

Daniel Arasse, historien de l'art, consacrait au détail un livre resté classique : Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture.
- Jacqueline Lichtenstein Philosophe, professeur des Universités, Directrice de l'UFR de Philosophie-Sociologie à la Sorbonne et responsable de la spécialité Esthétique et philosophie de l'art
Dans un tableau, l’œil ne voit-il que ce qu'il sait ? Comment l'historien de l'art Daniel Arasse explore-t-il les détails qui, comme l'escargot dans L'Annonciation de Francesco del Cossa, rampe dans un coin du tableau ?
L’enthousiasme, l’humour, le ton malicieux de cet historien de l’art spécialiste de la Renaissance italienne, le distinguaient de ses confrères. C'est ce dont témoignent les proches de Daniel Arasse, ses amis, sa femme et aussi les auditeurs de France Culture.
Le texte du jour
La plupart des gens y voient par l’intellect bien plus souvent que par les yeux. Au lieu d’espaces colorés, ils prennent connaissance de concepts. Une forme cubique, blanchâtre, en hauteur, et trouée de reflets de vitres est immédiatement une maison, pour eux : la Maison ! Idée complexe, accord de qualités abstraites. S’ils se déplacent, le mouvement des files de fenêtres, la translation des surfaces qui défigure continûment leur sensation, leur échappe — car le concept ne change pas. Ils perçoivent plutôt selon un lexique que d’après leur rétine, ils approchent si mal les objets, ils connaissent si vaguement les plaisirs et les souffrances d’y voir, qu’ils ont inventé les beaux sites. Ils ignorent le reste. Mais là, ils se régalent d’un concept qui fourmille de mots. (…) Ces beaux sites eux-mêmes leur sont assez fermés. Et toutes les modulations que les petits pas, la lumière, l’appesantissement du regard ménagent, ne les atteignent pas. Ils ne font ni ne défont rien dans leurs sensations. Sachant horizontal le niveau des eaux tranquilles, ils méconnaissent que la mer est debout au fond de la vue ; si le bout d’un nez, un éclat d’épaule, deux doigts trempent au hasard dans un coup de lumière qui les isole, eux ne se font jamais à n’y voir qu’un bijou neuf, enrichissant leur vision. Ce bijou est un fragment d’une personne qui seule existe, leur est connue. Et, comme ils rejettent à rien ce qui manque d’une appellation, le nombre de leurs impressions se trouve strictement fini d’avance !
Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Pléiade, p.1253
Extraits
Bande à Part, film de Jean-Luc Godard, 1964
Archive Daniel Arasse : « Causeries » pour France Culture, 25 août 2003, réalisé par Jean-Claude Loiseau
Références musicales
De Fala, Seranata Andaluza
Offenbach, Duo des mouches
John Zorn, Muflah
Higelin, La mouche su ma bouche
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