

Au IIème siècle après J.-C., l'empereur romain Marc Aurèle se questionne sur la mort. Est-il seulement possible de considérer que la mort n'est pas un mal ? Que rechercher la gloire est une entreprise vaine ? Ou encore que la durée de la vie n'a aucune importance pour le sage ?
- Jean-Baptiste Gourinat Directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre Léon Robin, philosophe spécialiste du stoïcisme antique
L'invité du jour :
Jean-Baptiste Gourinat, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre Léon Robin (Centre de recherches sur la pensée antique)
La philosophie est un apprentissage de la mort
On ne peut pas dire que Marc Aurèle était obsédé par la mort, mais c’est vrai que la mort est omniprésente dans une grande partie de ses « Pensées ». Pour l’expliquer il faut dire qu’elles ont probablement été écrites en grande partie pendant ses campagnes militaires. Il avait donc le sentiment de la mort imminente et il était entouré par la mort. Il y a aussi un deuxième aspect, qui est le sentiment du temps qui passe, du vieillissement. Cela correspond aussi à une idée très répandue chez les philosophes, dont on trouve déjà la formulation chez Platon, que la philosophie est un apprentissage de la mort, c’est une manière de se préparer à la mort. C’est particulièrement important dans les philosophies hellénistiques, car ce sont des philosophies qui ont une conception matérielle de l’âme. Elles ne pensent pas que l’âme est une entité incorporelle qui va survivre, mais au contraire pensent que l’âme va disparaître avec le corps. C’est toute une réflexion qui s’établie en essayant de ramener la mort à sa réalité physique. Jean-Baptiste Gourinat
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L'utilité de la mort
Pour Marc Aurèle, la mort ce n’est pas ce qui supprime tout sens à la vie. Au contraire je dirais, puisque la grande idée c’est que nous allons retourner à ce que nous sommes, c’est-à-dire une matière, qui est une partie de l’univers. Et que ce qui reste c’est l’univers, et c’est lui qui a véritablement un sens plutôt que nos propres existences. Pour Marc Aurèle, il faut faire abstraction de tout ce qu’on imagine autour de la mort. Il faut alors ramener la mort à sa réalité physique. Et l’idée que la mort est utile est à prendre justement dans cette perspective d’une réalité purement physique. C’est-à-dire que nous serions dans un univers où tout se recycle finalement. Il y a donc un grand cycle de la vie, et la mort est utile parce que tout ce qui va disparaître dans la mort va être recycle et pourra réapparaître. L’idée d’une utilité c’est un peu l’idée qu’on ne peut pas avoir d’expansion à l’infini. C’est une perspective tout sauf individualiste, très cosmique. Car au lieu de se placer de notre point de vu, il faut se placer du point de vu de la nature. Jean-Baptiste Gourinat
Sons diffusés :
- Extrait du film Hannah et ses soeurs, de Woody Allen, 1986
- Chanson de Iggy Pop et Goran Bregovic, In The Death Car
- Musique de Busoni, Berceuse élégiaque pour orchestre, op 42
- Archive de Pierre Hadot sur la préparation de la mort, Répliques, France Culture, 1993
- Extrait du film Adieu Berthe, de Bruno Podalydès, 2012
- Chanson de Stephan Eicher, Manteau de gloire
Textes lus par Jacques Gamblin :
- Extrait des Pensées pour moi-même de Marc Aurèle, Livre II, paragraphe 12, éditions Gallimard collection Tel, traduction Emile Bréhier
- Extrait des Pensées pour moi-même de Marc Aurèle, Livre II, paragraphe 17, éditions Gallimard collection Tel, traduction Emile Bréhier
- Extrait des Pensées pour moi-même de Marc Aurèle, Livre III, paragraphe 10, Livre IV, paragraphe 47, Livre IV, paragraphe 50, éditions Gallimard collection Tel, traduction Emile Bréhier
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