

Qu’est-ce que Keith Jarrett a fait au jazz ? Quel sens cherche-t-il à travers l'improvisation ? Sa musique serait-elle d'abord... spirituelle ?
- Raphaël Imbert Saxophoniste, compositeur, arrangeur jazz (1974)
En octobre dernier, le pianiste américain Keith Jarrett annonçait dans le New York Times la fin de ses concerts, suite à deux AVC qui l'ont profondément marqué physiquement : "je ne me sens plus pianiste" a-t-il alors dit.
Cette nouvelle a été relayée dans le monde entier...
Portrait musical et philosophique de ce génie du jazz qui a profondément marqué l'histoire.
L'invité du jour :
Raphaël Imbert, directeur du conservatoire Pierre Barbizet de Marseille, musicien jazzman, chercheur, et membre de la compagnie Nine Spirit
Le jazz, le vecteur pour transmettre l’intransmissible
Dans "Restoration Ruin", en 69, Keith Jarrett avait un projet folk où il chantait, écrivait les paroles, mais dire les mots et les chanter ne lui suffisait pas, c’est la musique qui peut transmettre ce qui n’est pas transmissible. L’idée de la mystique c’est ça : comment peut-on raconter ce qui n’est pas racontable ? Dans les années 70, les jazzmezn s’identifient énormément, en particulier Jarrett, aux traditions mystiques où la poésie et la musique sont les seuls moyens, les seuls vecteurs, pour transmettre l’intransmissible : la rencontre avec dieu.
Raphaël Imbert
Le jazz et ses paradoxes
Dès les années 20 en France, les surréalistes aiment le jazz parce qu’il représente une musique qui vient bousculer l’ordre bourgeois, quand ces intellectuels se retrouvent face aux jazzmen, comme Duke Ellington ou Luis Armstrong, ils sont face à des artistes au sens plein du terme. Après la Seconde Guerre mondiale il y a eu le même phénomène : on connaît cette relation de l’existentialisme avec le jazz, on veut le voir comme une musique de la libération, notamment sexuelle, ce qu’il est, mais en même temps c’est la musique du paradoxe, parce que le jazz est aussi une musique du sacré.
Raphaël Imbert
Le jazz et le corps, un rapport sacré
Le rapport du jazz au sacré est un rapport corporel, la réconciliation de l’âme, du corps et de l’esprit, ce qui, dans la culture occidentale, était quelque chose qui avait été quelque peu séparé. Chez Jarrett ça prend une dimension qu’on pourrait nommer de "transe", mais c’est un vrai problème pour le musicien : un musicien qui rentre en transe c’est un musicien qui ne peut plus jouer concrètement… malgré tout, il faut lâcher prise, l’improvisateur doit le faire pour retrouver un peu de cet état, un peu de cette liberté qu’il recherche.
Raphaël Imbert
Textes lus par Denis Podalydès :
- Extrait du livret de Spirits, de Keith Jarrett, 1986, cité par Jean-Pierre Jackson dans Keith Jarrett aux éditions Actes Sud
- Extrait du Langage des oiseaux, de Farîd-ud-Dîn Attar, XII-XIIIe siècle, aux éditions Albin Michel, traduit du persan par Garcin de Tassy
Sons diffusés :
- Extrait de L'objet singulier de Clément Rosset, lu par Adèle van Reeth
- Extrait de God bless the child, du Keith Jarrett trio, live à Tokyo, 1985 (Keith Jarrett au piano, Gary Peacock à la contrebasse, Jack Dejohnette à la batterie)
- Extrait de The moth and the flame, part. I, de Keith Jarrett, dans l'album Invocations/The Moth and the Flame, ECM, 1981
- Extrait de Spirits 5, de Keith Jarrett, dans l'album Spirits, ECM, 1985
- Extrait de Sivad, Keith Jarrett dans le groupe de Miles Davis, dans l'album Live/Evil, Columbia, 1970
- Extrait du The Köln Concert, de Keith Jarrett, Partie IIc, Memories of tomorrow, ECM, 1975
- Archive d'Édouard Glissant dans Tropismes avec Laure Adler, France O, juin 2007
- Chanson de fin : Billie Holliday, God bless the child
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