Hervé Guibert, fou de Vincent : épisode 3/4 du podcast Pornographie

Hervé Guibert en septembre 1988
Hervé Guibert en septembre 1988 ©Getty - Ulf Andersen
Hervé Guibert en septembre 1988 ©Getty - Ulf Andersen
Hervé Guibert en septembre 1988 ©Getty - Ulf Andersen
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En 1989, l'écrivain Hervé Guibert publie « Fou de Vincent », qui raconte la relation érotique et obsessionnelle avec Vincent, qu'il nomme « l’enfant » et qu'il réduit souvent à son sexe. Mais qui était-il vraiment : une passion ? Un amour ? Une obsession érotique ? Ou l'une de ses inventions ?

Avec

En 1989, la publication de Fou de Vincent d'Hervé Guibert fait scandale : pour l'époque, le texte est provocateur, il évoque une relation homosexuelle d'une part, et qui oscille avec la pédophilie d'autre part, Vincent étant alternativement présenté comme un jeune homme et comme un garçon... Son âge n'est jamais donné.
Mais ce qui dérange également en 1989 est l'écriture érotique d'Hervé Guibert qui joue sur l'obscénité décrite de façon très naturelle : il nous invite dans son monde intime, Guibert donnant forme et figure dans son oeuvre à l’inframonde des pulsions dont l’érotique est l’une parmi d’autres.

Les Nuits de France Culture
20 min

L'invité du jour :

Bruno Blanckeman, professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, auteur des Récits indécidables : Jean Echenoz, Hervé Guibert, Pascal Quignard, aux éditions Presses universitaires du Septentrion.

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Hervé Guibert et Vincent, une relation cannibale

« Fou de Vincent » présente une description très érotique mais dépassée par ce qui passe par le corps mais qui lui échappe dans la relation à l’autre. Dans le livre il y a ce premier registre de la gourmandise, de l’appétit, de la dévoration… C’est une relation un peu cannibale : qui va manger qui dans tout cela ? Il y a aussi en alternance le registre de l’adoration, la description d'un couple au lien passionnel échappant à la volonté de l’un et de l’autre et qui relève véritablement d’un absolu. Guibert emploie une belle expression à cet égard, il parle d’une sueur d’absolu…    
Bruno Blanckeman

Les années 80, les années sida

Dans le milieu des années 80 on vit dans une espèce de syndrome du sida, c’est l’époque où des hommes politiques de premier plan parlent alors de « sidatoriums » à construire pour parquer ces dangereux parias…  
Il y a des artistes et des écrivains qui sont parmi les premiers médiateurs, révélateurs, de ce qu’est cette pandémie, la douleur des malades et de ce qu’est l’inconnu pathologique en termes sociaux… Hervé Guibert, atteint de cette maladie, témoigne de l’intérieur.  
Bruno Blanckeman

Hervé Guibert et l'autofiction

Hervé Guibert est un homme qui jouit de sa propre souffrance et l’écriture est le résultat avant tout de cette jouissance. Par endroits, il y a une jubilation narcissique inversée : plus il se met en scène en train de souffrir plus il jouit en tant qu’écrivain et nous fait jouir en tant que lecteur. C’est un écrivain pervers comme l’était Rousseau par exemple avant lui : d’une part il nous manipule là où ça ne nous fait pas plaisir et il est toujours dans le trouble concernant le sens même à attribuer à l’expression de la mise en scène de sa jouissance ou de sa détresse.  
Il n’écrit jamais dans les clous et contribue à inventer cette pratique qui à l’époque était hors norme : l’autofiction.  
Bruno Blanckeman

Lectures d'Ivan Morane :

  1. Deux extraits de Fou de Vincent d'Hervé Guibert, aux éditions de Minuit, 1989, page 75-76 puis page 81
  2. Extrait de Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes_,_ éditions du Seuil, 1977

Sons diffusés :

  • Archive de Roland Barthes en 1977 sur France Culture, sur l'importance de la forme brève, suivie d'une musique de Woo, Amala's Love
  • Extrait de À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie d'Hervé Guibert, éditions Gallimard, 1990
    sur une musique de Julien Marchal, Insight XXV
  • Extrait du documentaire La pudeur ou l'impudeur réalisé par Hervé Guibert en 1990-1991 dans la dernière année de sa vie
    suivi d'un extrait de Cytomégalovirus, journal d'hospitalisation d'Hervé Guibert, 1991
    suivi d'une musique de Max Richter, Disconnect
  • Archive sur le rapport de Guibert à ses personnages et à ses amis
  • Son de fin : Voix d'Hervé Guibert sur une chanson d'Etienne Daho et Françoise Hardy, Et si je m'en vais avant toi

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