serait la physiologie. Comment pense-t-il la blessure ? Serait-elle, non un mal en soi mais une épreuve qui conduit à se surpasser ? Qu'est-ce que "la volonté de puissance", théorisée dans Ainsi parlait Zarathoustra en 1883 ?

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L'invité du jour :

Emmanuel Salanskis, maître de conférences à l’Université de Strasbourg, ancien élève de l’École Normale Supérieure de Paris et agrégé de philosophie

"Ce qui ne me tue pas me rend plus fort", un éloge des survivants ?

La survie n’est pas la notion la plus importante dans cette formule, Nietzsche est un penseur de la volonté de puissance, une hypothèse introduite dans "Ainsi parlait Zarathoustra" puis généralisée dans "Par-delà le bien et le mal". Une des implications de cette hypothèse est que les forces tendent toujours à s’intensifier et pas simplement à se conserver, la logique de conservation de soi est toujours une exception provisoire à celle de l’intensification… Cette exception existe, certains organismes se retrouvent à devoir lutter pour leur survie, mais aux yeux de Nietzsche, c’est exceptionnel, et c’est une des critiques qu’il adresse à Darwin.          
Emmanuel Salanskis

Penser la maladie

Dans "Ecce Homo", Nietzsche a toute une stratégie d’auto-présentation, un discours philosophique calculé qui a aussi des visées culturelles, et cette stratégie d’auto-présentation vise à se montrer lui-même comme ayant conservé sa sûreté d’instinct, c’est quelque chose qui distingue Nietzsche… Tous les malades ne sont pas équivalents : il y a les malades qui ont gardé une sûreté d’instinct et qui donc instinctivement vont chercher ce qui va leur être bénéfique, et Nietzsche prétend s’être soigné lui-même dans "Ecce Homo", et d’un autre côté il y a un autre malade, décadent, et c’est aussi une part importante du discours de Nietzsche, le décadent à l’inverse c’est celui qui va chercher les remèdes qui aggrave le mail, qui se complaît dans la maladie.          
Emmanuel Salanskis

Nietzsche, penseur de l'innocence du devenir

Sous une formule qui semble s’adresser à tout un chacun, "Ce qui ne me tue pas me rend plus fort", il ne faut jamais oublier qu’il y a l’aristocratisme de Nietzsche qui est sous-jacent, et qui implique qu’en fait tous les individus ne vont pas ressortir renforcés par les épreuves qu’ils vont rencontrer, toutes les adversités ne vont pas être profitables, chez Nietzsche, l’adversité peut aussi écraser.          
Chez Nietzsche, il n’y a pas de responsabilité individuelle vis-à-vis de ses instincts, de son destin… Nietzsche est un penseur de l’innocence du devenir, il cherche à récuser la doctrine du libre-arbitre, donc il n’y a pas de liberté personnelle qui s’exercerait.          
Emmanuel Salanskis

Textes lus par Vincent Schmitt :

  • Extrait de Essais de philosophie américaine, de Ralph Waldo Emerson, 1851, traduction Emile Montegu et Emmanuel Salanskis, éditions Charpentier (avec une musique de Aufgang, Stroke)
  • Extrait de Ainsi parlait Zarathoustra, de Nietzsche, 1883, traduction Geneviève Bianquis, dans les Oeuvres complètes, éditions Flammarion GF
  • Extrait de Le Lambeau, de Philippe Lançon, 2018, éditions Gallimard (avec une musique de Liszt, Nuages gris)

Sons diffusés :

  • Chanson de début d'émission : Destiny's Child, Survivor
  • Extrait du film Le Grand bain, de Gilles Lelouche, avec Philippe Catherine, 2018

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