

“Que me manquait-il donc pour être heureux ; je l’ignore ; mais je sais que je ne l’étais pas.”
- Michèle Crogiez Professeure ordinaire de littérature française à l’Université de Berne
Dans la huitième rêverie, Rousseau est rattrapé par sa paranoïa. Il recommence à voir le complot s'organiser partout autour de lui et ne peut s’empêcher de penser que tous les autres lui veulent du mal. Il se demande s’il arrivera un jour à se débarrasser de cette obsession et à vivre en paix avec eux. Comment retrouver foi en l’humanité après cela ? Rousseau pense pouvoir y parvenir en se faisant confiance à lui-même, en n’attendant plus rien de la part des autres. La neuvième rêverie est le moment d’une réconciliation avec le monde : goûter à nouveau au plaisir de voir les autres. Il n’y a que la joie de voir des enfants heureux qui puisse encore consoler Rousseau de ses malheurs. Les enfants et le souvenir de Mme de Warens, avec qui il vécut de 1736 à 1740. Ce fut le seul moment heureux dans sa vie, dit-il, même s’il ne sut l’apprécier sur le moment. Le bonheur n'est-il donc pas fait pour durer ?
Le texte du jour
Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait ici-bas pour l’homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d’y prendre une forme constante. Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes et nul ne peut s’assurer qu’il aimera demain ce qu’il aime aujourd’hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie sont des chimères. Profitons du contentement d’esprit quand il vient ; gardons-nous de l’éloigner par notre faute, mais ne faisons pas des projets pour l’enchaîner, car ces projets-là sont de pures folies. J’ai peu vu d’hommes heureux, peut-être point ; mais j’ai souvent vu des cœurs contents, et de tous les objets qui m’ont frappé c’est celui qui m’a le plus contenté moi-même. Je crois que c’est une suite naturelle du pouvoir des sensations sur mes sentiments internes. Le bonheur n’a point d’enseigne extérieure ; pour le connaître il faudrait lire dans le cœur de l’homme heureux ; mais le contentement se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l’accent, dans la démarche et semble se communiquer à celui qui l’aperçoit. Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête, et tous les cœurs s’épanouir aux rayons expansifs du plaisir qui passe rapidement, mais vivement, à travers les nuages de la vie ?
Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, Neuvième promenade, 1782
Extraits
Archive : Jacques Tati « Les Grandes Heures : Un comique de Vocation », Jacques Tati au micro de Claude-Jean Philippe
Archive : Jean Starobinski : Un homme, une ville, 15/08/1978
Références musicales
Jacques Tati ,Play time : « L'opéra des jours heureux",
Edicson Ruiz, Figment III - pour contrebasse",
Mahalia Jackson, I_’m going ti live the life I song_
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