De "La ferme des animaux" à "1984" : les dystopies au présent : épisode 3/4 du podcast George Orwell, what else ?

Big Brother
Big Brother - Sstrobeck23
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Comment se fait-il qu'un auteur comme George Orwell, qui est un grand critique des sociétés totalitaires inspirées du nazisme et du régime soviétique, nous paraisse si contemporain et actuel ?

Avec

De La Ferme des Animaux à aujourd'hui, en passant bien entendu par son célèbre roman 1984, le problème est de comprendre comment le pouvoir centralisé, extérieur et transcendant des anciens régimes totalitaires est devenu un "Little Brother", un pouvoir illimité de contrôle de tous par tous. En compagnie de Raphaël Enthoven.

"1984" est un livre, qui, reprenant tous les classiques du totalitarisme le plus évident fulmine contre l'opacité de l’État, donc on pourrait penser que la transparence est un gain de liberté. Or ce qu'on apprend avec "Little Brother" et ces dispositifs c'est que la transparence n'est pas un gain de liberté, mais au contraire un gain de contraintes. L'idole de la transparence est en réalité une idole qui nous met les uns sous le regard d'autrui, on n'est plus sous le regard d'un autre, on est sous le regard des autres, sous le regard infini. Raphaël Enthoven

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Le texte du jour

"Dans la cabine d’en face, le camarade Tillotson, ramassé sur son phonoscript, y déversait encore des secrets. Il leva un moment la tête. Même éclair hostile des lunettes. Winston se demanda si le camarade Tillotson faisait en ce moment le même travail que lui. C’était parfaitement plausible. Un travail si délicat n’aurait pu être confié à une seule personne. D’autre part, le confier à un comité eût été admettre ouvertement qu’il s’agissait d’une falsification. Il y avait très probablement, en cet instant, une douzaine d’individus qui rivalisaient dans la fabrication de versions sur ce qu’avait réellement dit Big Brother. Quelque cerveau directeur du Parti intérieur sélectionnerait ensuite une version ou une autre, la ferait rééditer et mettrait en mouvement le complexe processus de contre-corrections et d’antéréférences qu’entraînerait ce choix. Le mensonge choisi passerait ensuite aux archives et deviendrait vérité permanente. […]

Winston regarda une fois encore son rival de la cabine d’en face. Quelque chose lui disait que certainement Tillotson était occupé à la même besogne que lui. Il n’y avait aucun moyen de savoir qu’elle rédaction serait finalement adoptée, mais il avait la conviction profonde que ce serait la sienne. Le camarade Ogilvy, inexistant une heure plus tôt, était maintenant une réalité. Une étrange idée frappa Winston. On pouvait créer des morts, mais il était impossible de créer des vivants. Le camarade Ogilvy, qui n’avait jamais existé dans le présent, existait maintenant dans le passé, et quand la falsification serait oubliée, son existence aurait autant d’authenticité, autant d’évidence que celle de Charlemagne ou de Jules César."

George Orwell, 1984, chapitre 4 de la partie I (publié en 1949), Gallimard trad. Amélie Audiberti (1983)

Lectures

- George Orwell, 1984, chapitre 4 de la partie I (publié en 1949), Gallimard trad. Amélie Audiberti (1983), p.60 et 63.

- George Orwell, La Ferme des Animaux (1945), Chapitre 9, Folio trad. Par Jean Quéval (1983) (p.120.121).

- George Orwell, 1984, chapitre 4 de la partie I (publié en 1949), Gallimard trad. Amélie Audiberti (1983)

Extraits

- 1984, film de Michael Radford (1984)

- Black Mirror, saison 3, épisode 3 (2016)

Références musicales

- Bowie, 1984

- Encre, Plexus

Géraldine Mosna-savoye, Raphaël Enthoven et Adèle Van Reeth
Géraldine Mosna-savoye, Raphaël Enthoven et Adèle Van Reeth
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