L’Histoire de la folie par Michel Foucault : épisode 1/4 du podcast Psychiatrie

Le docteur Philippe Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés, d'après une peinture de Tony Robert-Fleury ((1838 - 1911)
Le docteur Philippe Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés, d'après une peinture de Tony Robert-Fleury ((1838 - 1911) ©Getty - Stock Montage
Le docteur Philippe Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés, d'après une peinture de Tony Robert-Fleury ((1838 - 1911) ©Getty - Stock Montage
Le docteur Philippe Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés, d'après une peinture de Tony Robert-Fleury ((1838 - 1911) ©Getty - Stock Montage
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En 1961, Foucault soutient sa thèse intitulée "Histoire de la folie". Objet de nombreuses critiques, elle n'est pas tant une histoire de la psychiatrie que celle des pratiques adoptées du Moyen Âge à Freud. Qu'est-ce qui a rendu possible la constitution de la folie comme objet de connaissance ?

Avec
  • Luca Paltrinieri maître de conférences en philosophie politique, philosophie des sciences humaines et sociales à l’Université de Rennes 1

La psychiatrie, spécialité médicale traitant de la maladie mentale, vient du mot grec psyche, "âme ou esprit", et iatros qui signifie "médecin".
Avant le XIXème siècle, la médecine ne se préoccupait pas des maladies mentales, des "fous". À l'asile, le médecin n'était pas un savant mais celui qui faisait régner l'ordre.

En 1961, Michel Foucault (1926-1984) soutient sa thèse de philosophie sur l'histoire de la folie à l'âge classique. Ni histoire des idées, ni histoire des mentalités, Michel Foucault pose les jalons d'une histoire des expériences, des discours et des pratiques que l'Occident, concernant la folie, a adoptés jusqu'à Sigmund Freud (1856-1939), qui, le premier, a atténué la polarisation entre raison et déraison.

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La thèse centrale de son ouvrage souligne que la folie n'a pas toujours été perçue comme une connaissance du savoir médical, la psychiatrie naît à la faveur d'une expérience nouvelle de la folie, qui apparaît donc au XIXème siècle.

L'invité du jour :

Luca Paltrinieri, maître de conférences en philosophie politique, philosophie des sciences humaines et sociales à l’Université de Rennes 1
Auteur de L’expérience du concept : Michel Foucault entre une épistémologie et histoire aux éditions de la Sorbonne.

La Grande table idées
33 min

Fou, malade mental, distinguer l’un de l’autre         

Dans l’"Histoire de la folie", en 1961, Foucault parle précisément de la maladie mentale, une sorte de confiscation d’une expérience par ce qu’il appelle le pouvoir médical. Mais en quoi consiste le pouvoir médical ? Dans l’établissement d’une sorte d’objectivation du fou qui finalement conduit à une impossibilité de dialogue entre le normal et le fou. C’est peut-être exactement ce dialogue que Foucault cherche à décrire dans son "Histoire de la folie". Quel est le dialogue qu’il y a eu entre la normalité et la folie ? Entre la raison et la déraison ?            
Luca Paltrinieri

Qu'est-ce que l'expérience ?

Le projet d'"Histoire de la folie" c'est de décrire le développement historique de notre rapport à la folie à travers la notion de l'expérience, un ensemble de notions, d’institutions, de mesures juridiques et policières, tout cela rentre dans une expérience entendue comme perceptions du fou et ensuite du malade mental. Ce qui caractérise cette histoire de la folie à l’âge classique c’est que ce n’est pas du tout une histoire de la psychiatrie au sens qu’il ne s’agit pas de partir de théories médicales, de dispositifs institutionnels mais de partir d’une perception : comment on a perçu les fous au Moyen Âge, à la Renaissance, à l’époque moderne. C’est une histoire de nous-mêmes surtout parce que la folie n’est pas qu’un objet qui attend d’être découvert, la folie s’est construite à travers une structure d’exclusion, ce grand partage entre folie et raison.            
Luca Paltrinieri

La folie, une expérience tragique

Au Moyen Âge jusqu’à la Renaissance, la folie représente une expérience tragique, dit Foucault. Le fou continue de renvoyer à l’homme l’angoisse de la mort, il rappelle à l’homme une vérité de son être fini, il est plus proche de l’expérience quotidienne même si le fou est déjà interné ou envoyé sur des navires, éloigné des villes, on perçoit dans la folie une sorte de danger, une menace qui est celle de rappeler à l’homme sa propre finitude.            
Dans la folie il y a le risque d'une expérience qu'on peut tous faire : le délire, une perte de soi, un brouillage entre rêve et l’éveil, tout ce brouillage qu'apporte le fou représente pour l'homme de la Renaissance une menace continuelle qui est celle de la perte de soi, qui rappelle quelque part la mort.            
Luca Paltrinieri

Lectures de Vincent Schmitt :

  • L'expérience positive de la folie de l'âge classique, extrait de Histoire de la folie de l'âge classique de Michel Foucault, éditions Gallimard collection Tel
  • Le médecin à l'asile, extrait de Histoire de la folie de l'âge classique de Michel Foucault, éditions Gallimard collection Tel

Sons diffusés :

  • Archive de Michel Foucault sur le mot fou, entretien avec Jacques Chancel dans Radioscopie, France Inter, 1975
  • Archive de Michel Foucault sur l'asile, entretien avec Jacques Chancel dans Radioscopie, France Inter, 1975
  • Musique d'Anthony Girard, Eloge de la folie
  • Chanson de fin : Emmanuelle Seigner, Dingue

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