S’il est un tableau qui a été étudié, épluché, décortiqué, analysé, sur-analysé par les historiens de l’art, les amateurs, les critiques, les écrivains, c’est "La Joconde", peint vers 1503-1519... Que peut-on encore dire sur cette œuvre saturée de discours ?
- Jan Blanc Professeur d’histoire de l’art de la période moderne à l’Université de Genève
Aujourd’hui œuvre célèbre pour sa célébrité, il ne faut pourtant pas négliger l’importance capitale de sa portée au point de vue historique, La Joconde a immédiatement connu un succès phénoménal au XVIème siècle, devenant un nouveau modèle de type de portrait en Italie puis dans le reste de l’Europe...
L'invité du jour :
Jan Blanc, professeur d’histoire de l’art de la période moderne à l’Université de Genève
Le style de Léonard
La physionomie de ce visage ressemble à beaucoup d’autres visages peints par Léonard dans la deuxième partie de sa carrière, je pense notamment au Saint Jean-Baptiste du Louvre et à la Belle Ferronnière qui ont des traits en commun alors que ce sont des personnages différents. Alors pourquoi se ressemblent-ils ? Parce que, comme le dit Léonarde de Vinci, un peintre doit pouvoir constituer ce qu’on appellera au XVIe siècle une manière, c’est-à-dire un style, même si le terme est anachronique. Un style, une façon de représenter les visages, les corps qui va permettre à ses tableaux d’être reconnaissables et immédiatement identifiables à l’artiste. La Joconde est un tableau qui représente Lisa del Giocondo mais c’est aussi un Léonard de Vinci.
Jan Blanc
Un charme ineffable
Le tableau produit un charme, produit une séduction, produit un intérêt qui est presque de l’ordre du désir, ce tableau n’est pas fait pour bouleverser, il n’est même pas fait pour intéresser. Il va produire un charme un peu indescriptible. La grâce relève un peu de l’ineffable, du je ne sais quoi pour parler la langue du XVIIe siècle, qui va instaurer un rapport avec le spectateur mais un rapport qui suppose une certaine forme de culture et de savoir. C’est un rapport qui n’est pas immédiat, pas évident, ce n’est pas La Jeune Fille à la perle qui vous accroche par son regard, par sa bouche ouverte… qui nous capte, qui nous prend au piège.
Jan Blanc
Le sourire de Lisa
Ce qui frappe, ce qui marque l’œuvre c’est ce sourire qui n’est pas original puisque avant Léonard on a eu des sculpteurs, on a eu des peintres qui ont fait sourire leurs figures mais ce qui est très intéressant ici c’est deux choses : d’abord le sourire va emblématiser la figure, pourquoi ? Parce que Giocondo ça veut dire joyeux en italien, donc le sourire va donner le nom propre de la figure. Cette joie, cette gaîté qui est exprimée par ce sourire va signifier le statut social et familial de cette Lisa. Par ailleurs ce sourire va faire en sorte que ce tableau s’adresse à nous, ce qui n’est pas évident pour un portrait. Nous trouvons parfaitement banal et presque indifférent et anodin quelque chose que Léonard invente sous nos yeux.
Jan Blanc
Texte lu par Vincent Schmitt :
- Georgio Vasari, Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes , Livre V, Paris, Berger-Levrault, avec une musique de Efren Lopez, chez Buda Musique
Sons diffusés :
- Chanson de Serge Gainsbourg, Trois millions de Joconde
- Archive de France Inter, Qui est Mona Lisa ? de René Farabet , Fictions, 25/01/1968
- Archive de Daniel Arasse dans l'émission Histoires de peintures sur France culture, 29/07/2003
- Archive d'André Malraux lors de l'inauguration de l'exposition qui accueillera la Joconde à New York, 09/01/1963
- Chanson de fin : Nat King Cole, Mona Lisa
L'équipe
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