Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres : épisode 2/3 du podcast Philosophie de l'aventure

"Navire" Illustration de la nouvelle "Au coeur des tenebres" de Joseph Conrad
"Navire" Illustration de la nouvelle "Au coeur des tenebres" de Joseph Conrad ©AFP - Alessandro Lonati/Leemage
"Navire" Illustration de la nouvelle "Au coeur des tenebres" de Joseph Conrad ©AFP - Alessandro Lonati/Leemage
"Navire" Illustration de la nouvelle "Au coeur des tenebres" de Joseph Conrad ©AFP - Alessandro Lonati/Leemage
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Comment l'aventure ramène-t-elle l'homme vers la sauvagerie ? Marlowe, l'anti-aventurier, nous emmène dans les profondeurs de l'humanité.

Avec

La remontée de ce fleuve, c’était comme une remontée aux commencements du monde, au temps où la végétation se déchaînait sur la terre, où les grands arbres étaient rois. Un fleuve vide, un vaste silence, une forêt impénétrable.

Des chasseurs d'ivoire, une nature hostile, et puis, au bout du voyage, "l'horreur, l'horreur"... Les derniers mots d'un roman pétrifiant, écrit par Joseph Conrad en 1899. Le Voyage au cœur des ténèbres raconte la remontée de Marlowe du fleuve Congo à la recherche d'un trafiquant d'ivoire qui semble être retourné à l'état sauvage. Qu'est-il arrivé à Kurtz pour qu'il en vienne à perdre son humanité ? Comment l'aventure peut-elle tourner à la débâcle ?

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Le texte du jour

Il se trouve que, quand j’étais gamin, j’avais une vraie passion pour les cartes géographiques. Je passais des heures à contempler l’Amérique du Sud, ou l’Afrique, ou l’Australie, et à m’absorber dans toutes les splendeurs de l’exploration. A l’époque, il y avait beaucoup d’espaces vierges sur les planches des atlas, et lorsque j’en voyais un qui me paraissait spécialement séduisant sur une carte (mais tous ont cet air-là), je posais le doigt dessus, et disais « Quand je serai grand, j’irai là ». Le Pôle Nord était l’un de ces endroits, je m’en souviens. Eh bien, je n’y suis pas encore allé, et maintenant, je n’essaierai plus. Le charme s’est évanoui. D’autres lieux étaient éparpillés du côté de l’équateur, et à toutes sortes de latitudes sur toute la surface des deux hémisphères. Je suis allé dans certains d’entre eux, et… Allons, on ne va pas parler de ça. Mais il en restait un – le plus grand, le plus vierge, si je puis dire, après lequel je soupirais toujours. A ce moment-là, il est vrai, ce n’était plus un espace vierge. Depuis mon enfance, il s’était rempli de fleuves, de lacs, de noms. Il avait cessé d’être un espace vierge au délicieux mystère – une tache blanche sur laquelle un petit garçon pouvait bâtir de lumineux rêves de gloire. C’était devenu un lieu de ténèbres. Mais il y avait là un fleuve en particulier, un fleuve énorme, que l’on voyait sur la carte, tel un immense serpent délové, la tête dans la mer, le corps au repos s’incurvant longuement par une vaste contrée, et la queue perdue dans les profondeurs du continent. Et comme je regardais ce pays dans une vitrine, il me fascina comme un serpent fait d’un oiseau – d’un oiseau sans cervelle. (…) Le serpent m’avait lancé un charme.

Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, trad. Jean Deurbergue, Pléiade, p.635-636

Extrait

Apocalypse now, film de Francis Ford Coppola (1979)

Lectures

  • Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, trad. Jean Deurbergue, Pléiade, p.635-636
  • Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, trad. Jean Deurbergue, Pléiade, p.675-676
  • Joseph Conrad, Souvenirs personnels, Quelques réminiscences (1912),traduction d’Odette Lamolle, Editions Autrement, 2012, pp. 161-162

Références musicales

  • Colleen, November
  • Sanchez, Bad hombre
  • George Paczinsky Trio, Au cœur des ténèbres
  • Tarik O Regan, Heart of darkness, My name is Marlow

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