

Allons-nous tout droit vers une catastrophe écologique ? Sur quels présupposés philosophiques reposent les discours catastrophistes ? Son objectif est-il de motiver la prise de conscience afin que justement la catastrophe n'arrive pas ?
- Hicham-Stéphane Afeissa philosophe
- Jean-Pierre Dupuy Philosophe.
Merci à Raoul Fladoc (@raoulfladoc) pour son illustration pour Les Chemins de la philosophie.
Il sera bientôt trop tard pour dévier notre trajectoire vouée à l’échec et le temps presse...
C’était il y a un an, le 13 novembre 2017, 15 000 scientifiques de 184 pays différents signaient un avertissement à l’humanité. Pendant quelques jours, le texte fut relayé par les réseaux, les médias, et les discussions formelles ou informelles. Mais 1 an après, tout doit recommencer…
Et si plus la catastrophe était annoncée moins les gens y croyaient ?
Et si la responsabilité scientifique de l’homme est établie, alors quelle part de responsabilité morale faut-il assigner à l’homme quant à la crise environnementale ?
Les invités du jour :
- Jean-Pierre Dupuy, philosophe, professeur de science politique à l’Université Stanford
Auteur de La guerre qui ne peut pas avoir lieu aux éditions Desclée de Brouwer (2018), Petite métaphysique des tsunamis aux éditions Points (réédition 2015), Pour un catastrophisme éclairé : quand l’impossible est certain aux éditions du Seuil (réédition 2004) - Hicham-Stéphane Afeissa, philosophe
Auteur de l'Esthétique de la charogne aux éditions Dehors, La fin du monde et de l’humanité : essai de généalogie du discours écologique aux éditions puf (2014), Des verts et des pas mûrs : chroniques d’écologie et de philosophie animale aux éditions puf (2013)
Qu'est-ce que le catastrophisme ?
Il y a beaucoup de dénonciations de l’écologie, certains dénoncent cette fascination irrationnelle pathologique pour le désastre, ce qui définit le catastrophisme, cette forme de pensée qui consiste à envisager toujours le pire avec cette forme de complaisance qui consiste à multiplier les scénarios catastrophe et les prédictions alarmistes.
Il faudrait peut-être distinguer plusieurs catégories de discours : la littérature de vulgarisation scientifique et journalistique, les discours militants des défenseurs de l’environnement et les discours que les philosophes élaborent depuis quelques décennies sur le sujet de la crise environnementale.
Le catastrophisme caractérise de manière pertinente les deux premières catégories de discours. Il y a sans doute une pertinence à dénoncer le catastrophisme tel qu’il est utilisé alors.
Mais la question est de savoir si on peut traiter avec autant de légèreté et sur un ton badin la composante catastrophiste telle qu’elle apparaît dans le discours des philosophes ?
Hicham-Stéphane Afeissa
Petite histoire des catastrophes
Il y a toujours eu des catastrophes. Celle qui a marqué la philosophie occidentale est celle de 1755, le tremblement de terre de Lisbonne qui a marqué la fin de Leibnitz et le débat bien connu entre Rousseau tenant l’homme responsable du tremblement de terre et Voltaire tenant les aléas de la nature responsables de la catastrophe.
La position rousseauiste me paraît saine mais très dangereuse, ça veut dire que si nous sommes responsables de tout, y compris des catastrophes naturelles, la tâche que nous avons à accomplir sur terre est immense, c’est une charge injuste.
Jean-Pierre Dupuy
La crise environnementale, une totalisation inédite du monde
Il se produit avec la crise environnementale une totalisation du monde et de l’humanité qui est sans équivalent en raison de la mondialisation des effets puisque la question qu’on se pose ne concerne plus tel ou tel groupe humain mais concerne l’avenir de l’humanité dans sa totalité.
L’humanité est menacée en totalité et du coup, s’apparaît à elle-même en totalité, c’est inédit ! On a affaire à un concept nouveau. Si on doit trouver une équivalence à cette catastrophe, il faudrait remonter à l’apocalypse biblique.
Hicham-Stéphane Afeissa
La catastrophe, un problème moral
Nous savons et nous ne croyons pas ce que nous savons, ce qui est un scandale philosophique ! Le savoir c’est de croire. Mais aujourd’hui nous savons et nous ne transformons pas cela en croyance, la preuve, nous n’agissons pas. Par exemple : nous ne croyons pas parce que nous ne comprenons pas que s’il y a une guerre nucléaire, elle ne sera pas due aux mauvaises intentions des agents, la haine, mais due à un accident ! Ça s’est passé à Hawaï au mois de janvier de cette année, pendant 38 minutes : on a cru que des missiles nord-coréens arrivaient pour lancer des bombes mais c’était une erreur. Il y a eu des scènes de panique.
Le parallèle avec l’écologie ne s’arrête pas là, qu'en est-il du changement climatique ? C’est la même chose. En philosophie on parle d’autotranscendance, l’accident est quelque chose que personne n’a voulu. Dans l’écologie, le mécanisme est différent, nous sommes tous responsables de ce qui se passe. C’est bien un problème moral.
Jean-Pierre Dupuy
Textes lus par Jacques Gamblin :
- Le scepticisme face aux récits apocalyptiques, extrait de Solaire de Ian McEwan, Gallimard Folio, 2010
et musique de Rayon, To the quiet - Parabole du déluge, extrait de Endzeit and Zeitende de Günther Anders, extrait lui-même traduit dans Günther Anders : de la désuétude de l'homme de Thierry Simonelli aux éditions du Jasmin, repris par Jean-Pierre Dupuy dans Petite métaphysique des tsunamis, éditions du Seuil, 2012
Sons diffusés :
- Extrait de L'Âge de glace 2 de Carlos Saldanha, 2006
et musique de Tommy Guerrero, As The Sea Hold Creatures Vast And True - Chanson de fin : Mickey 3d, Respire
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